Accueil > Sport > Hockey > Entretien avec Michel Heinrich sur le sport (1ère partie) : “Je reste optimiste pour le Gamyo Épinal”

Entretien avec Michel Heinrich sur le sport (1ère partie) : “Je reste optimiste pour le Gamyo Épinal”

Le 10 avril 2018 par Bruno Veillon

Plutôt discret ces dernières semaines sur le sujet brûlant du club de hockey sur glace, le maire d’Épinal Michel Heinrich nous a ouvert les portes de son bureau pour une interview exclusive. Il nous livre d’abord ses vérités sur les difficultés de la SASP Gamyo et ses perspectives.

Michel Heinrich, dernièrement les clubs spinaliens ont fait davantage parler d’eux pour leur situation financière délicate que pour leurs résultats… En tant que maire et amoureux de sport, comment vivez-vous cette situation ?

Le sport ce n’est jamais un long fleuve tranquille, à Épinal ou ailleurs. On a connu des années assez difficiles sur le plan économique et les sponsors ont été plus difficiles à convaincre. Malgré la baisse des dotations aux collectivités, on a maintenu le niveau des subventions depuis 2014. On doit faire avec 3,2 millions d’euros chaque année. Il m’est arrivé pour certains clubs de mettre un peu de réserve parlementaire, mais de manière équitable, et c’était transparent. Au niveau sportif, la dernière saison a été exceptionnelle, celle-là est nettement moins bonne mais c’est toujours comme ça. On a déjà vécu ça. On ne peut pas jeter la pierre aux dirigeants. Ce sont des bénévoles qui donnent beaucoup de leurs personnes et parfois de leur poche. Tout le monde ne peut pas compter sur les Emirats (sourire). Il y a très peu de villes en France qui ont autant de clubs à ce niveau là. Donc il y a des fragilités. Mais c’est un choix, certains en font d’autres. Je ne juge pas.

« Je reste optimiste même si la situation est difficile »

Aujourd’hui la SASP Gamyo Épinal est en redressement judiciaire. Êtiez-vous au courant de la situation financière ? Êtes-vous raisonnablement confiant ?

Je suis au fait des choses tout au long de la saison. Le déficit est de l’ordre d’un million d’euros. D’ici le 1er juillet, la SASP est obligée de trouver des ressources pour faire face aux factures qui lui sont adressées. Je suis assez confiant là-dessus. Certaines recettes émanant de collectivités vont seulement pouvoir être enregistrées. La SASP ne peut pas faire de dettes nouvelles. Simultanément le club doit présenter un plan pour étaler la dette sur plusieurs années : URSSAF, transporteurs, fournisseurs. Pour présenter des comptes excédentaires, il va falloir réduire très drastiquement la masse salariale. Je reste optimiste même si je suis parfaitement conscient que la situation est difficile. J’ai déjà vécu ça.

La masse salariale dont vous parlez était l’une des plus importantes de Ligue Magnus cette saison. Comment l’expliquer ?

Premièrement le club était lié par des contrats, donc il n’avait pas le choix. Ensuite, le club sous la présidence de Romain Casolari a appliqué les règles strictes que préconise l’URSSAF : moins de frais déplacements, vrais salaires, etc. Donc ça a généré une augmentation très forte de la masse salariale.

« La nouvelle tribune ne coûtera rien au contribuable »

Dans ce contexte incertain, l’investissement lié à la nouvelle tribune de Poissompré suscite beaucoup de questions. Que répondez-vous aux critiques ?

Certains disent qu’il ne fallait pas faire la tribune, mais elle était pleine cette saison. C’est très facile de critiquer a posteriori. L’équipement servira toujours. C’est un choix politique courageux que j’assume pleinement. Je rappelle que les conditions d’accueil étaient devenues dangereuses. Et c’était inacceptable qu’on refuse du public. Les dirigeants du club ont bien su la commercialiser, mais ils ne l’ont pas optimisée. C’est le seul reproche que je leur ferais.

« Loyers bradés : rien de scandaleux »

Pouvez-vous nous rappeler comment est financée cette tribune ?

Elle a coûté 3,4 millions d’euros. Nous avons 2 millions de subventions et de récupération de TVA. Il reste 1,4 million à payer. Sur un emprunt de 20 ans, le remboursement coûte 1,6 million, c’est-à-dire 80 000 euros à rembourser annuellement. Cette somme est déduite de la subvention versée au hockey (250 000 euros). C’est donc la ville qui finance et pas la communauté d’agglomération. L’attribution de compensation qui nous lie financièrement à l’agglo – partie d’argent que l’agglo rembourse à la ville sur sa taxe professionnelle, NDLR – est diminuée de 80 000 euros pendant 20 ans. Il n’y a donc aucune conséquence sur le contribuable. Et même si le club venait à disparaître, ce que je ne souhaite absolument pas, comme les 250 000 euros étaient attribués au hockey, nous disposerions toujours des 80 000. Et un nouveau club éventuel ne repartirait pas en Ligue Magnus donc n’aurait pas besoin d’une telle subvention.

Des fournisseurs, des entreprises du secteur ont dénoncé des impayés qui peuvent mettre en péril leur pérennité. Vous y êtes forcément attentif… Non ?

Je m’en suis beaucoup préoccupé, même avant le dépôt de bilan. Lorsque j’ai été sollicité, je suis intervenu. Je n’en dirais pas plus.

Il faudra également convaincre la CNSCG, le gendarme financier du hockey. En 2015, vous étiez intervenu personnellement. Qu’en est-il aujourd’hui ?

(Sourire) C’est vrai que j’ai de bonnes relations avec la Fédération de hockey. C’est vrai avec toutes les fédés, mais un peu plus avec celle là. J’ai des échanges avec les dirigeants et je ferai ce que j’ai fait les autres fois. La Fédé n’est pas insensible au fait de voir un tel public, ni au fait de voir une collectivité investir autant pour son sport. Egalement il y a quelques temps, nous avons reçu le Tournoi des 4 nations et ils n’avaient jamais eu 800 personnes dans une patinoire pour ce genre d’occasion. Il y a une culture hockey ici. La CNSCG ne peut pas faire n’importe quoi, mais elle tient compte de tout ça.

« Romain Casolari a investi plus d’un millions d’euros »

Épinal Habitat aurait loué à certains joueurs des logements à tout petit prix (100 euros hors charges). Le confirmez-vous ?

Ce n’est pas la première fois qu’Épinal Habitat loge des sportifs. Pour le hockey cela fait 4-5 ans. Cette saison, sur 21 hockeyeurs, 9 avaient des logements au même titre que n’importe qui, avec des loyers classiques. Des logements qui n’étaient pas sur le marché de la location ont été attribués à 12 autres joueurs. Il y a 400 logements vacants de ce type qui nécessitent des travaux. Pour le directeur de l’office c’était un moyen de rentrer de l’argent, mais en même temps ça rendait sans doute service au club. Il n’y a rien de scandaleux. Ce n’est pas le premier club qui est dépanné de cette manière. Je savais qu’il y avait une dette des Gamyo à l’égard de l’Office mais ça je ne savais pas. On valide des budgets, mais c’est bien le directeur qui gère. Et c’est un très bon directeur. L’office a des comptes excédentaires et c’était un moyen de ne pas avoir de logements vides. Dans une période de tension, je comprends qu’il y ait des émotions, mais là ce n’est pas le cas. Les gens ont des exigences mais personne ne peut dire qu’on ne lui propose pas de logement.

Le président Romain Casolari cristallise beaucoup de critiques. Que pensez-vous du dirigeant ? De l’homme ?

On s’est réjoui que Romain Casolari arrive à un moment déjà délicat (en 2014). Ça me fait mal au cœur qu’il puisse se faire traiter de voleur alors qu’il a mis des sommes considérables dans le club (1,4 million d’euros, NDLR). Il a certainement commis des erreurs. Mais franchement sur les réseaux sociaux et même dans la presse écrite on lui a taillé un costard qui n’est pas le bon. Je rappelle que le maire ne choisit pas les présidents de club. Je travaille avec chacun d’entre eux, sans porter de jugement. Ce que j’impose c’est des objectifs en termes d’utilisation des équipements et de pratique pour l’accès du sport au plus grand nombre. Qu’on aime ou qu’on n’aime pas, en tant que chef d’entreprise Romain Casolari a montré certaines capacités à réussir. Ce n’est pas quelqu’un qui se met en avant. C’est sa culture, je la respecte. Il communique assez peu, il va peut-être changer. Ce n’est pas si simple de gérer un club. Ça demande beaucoup d’investissement et de générosité.

« Pas de repreneur en vue »

Globalement, pensez-vous que le projet est viable ? Peut-on imaginer un repreneur ?

J’espère de tout cœur que le projet Gamyo va perdurer. Il ira sans doute moins vite que prévu par rapport aux ambitions affichées (un titre d’ici 2020). Il n’est pas le seul à connaître de telles mésaventures. Concernant une éventuelle reprise, je ne sais pas du tout. On est en face d’une SASP, une société à part entière et je n’ai pas connaissance de repreneur. En tout cas, ce que je peux affirmer c’est que Romain Casolari n’en a pas recherché.

Propos recueillis par Clément Thiriau et Jordane Rommevaux

 

Menu
logo facebook logo instagram logo twitter logo linkedin