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Déconstruction des logements et réemploi : le point avec Véronique Thiéry, chargée d’opérations chez Vosgelis

Le 25 avril 2024 par Francoise Fontanelle
Véronique Thiéry, chargée d'opérations chez Vosgelis

Voici le deuxième volet d’une expérience de déconstruction des logements et de réemploi de matériaux qui a commencé il y a deux ans. Odran Lemaître nous avait présenté les problématiques de ce qui n’était encore qu’un projet de déconstruction sélective porté par Vosgelis dans le quartier de la Croisette à Remiremont. Aujourd’hui, la déconstruction est presque achevée et Véronique Thiéry, chargée d’opérations, nous explique en quoi cette démarche s’est révélée efficiente.

Vosgelis : le chantier aujourd’hui

Aujourd’hui, nous sommes dans la phase la plus « simple » : le démontage. Nous sommes extrêmement satisfaits de constater que nous avons récupéré beaucoup de matériaux et d’équipements. Mais aussi que l’ingénierie de l’opération se déroule comme nous l’avions prévu, et au-delà. La réflexion avec la maîtrise d’œuvre a été intense et profonde, y compris sur des sujets qui pourraient sembler anodins. Où allons-nous stocker les matériaux récupérés ? Quel volume cela va-t-il représenter ? Il a fallu imaginer un fonctionnement que l’on ne pouvait pas prévoir avec précision.

Aujourd’hui, nous avons la satisfaction de constater que ce que nous avons imaginé fonctionne, ainsi que l’émulation entre les partenaires que nous avons sélectionnés. Ils ont contribué au projet de manière pertinente, en nous apportant une intelligence supplémentaire et des idées qui ont amélioré le projet. Nous les avions rencontrés pour leur expliquer la philosophie et le déroulement du chantier. Mais aussi pour négocier les prix des matériaux et équipements qu’ils souhaitaient récupérer. Tout le monde a joué le jeu. Par Exemple, l’entreprise Hollinger, en charge de la destruction, a installé un énorme barnum sur le site, ce qui permet à Odran d’avoir un espace beaucoup plus vaste et adapté que ce qui était prévu initialement pour entreposer les solives, les requalifier, les inventorier et les trier, par exemple.

L’organisation de la déconstruction a permis d’avoir un chantier de démolition impressionnant en termes de rigueur et d’organisation. Chaque solive, pour continuer avec cet exemple, a été étiquetée pour repérer en trois dimensions son positionnement exact dans l’ancien bâtiment.

Les planchers en bois ont fait l’objet d’une réflexion et d’une organisation spécifiques. Ce sont des matériaux prisés, car ce sont des planches en bois de qualité et rabotées. Si leur niveau de conservation est très satisfaisant après avoir en enlevé les clous et les vis, le rainuré-languette peut, lui, souffrir à la dépose et nécessiter une repose flottante avec colle.

L’intérêt du circuit court

Le charpentier qui a remporté l’appel d’offres pour récupérer les solives est, pour le coup, on ne peut plus proche du chantier, puisqu’il s’agit de l’entreprise Passiv’Home, le fabricant de maisons passives et basse consommation situé à Remiremont. L’obligation et la responsabilité du stockage des solives sur le site par l’entreprise figuraient au cahier des charges. Pour ce faire, Passiv’Home a installé une remorque sur le site, dans laquelle Odran stocke directement les solives qui leur sont destinées, dans les conditions de préservation requises avant qu’elles entrent dans le processus de production. Une fois remplie, la remorque sera directement acheminée sur leur site de production.

Réemploi sur site

Une partie des matériaux récupérés sera réutilisée dans la nouvelle construction, les solives notamment. Nous avons déjà démonté les tuiles et les toitures. Nous envisageons de concasser les tuiles pour les réemployer dans les gabions prévus dans l’aménagement extérieur de la résidence ou pour faire du paillage minéral au sol.

La prochaine étape concerne la récupération des murs en moellon de l’ancien bâti. Nous allons les concasser pour faire les couches de forme des bâtiments mais aussi pour réaliser toutes les plateformes de récupération des eaux de pluie qui seront stockées dans les fondations d’une partie des voiries et des eaux paysagères.

Le menuisier intérieur va réemployer des lames de parquet pour réaliser un bardage bois dans la salle de réunion de la future agence Vosgelis qui sera située dans la nouvelle construction. Notre objectif est de récupérer le produit le plus brut possible pour que l’on sache qu’il s’agit de réemploi et que cela rappelle l’histoire du bâtiment. Car, une fois réutilisés, ces matériaux ne sont plus visibles. Nous allons, dans la même idée, et en fonction des engins de levage prévus sur les sites, essayer de récupérer des modénatures de l’ancienne façade pour les intégrer dans les petits murs décoratifs.

Nous allons également réutiliser le bois de charpente pour aménager des carports pour les véhicules des résidents.

La collaboration entre Vosgelis et les associations

L’association d’insertion AMI a récupéré tout ce qui est issu du curage du bâtiment : les WC, les lavabos, les radiateurs et les chaudières. C’est-à-dire, tout ce qui n’était pas incorporé dans la structure du bâtiment et qui a pu être démonté.

Un Toit Pour Toi, se situant à Neufchâteau, était limitée par les coûts de transport et a surtout récupéré des planchers, ainsi que quelques solives et chevrons.

Le coût du réemploi

À l’instant T, nos partenaires ayant tellement joué le jeu, le coût de la déconstruction sélective est négligeable à l’échelle du projet. En revanche, nous n’avons pas encore calculé le surcoût lié au réemploi. Il ne pourra se faire qu’à la fin du projet. N’ayant pas de fiches techniques pour les matériaux récupérés, et même si Odran fait tout pour les recaractériser afin que le bureau de contrôle nous suive, les entreprises qui vont poser ces objets en réemploi devront prendre une assurance nominative de chantier, plus particulièrement dans le cas des solives qui sont des éléments structurels.

Au demeurant, nous avons calculé que pour ce chantier, dans le cadre de la méthodologie mise en place, la pose d’une solive en réemploi sur place ou à proximité revient moins cher que la pose d’une solive neuve.

La complexité du réemploi

Pour autant, le coût du réemploi n’est pas immuable, il peut varier selon la configuration du chantier et les besoins des partenaires. Par exemple, ce n’est pas la tonne de gravats qui coûte cher, mais la rotation des camions qui vont les transporter. Autre exemple, les murs de l’ancien bâtiment ont été rhabillés de plâtre. Or le plâtre est un matériau qui ne peut être réemployé et doit être séparé du moellon. Si on ne le fait pas, les gravats ne seront pas aux normes pour réaliser les fondations. Aussi, avant la déconstruction, nous avions une inconnue sur le volume de concassés que nous allions pouvoir récupérer, nous empêchant de chiffrer précisément le coût des fondations. Si nous n’en avions pas assez, il fallait prévoir d’en acheter et de payer le coût du transport. Si nous en avions trop, il fallait envisager que l’entreprise accepte de les récupérer, de les stocker et de payer le transport sur un autre chantier ; ce qui leur coûterait plus cher que de les acheminer d’un autre chantier, plus proche.

Cela illustre la complexité du réemploi. Donner gratuitement des matériaux, c’est très bien. Mais si l’entreprise ou l’association ne peut les utiliser immédiatement, ou si elle ne se situe pas à proximité, ce don peut engendrer des frais liés au stockage et au transport.

Une expérience passionnante

Dans ce type de projet, le temps et le stockage composent une quatrième dimension. L’ingénierie de l’opération, propre au chantier de la Croisette, a été une aventure passionnante dans le sens où les opportunités de réemploi se situaient sur place. C’est parce que nous en avons imaginé le potentiel que nous y sommes arrivés.

Construire à partir de réemploi, sans déconstruction, est plus compliqué, car il faut anticiper l’approvisionnement en matériaux récupérés : être capable de trouver des chantiers à proximité et estimer ce que l’on va récupérer, dans quel état et en quelles quantités. Or, on ne peut pas déconstruire, trier et stocker, puis seulement après, concevoir le projet en fonction des matériaux de récupération disponibles et des contraintes qu’ils imposent.

La prochaine étape

Les travaux de fondations du bâtiment qui accueillera 24 nouveaux logements devraient débuter à la fin de l’été. Nous espérons commencer le montage structures ossatures bois dès septembre.

Un Toit Pour Toi lance un nouveau projet de démonstrateur de réemploi en collaboration avec Vosgelis

La première convention signée avec Vosgelis, à l’occasion de la déconstruction de l’ancienne gendarmerie de Neufchâteau, avait permis à l’association Un Toit Pour Toi de lancer le projet d’un second démonstrateur de réemploi : la tiny house 100 % réemploi.

Aujourd’hui cette tiny fait l’objet d’une réflexion low-tech pour la rendre autonome en eau et en énergie, en utilisant prioritairement du matériel de réemploi. Avec le chantier de la Croisette, l’association et ses bénévoles vont, pour Vosgelis, réaliser un troisième démonstrateur de réemploi. François-Régis Mougel, président de l’association, nous le dévoile.

« Vosgelis nous a proposé de récupérer des matériaux sur le chantier de la Croisette à Remiremont. Du fait de la distance et de l’état de nos stocks, nous avons candidaté pour le parquet. Pourquoi le parquet ? Parce que c’est un bois qui présente peu de nœuds. Nous récupérerons certainement aussi quelques solives requalifiées par Odran pour optimiser le transport.

L’intégration des matériaux

Nous réfléchissons actuellement à la manière dont nous allons intégrer ces matériaux dans notre nouveau projet. Il s’agit d’une salle de réunion itinérante commandée par Vosgelis. Pour le moment, nous identifions les techniques de mise en œuvre et nos ressources et bénéficions des conseils du cabinet d’architecte Moho, à Vittel. Il nous accompagne pour normer davantage nos démarches sur les plans techniques et matériels, afin de monter en gamme et d’envisager une production d’habitats légers.

En effet, nous souhaitons aller plus loin que la conception de démonstrateurs de réemploi et proposer des alternatives aux concepts d’habitat existants. Le logement étant un levier de motivation énorme pour les personnes éloignées de l’emploi. Mais aussi pour tenir compte du vieillissement de la population et de l’accueil de chercheurs de refuges.

Le lancement officiel de ce projet de salle itinérante avec Vosgelis est prévu d’ici la fin du printemps. Nous profiterons de cet évènement pour présenter l’achèvement de la tiny house 100% réemploi autonome. »

www.vosgelis.fr

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