Julien Absalon, double champion olympique de VTT : « Avoir les Jeux en France, c’est une grande chance ». Rencontre.
Sacré à Athènes en 2004 puis Pékin en 2008 et au départ à Londres en 2012 et Rio en 2016, Julien Absalon incarne mieux que quiconque l’esprit olympique dans le département. À un peu moins de cent jours de la cérémonie d’ouverture, le Raonnais, qui sera de nouveau consultant pour France Télévisions, clame son amour des Jeux.
Où étiez-vous quand la France a obtenu l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 en septembre 2017 ?
C’est une bonne question ! Je ne m’en rappelle pas. Quand je l’ai appris, j’ai pensé que c’était une très bonne nouvelle. Il y avait déjà eu la candidature pour les Jeux de 2012. Je l’avais suivi de près car j’étais concerné en tant qu’athlète. J’avais été déçu que Paris n’obtienne pas ces Jeux. Quelques années plus tard, je me suis réjoui, comme la plupart des Français, que les Jeux viennent à Paris en 2024. C’était dix ans trop tard pour moi ! (Rires.) Avoir les Jeux en France, c’est déjà une grande chance mais pouvoir y participer en tant qu’athlète, cela doit être fabuleux.
« Londres est un bel exemple. Tout a été entretenu et recyclé voire continue d’être utilisé »
On est entré dans les cent derniers jours avant la cérémonie d’ouverture. Pourtant, on a le sentiment qu’une importante proportion de Français ne considère pas la présence des Jeux en France comme une chance…
Dans le milieu sportif, je pense que les gens s’en rendent compte. Le Français, de base, est assez râleur ! (Rires.) Notamment les Parisiens qui vont vivre un été particulier. Cela va bouleverser leur mode de vie pendant quelques semaines. J’espère que les Français seront capables de créer un engouement et une ambiance comme avaient su le faire les Anglais en 2012, les Brésiliens en 2016 et d’autres avant eux. Les derniers JO, à Tokyo en 2021, c’était bien différent. On était encore en plein Covid et c’est difficile de comparer. Les Japonais sont tombés au mauvais moment.
Vous avez participé aux Jeux olympiques sur trois continents différents. Une ambiance vous a-t-elle a plus marqué que les autres ?
(Il réfléchit.) À chaque fois, l’enthousiasme était assez important. C’est plus difficile à juger pour Athènes. C’est plus loin dans le temps et j’étais vraiment dans ma bulle. J’étais hermétique à tout ce qu’il se passait autour et après ma victoire, tout s’est enchaîné comme un tourbillon. En revanche, au Brésil ou à Londres, j’ai vécu l’ambiance différemment.
Les Jeux de Paris 2024 vont-ils insuffler un nouvel élan pour le sport en France notamment grâce à tous les équipements qui ont vu le jour ?
Je l’espère ! Il faut s’inspirer des pays qui ont réussi et ne pas faire comme la Grèce ou le Brésil. Quand on retourne à Athènes ou Rio, c’est triste de voir dans quel état sont les infrastructures et ce qu’elles sont devenues. En revanche, Londres est un bel exemple. Tout a été entretenu et recyclé voire continue d’être utilisé. Si on prend l’exemple du stade de VTT, il est toujours bien entretenu et des gens roulent dessus tous les week-ends.
Existe-t-il des journées où personne ne vous reparle de vos deux succès olympiques ?
Il y a quand même des journées où c’est plus calme, mais en cette période où l’on approche des Jeux de Paris 2024, on m’en reparle beaucoup plus que l’an dernier à la même époque.
« Pour un vététiste, le seul évènement qui permet de dépasser le cadre des connaisseurs et du milieu cycliste, ce sont les Jeux olympiques »
Julien Absalon
Vous êtes-vous interrogé sur ce qu’aurait été votre vie si vous n’aviez pas été champion olympique ?
Dans un sport comme le mien, on peut réussir sa carrière sans être champion olympique mais ce n’est pas la même chose. En VTT, quand on gagne les championnats du monde ou des manches de Coupe du monde, on est reconnu dans le milieu du VTT, dans celui du cyclisme mais pas du grand public. Pour un vététiste, le seul évènement qui permet de dépasser le cadre des connaisseurs et du milieu cycliste, ce sont les Jeux olympiques. Beaucoup de gens ne s’intéressent pas à la Coupe du monde de VTT. C’est cela aussi la magie des Jeux : des personnes qui ne suivent pas le sport d’habitude vont regarder toutes les épreuves olympiques. Et même dans des disciplines qu’elles ne regardent pas le reste de l’année. L’avantage de notre sport, c’est qu’il est visuel et facile à comprendre. Quelqu’un qui ne regarde jamais le rugby et ne connaît pas les règles, il aura du mal à comprendre le premier match qu’il verra à la télé. Le VTT, c’est simple. C’est une course et le premier qui franchit la ligne d’arrivée gagne. Cela parle à tout le monde. On a tous un vélo dans notre garage.
Sans trahir un secret, avez-vous été sollicité pour être l’un des relayeurs de la flamme olympique (1) ?
Oui mais malheureusement, c’était difficile de trouver des dates qui pouvaient coller. Peut-être qu’il y a encore des chances que je porte la flamme olympique mais pour le moment, ce n’était que sur des dates où je ne pouvais pas…
De quelle manière allez-vous vivre ces Jeux de Paris 2024 ?
Je serai consultant pour France Télévisions sur les deux épreuves de VTT comme à Tokyo il y a trois ans. C’est sympa de pouvoir vivre les Jeux avec une accréditation média. Ce sera la deuxième fois que je serai de l’autre côté de la barrière mais à Tokyo, il y avait la réglementation liée au Covid. On était arrivé au dernier moment. On ne pouvait pas bouger comme on voulait. Là, ce sera plus intéressant. Je pourrais aller voir d’autres épreuves.
Aurez-vous la chance de commenter la course du Français qui vous succédera en tant que champion olympique de VTT ?
Je le souhaite ! Victor Koretzky et Jordan Sarrou font un début de saison exceptionnel. J’espère que la sélection pour les Jeux (2) sera officialisée rapidement pour qu’ils puissent se concentrer pleinement sur leur préparation olympique. On aura deux Français au départ qui sont capables de jouer devant.
- : avec la Meurthe et-Moselle et les Ardennes, les Vosges sont l’un des trois départements du Grand Est qui ont renoncé au passage de la flamme olympique sur leur territoire.
- : La France dispose de deux quotas pour la course masculine de VTT aux JO.
Un périple de 1 500 km jusqu’au Mont Olympe
Début avril, Julien Absalon a relevé un sacré défi pour célébrer le premier de ses deux sacres olympiques. Parti de Trieste (Italie) le 2 avril, avec un vélo Gravel, il a longé la côte adriatique par la Croatie et le Monténégro avant de traverser l’Albanie et d’arriver en Grèce, là où son histoire avec les Jeux a commencé. Il a accompli son périple en 9 étapes. Les sept première étaient longues d’environ 180 km. Pour les deux dernières, il a d’abord gravi une partie du Mont Olympe en Gravel avant d’achever son défi par un trail d’une quinzaine de kilomètre pour arriver au sommet le 10 avril. Il était possible de suivre son aventure sur les réseaux sociaux. Le Vosgien était aussi accompagné par un caméraman. « C’était une belle expérience et je me suis bien régalé. Vingt ans après, c’était sympa de marquer le coup. J’étais à mon rythme. Désormais, j’aime me tester sur les distances longues. Il y a beaucoup à découvrir dans ce domaine. C’est quelque chose que j’ai peu fait durant ma carrière. Je me régale de ce nouveau type d’effort qui demande une gestion différente », souligne le double champion olympique.