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Nikolaos : le Vosgien Damien Fontaine est un enlumineur d’histoires

Le 28 septembre 2023 par Francoise Fontanelle
Nikolaos : le Vosgien Damien Fontaine est un enlumineur d'histoires
Damien Fontaine artiste vosgien reconnu mondialement pour ses spectacles "son et lumières".
© D'Click Studio

Du 23 octobre au 11 novembre, tous les projecteurs seront braqués non pas sur mais dans l’église Saint-Nicolas de Neufchâteau. La raison ? Nikolaos. Un spectacle historique immersif que Damien Fontaine, « maître des lumières », dédie à la figure de saint Nicolas, patron de la Lorraine mais pas seulement… Partageons avec vous, cette très belle rencontre avec un artiste mondialement reconnu, dont les Lorrains ont pu découvrir le talent en 2012 dans sa transfiguration de Jeanne-d’Arc et, depuis 2000, ses spectacles son et lumière à Nancy et à Épinal notamment.

Spectacle Nikolaos à Neufchâteau.

Damien Fontaine, qu’est-ce qui vous a amené à créer ce nouveau spectacle où la bataille de Nancy et la figure de saint Nicolas se rejoignent ?

Parce que nous souhaitions, après le spectacle de Domrémy, faire une parenthèse en changeant d’endroit et proposer une autre histoire. Je voulais que ce nouveau spectacle se situe en intérieur, idéalement dans une église. Non seulement parce que l’architecture des églises se prête à l’exercice mais aussi parce que cette église, consacrée à saint Nicolas, m’amenait naturellement à me pencher sur l’histoire de ce personnage. Ce saint que l’on connaît au travers de sa légende un peu dorée, que l’on nous raconte tous les mois de décembre. Mon souhait était de proposer, comme pour Jeanne d’Arc, un récit qui soit ancré dans une forme de vérité historique. (…) Effectivement, il y avait des choses à disséquer pour expliquer comment Nikolaos – ce lointain personnage venu d’Asie (parmi les plus vénérés au monde, et saint patron de la Russie) – est arrivé en Lorraine. Pour comprendre pourquoi il en est devenu le saint patron à la suite de la bataille de Nancy en 1477.

Comment avez-vous traité ce lien ?

Connaître une partie de son histoire et comprendre comment ces faits se sont articulés pour qu’il devienne la figure identitaire de la Lorraine m’ont conduit à m’intéresser aux deux époques : antique et médiévale. L’idée était de mettre en parallèle ces deux moments, de raconter, avec quelques allers-retours et au gré des avancements de la bataille de Nancy, qui était Nikolaos. Cette bataille, qui s’est jouée sur deux ou trois jours, a révélé la Lorraine. À cette époque Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, avait pour velléité de reprendre la Lorraine qu’il avait plusieurs fois perdue et faisait le siège de Nancy. Le duc de Lorraine (René II) avait promis aux Nancéiens de venir reprendre la place et avait fait le serment, alors que ses troupes stationnaient dans le village de Port, (aujourd’hui Saint-Nicolas-de-Port) de dédier la Lorraine à ce saint et de lui consacrer une basilique en cas de victoire. Charles le Téméraire ayant été tué pendant la bataille, tout s’est joué à ce moment précis.

J’écris des histoires pour créer des spectacles.

Damien Fontaine, créateur du prochain spectacle Nikolaos à Neufchâteau.

Ce spectacle a dû vous demander des recherches historiques et iconographiques…

Il s’est agi de regrouper tout ce qui existait sur le personnage, et qui n’a pas été trop déformé au travers des siècles, pour retrouver ce qu’il a pu être à cette époque. Quelqu’un aux prises avec les empereurs romains qui ont eu des attitudes très différentes vis-à-vis des chrétiens, entre tolérance et persécutions. Jusqu’à ce que Constantin prenne le pouvoir et fasse du christianisme la religion de l’empire romain. Cependant, l’iconographie dont nous disposons montre saint Nicolas tel que les occidentaux l’ont accueilli à partir du Xe et du XIe siècle. Elle repose sur des informations transmises a posteriori. C’est le cas de sa tombe, vénérée en orient jusqu’à une certaine époque. Un lieu que les musulmans se sont accaparés et que les chrétiens ont essayé de délivrer pendant les Croisades, récupérant les prétendus ossements de saint Nicolas pour les ramener en Italie, et dont les Lorrains ont récupéré une phalange. C’est donc un spectacle qui n’est pas basé sur la représentation de ce que l’on connaît de saint Nicolas. Nikolaos n’a pas de mitre, pas de crosse et pas de barbe blanche. C’est une personne de son temps, affublée d’une toge. À cette époque-là, il n’est pas un saint, mais un évêque au sens où on l’entendait à l’époque, c’est-à-dire des gens cooptés par leur entourage du jour au lendemain.

Bataille de Nancy au spectacle Nikolaos à Neufchâteau.

De ce fait, comment avez-vous traité les images ?

L’idée a été de raconter chaque scène au sein d’un décor imaginaire, fait d’images. Nous sommes partis de « vues d’artistes » évoquant ce que pouvait être la ville de Myre où est né Nikolaos, puis de Patara et plein d’endroits où il est allé en Asie Mineure. Même approche avec la représentation de la bataille de Nancy et le tableau de Delacroix, qui n’a jamais mis les pieds à Nancy et a dû imaginer ce qu’elle avait pu être bien des siècles après. Rien à voir avec un « reportage photographique » d’époque. Du coup, on a essayé de travailler sur des sources connues pour savoir ce que pouvait être Saint-Nicolas-de-Port ou Nancy en 1477 d’après les quelques vestiges qui subsistent, comme la porte de la Craffe ou la tour de la Commanderie. L’idée était de faire que l’image devienne un habillage le plus réaliste possible et soit une ouverture sur l’imaginaire de ces époques-là. Un peu comme on le ferait sur un film pour que les gens s’imprègnent et s’immergent dans le contexte.

Ce spectacle a-t-il été un challenge technique ?

Les spectacles immersifs en intérieur, c’est quelque chose que je fais depuis quelques années, même si ce n’est pas si ancien. Nous avions commencé avec Jeanne d’Arc que nous avions choisi de transposer à l’intérieur de la basilique de Domremy après plusieurs éditions jouées en extérieur. Cela m’avait permis de tester des choses, de voir et de comprendre que les spectacles immersifs en intérieur sont totalement différents de ce que l’on peut faire sur des façades en extérieur. Le rendu, en tout cas l’attente que l’on en a, est encore plus fort qu’en extérieur : on est vraiment dans une boîte noire, comme au cinéma, au théâtre ou à l’opéra, avec une image tout autour de soi, qui va vraiment embarquer le spectateur. Le spectacle que j’ai créé en 2021 pour la cathédrale Saint-Jean à Lyon était déjà une avancée supplémentaire par la dimension du lieu. Toutes ces expériences m’avaient permis de voir que certaines approches en projection pouvaient être plus ou moins pertinentes et d’ajuster le tir afin que le rendu soit le plus optimisé possible. À Neufchâteau, l’église n’est pas gigantesque mais elle offre des volumes intéressants et elle a la particularité d’avoir un transept situé directement à l’entrée par lequel on avance jusqu’au chœur. Ici, les reculs ne sont pas très conséquents et il est nécessaire de découper (matricer) l’ensemble avec un nombre de projecteurs plus conséquents. C’est beaucoup plus simple de traiter un ensemble de façades… Là où l’on a besoin de cinq à six projecteurs, à Neufchâteau il en faut vingt-quatre !

On est vraiment dans une boîte noire, comme au cinéma, au théâtre ou à l’opéra, avec une image tout autour de soi, qui va vraiment embarquer le spectateur.

Damien Fontaine, créateur du prochain spectacle Nikolaos à Neufchâteau.

Comment avez-vous appréhendé le travail des comédiens et des figurants ?

Ces figurants et comédiens amateurs éclairés apportent la dimension vivante. Ils ont la tache de porter le spectacle. La composante humaine est théâtralisée, parfois même cinématographique avec des scènes qui peuvent comporter seulement deux à trois personnages ou, au contraire, beaucoup de monde, comme pour l’arrestation des chrétiens par les soldats romains. C’est un travail différent. Tous les dialogues ont été préalablement enregistrés par des comédiens professionnels qui, pour la plupart, travaillent dans le milieu du doublage. Ici les dialogues ne sont pas calés sur les personnages, ce sont les personnages qui se calent sur les dialogues. Ce sont les doubleurs qui influencent le jeu des acteurs et non l’inverse.

Myre Saint-Nicolas au spectacle Nikolaos à Neufchâteau.

Dans ce spectacle, vous jouez du piano sur scène. Certains spectateurs seront peut-être surpris d’apprendre que vous êtes musicien et compositeur…

Le but n’était pas de l’afficher au grand jour, même si certains le savent. C’est quelque chose que j’avais déjà initié sur la cathédrale Saint-Jean à Lyon. La musique a toujours eu une place importante dans mes spectacles et, la plupart du temps, j’en ai fait la composition. Mais là, il s’agissait, avec juste un piano, d’apporter une dimension un plus humaine et intimiste à certaines scènes, ou de souligner des passages un peu plus poétiques en créant des pauses, comme en apesanteur, en dehors du temps.

En ce moment vous êtes en répétition de Nikolaos. Cependant, avez-vous des projets en cours ?

J’ai toujours beaucoup de projets en simultané. Que ce soit ce spectacle qui va se jouer à Neufchâteau ou la préparation de spectacles plus « traditionnels » autour de contes de Noël, pour les fêtes de fin d’année à Enghein près de Paris ou à Saint-Raphaël. Des spectacles où j’essais, sans tomber dans la facilité, d’amener cette part de rêve supplémentaire qu’attendent les enfants et les parents qui ont envie de s’émerveiller en sortant des conventions. En février-mars 2024. Je vais investir une autre église, à Mulhouse, pour proposer un spectacle immersif du même type que Nikolaos. Je prépare également, pour 2024, un nouveau spectacle pour la cathédrale Saint-Jean à Lyon, même si l’on aurait pu rejouer celui de 2021 pour lequel nous avions fait 25 000 entrées mais avions refusé 30 000 personnes faute de places…
J’ai également un rendez-vous qui me tient très à cœur avec Paris cœur de lumière, le roman de Saint-Sulpice, en octobre novembre 2024. Le challenge sera de créer un spectacle encore plus grand car les lieux (l’église Saint-Sulpice à Paris 6e) l’imposent. J’avais envie de raconter une histoire qui ne soit pas celle de Saint Sulpice mais qui s’ancre dans le contexte de la construction de l’église et où se greffent les histoires romanesques d’un certain nombre de familles qui vivent au détour de ce chantier. Un roman à la fois sur l’histoire des lieux, celle de personnages fictifs et de personnages réels de la grande Histoire : de la Fronde, en 1648, à la veille de la Révolution. Toute autre chose, je m’apprête à publier mon premier roman le 14 novembre prochain. Un thriller qui n’a vraiment rien à voir avec ce que je fais habituellement.

Je m’apprête à publier mon premier roman le 14 novembre prochain. 

Damien Fontaine, créateur du prochain spectacle Nikolaos à Neufchâteau.

Vous êtes décidément un homme aux multiples facettes…

Oui et non, parce que j’écris des histoires pour créer des spectacles et j’avais envie de raconter quelque chose sur un temps plus long, avec des descriptions qui me permettent de fouiller les personnages et de m’autoriser à aborder plus de choses. Pour ce premier roman, je me suis attaché à des scènes qui se passent dans les Vosges notamment, me permettant en quelque sorte de rester à demeure… (Rires). Je n’ai pas la prétention de vendre 50 000 bouquins, mais cette aventure me fascine totalement. D’ailleurs, en ce moment, je suis sur l’écriture d’un roman historique où je reprends une sorte de caméo (brève apparition d’une vedette de cinéma ou d’une personne célèbre, pas toujours mentionnée au générique. Tel que le faisait Alfred Hitchcock en apparaissant dans chacun de ses films, ndlr) présent dans le premier roman, qui devient l’enjeu principal de l’histoire du second… D’autre part, je me suis entendu avec ma maison d’édition, pour réaliser un travail éditorial à partir de mes prochains spectacles. De beaux livres, illustrés avec des photos, des textes du spectacle et des textes complémentaires. Un format qui m’intéresse car ces livres représentent une seconde vie pour des spectacles historiques comme ce sera le cas pour Le roman de Saint-Sulpice.

Affiche du spectacle Nikolaos à Neufchâteau.

Nikolaos, L’histoire plus forte que la légende
Scénographie de Damien Fontaine
Du 23 octobre au 11 novembre 2023
2 représentations chaque soir, à 19 h et à 20 h 45
Église Saint-Nicolas
Rue Saint-Nicolas à Neufchâteau
Billetterie sur www.nikolaos.fr et auprès de l’Office de Tourisme de l’Ouest des Vosges<
Tarif plein : 29 € – 23 €
Tarif réduit : 24 € – 19 €
Enfant : 16 € – 9 €

Une visite au fil des rues, organisée par l’Office de Tourisme de l’Ouest des Vosges et précédant le spectacle, permet de découvrir la cité néocastrienne à travers les siècles. Un instant gourmand clôturera la promenade. Réservation obligatoire au 03 29 94 10 95.

Un article réalisé en partenariat avec le Magazine Tandem, à consulter : ici

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