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Antoine Deltour face à la justice luxembourgeoise : le dernier round ?

Le 22 novembre 2017 par Clément Thiriau

Condamné en appel à une peine de 6 mois de prison avec sursis dans l’affaire LuxLeaks, pour avoir révélé des accords fiscaux entre le Grand Duché et des multinationales, le lanceur d’alerte vosgien Antoine Deltour a décidé de se pourvoir en cassation. L’audience, de pure forme, aura lieu ce jeudi 23 novembre. Avant cette nouvelle étape, il se confie, déterminé et serein.

Après quelques mois de répit, vous replongez dans le combat judiciaire devant la justice luxembourgeoise. Dans quel état d’esprit ?

Antoine Deltour – Je ne suis pas du tout dans le même état d’esprit anxieux que lors du premier procès. Je mène une vie normale aujourd’hui (salarié de la fonction publique à Nancy). Je suis beaucoup plus confiant car la condamnation a été allégée en appel. J’ai été reconnu comme lanceur d’alerte au moment où j’ai transmis les documents au journaliste, mais pas au moment où je les ai copiés, soi-disant au détriment de mon employeur.

La Cour de cassation ne juge pas les faits. Sur quoi repose votre ligne de défense ?

Il s’agit de débats assez techniques. On a déposé au printemps un mémoire qui décrit les erreurs de forme faites par la Cour d’appel. Je suis assez confiant, son argumentaire juridique est très contestable. Elle retient des faits qui sont inexacts et ne tient pas compte de certaines preuves matérielles. Au moment où je soustrais les documents, j’aurais dû savoir ce que je voulais en faire. C’est cela qu’on va contester.

“Ce procès, c’est une étape”

C’est-à-dire ?

Je suis condamné car je n’aurais pas démontré qu’au moment de la soustraction des documents, j’avais l’intention de lancer l’alerte. Or, ce n’est pas un critère fixé par une jurisprudence bien établie de la Cour européenne des Droits de l’homme. Dans l’histoire récente, mis à part Edward Snowden, aucun lanceur d’alerte n’avait prévu ce qu’il allait faire des documents au moment de les copier. En général, on n’a pas de stratégie, on ne sait pas dans quoi on s’embarque.

Quelle est la position du ministère public ?

Il n’y a pas d’évolution notable au niveau de la position du ministère public. Notre recours serait recevable mais non fondé. C’est la conclusion de l’avocat général. Après le juge doit trancher.

Que ferez-vous si la décision de la Cour d’appel est confirmée ?

Je vois ce procès comme une étape, avant si nécessaire de me tourner vers la Cour européenne des droits de l’homme. Ça prendra du temps. La décision de la Cour de cassation sera mise en délibéré, ça devrait prendre environ un mois. Si je gagne en cassation, cela relancera la procédure. Dans le cas contraire, avant que mon dossier soit étudié par la CEDH, ça peut prendre plusieurs années.

Une nouvelle affaire d’évasion fiscale vient d’être révélée au grand jour : les « Paradise Papers ». Qu’en pensez-vous ?

On voit que les schémas pour contourner les systèmes de régulation perdurent. Il est indispensable d’avoir des révélations et des lanceurs d’alerte pour faire émerger et dénoncer ces pratiques d’évasion et d’optimisation fiscale. Ces derniers mois, il y a eu des avancées au niveau européen et au niveau français mais c’est largement insuffisant, on le constate aujourd’hui.

CHRONOLOGIE

23 Novembre 2017 : Audience en cour de cassation

Mars 2017 : Condamnation en appel à 6 mois de prison avec sursis et à une amende de 1 500 euros

Mai 2016 : Condamnation en première instance à 12 mois de prison avec sursis et 1 500 euros d’amende

2015 : Prix du citoyen européen, nomination prix Sakharov, prix éthique Anticor

Décembre 2014 : Inculpation d’Antoine Deltour par la justice luxembourgeoise

Novembre 2014 : Deuxième phase de révélation des LuxLeaks

Mai 2012 : Diffusion de Cash Investigation et début de l’affaire LuxLeaks

Octobre 2010 : Copie des documents et départ de chez PriceWaterhouseCoopers

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