24e édition des Imaginales à Épinal du 22 au 25 mai : rencontre avec Gilles Francescano, directeur artistique

Comment avez-vous vécu les deux premières éditions que vous avez marquées de votre patte ?

Cette expérience m’a permis d’imprimer mon identité et mon ADN dans le festival. Et, comme vous le faites remarquer, en deux éditions, on commence à percevoir qu’une nouvelle orientation a été prise ; ce qui me ravit. (…)

La Fête des Images s’appelle désormais « Nocturnes des Imaginales ». Pourquoi ?

Intégrer La Fête des Images en 2023 permettait d’ouvrir le festival à de nouveaux supports et à tous les formats d’écrans, dont la projection fait partie, et à l’immersif. (…) Avant cela ces deux mondes se côtoyaient sans trop se fréquenter et cette nouvelle identité montre que l’imaginaire permet de les réunir autour de la féerie. D’autre part, réunir tous les publics, c’est le credo de la Ville d’Épinal. L’idée n’était pas de faire des Imaginales un festival élitiste, mais un lieu où chacun trouve sa nourriture intellectuelle, spirituelle ou visuelle.

Le thème de l’édition est « Hors Normes ». Qu’est-ce qui vous tient à cœur dans cette notion qui interroge le rapport à l’autre ?

Je ne sais pas si c’est lié à cette année ou à mon âge (Rires.) Car quand on prend de l’âge, on a envie d’affirmer haut et fort ses convictions… Je pense que mon travail, qui consiste à faire des images pour le lecteur, a changé ma manière de vivre en société. En parlant de « l’Autre », j’ai envie que l’on parle aussi des choses qui nous sont communes et des idées profondes qui nous animent tous. Il y a toujours un dénominateur commun entre les monstres, les créatures monstrueuses, les extraterrestres et les vampires : la différence, l’inclusion, l’acceptation de l’autre avec ses défauts, mais aussi comment on s’accepte soi-même. (…) Je voulais vraiment aborder le handicap du point de vue d’une personne valide. Lorsque l’on pose ce sujet, on s’aperçoit que, dans notre manière de penser et de nous projeter, nous sommes tous hors-normes : chacun de nous est le héros ou l’héroïne de son propre récit. (…) C’est à partir de cet angle que j’aimerais voir les auteurs et les autrices s’exprimer pendant le festival.

Et Plume D. Serves, votre coup de cœur, aura certainement beaucoup à dire sur ce sujet…

Je ne connaissais pas du tout cette autrice, jusqu’à ce qu’une amie me conseille de lire son livre l’année dernière. Ça a été une claque. Alors je suis allé voir qui se cachait derrière cette « Plume ». J’ai découvert un être assez haut en couleur et totalement hors normes, qui correspond au thème que je voulais mettre en avant dans cette édition. Nous sommes la poussière parle d’un groupe de personnes atteint d’une particularité qui les met au ban de la société. Ce texte essaie de nous montrer comment la société tente de les intégrer tout en les niant. (…)

Ce thème a impulsé la mise en place de nouveaux dispositifs pendant le festival. Lesquels ?

Oui. Ce thème a fait bouger les lignes. Une cellule a été créée pour mener une réflexion sur l’inclusion, l’accueil de la différence et du handicap dans la ville, mais aussi pour montrer la plus-value que peut apporter l’imaginaire à des publics empêchés. Je reste persuadé que si l’on donne un livre de littérature d’imaginaire à un gamin quel qu’il soit, on lui ouvre le monde de sa propre imagination. Dans la littérature « classique » l’auteur parle d’éléments quotidiens que le lecteur connaît déjà et l’amène à entrer dans son univers. En revanche, la science-fiction et la littérature de l’imaginaire positionnent le lecteur au même niveau de postulat que l’auteur et l’obligent à faire un effort pour imaginer quelque chose qui n’existe pas.

« Imaginer l’impossible et des choses hors normes », c’est justement le propos d’Aleksi Briclot, l’illustrateur de l’affiche du festival et de ce chihuahua… manifestement hors normes.

Et ce chihuahua a beaucoup fait parler de lui ! J’ai échangé sur ce projet pendant plusieurs mois avec Aleksi Briclot avant qu’il ne commence à dessiner, car cette notion exige un cheminement créatif. Lorsqu’il m’a présenté les premiers croquis, j’ai décidé de ne pas les montrer. Ça a été un pari, mais aussi une marque de confiance de la part de Monsieur le maire et mes interlocuteurs de la direction de la culture et du patrimoine, car lorsque l’on s’adresse à l’un des cinq ou six plus grands illustrateurs au monde, on doit lui faire confiance (…). J’espère que les gens seront sensibles à la démarche de cet artiste.

Les Nocturnes des Imaginales

Courts Métrages, concerts live, théâtre et performances immersives complètent cette année les projections de video mapping, concours, ateliers et worshops habituels. Différentes pratiques artistiques liées à l’image interrogeront le public sur les notions de norme et de handicap, du jeudi au samedi soir de 22 h à minuit dans le cœur de ville d’Épinal.

> Le cirque ambulant d’Amadeo Cervone déroulera son histoire sur les façades de la place des Vosges. Gus, un hurluberlu de nature, contraint d’endosser l’uniforme gris d’un quotidien morose,
ne résiste pas à la tentation de pénétrer dans le chapiteau d’un cirque venu en ville. Il y découvre des créatures loufoques qui vont faire basculer son destin et la vie de sa ville… Une histoire touchante sur la différence, accompagnée par l’Orchestre d’Harmonie d’Épinal qui interprétera Alegria du Cirque du Soleil dans un arrangement de Victor Lopez.

> Et j’ai continué de regarder vers le soleil est une performance immersive qui se déroulera à l’intérieur de la basilique Saint Maurice. Cette création de la Compagnie Ultreia, associe spectacle vivant et art numérique pour évoquer la vie de Jacques Sélmelin.

Il a 16 ans quand le diagnostic tombe : rétinite pigmentaire. Progressivement, il perd la vue, traçant son chemin à tâtons pour se découvrir « autre », singulier. Dépassant son handicap, il va devenir historien, politologue et directeur de recherche au CNRS.

Parcours d’expositions

L’univers Métal de Jess D’Aubertes et Adrien Havet (Førtimem), les créatures légendaires du Chant des ondes, les langages visuels de Hors-Formats et de Hors-Normes, le monde de Jean-Philippe Jaworski vu par Inès Cœur Mezzoud, ou encore Philippe Herrard, Helmo, Rosina Nigro ou Carnone, douze artistes sèmeront leurs images dans Épinal cette année.

> Transcendre l’enfer – Olivier Ledroit

Requiem, Le Troisième Œil, Chroniques de la Lune Noire, Xoco,… Olivier Ledroit est une figure incontournable de la bande dessinée fantasy. Associé aux scénariste Patt Mills et François Froideval depuis les années 1980, il est connu pour ses personnages baroques colorés. Exposant ses croquis et ses grands formats, la BMI dévoile toutes ses facettes du 18 mai au 18 juin prochain. Son œuvre, Requiem, qui a l’objet d’un videomapping réalisé par Oscar Schulzbongert, sera projetée sur la façade du tribunal,

Accessibilité

Pendant toute la durée du festival, un partenariat entre la Ville d’Épinal, Keolis et des associations, dont APF France handicap, permettra de faciliter la venue des personnes à mobilité réduite aux Nocturnes des Imaginales.

Des navettes adaptées desserviront régulièrement (toutes les 15 min) différents arrêts à proximité des animations du centre-ville.

Des places de stationnement supplémentaires, réservées aux personnes handicapées, seront créées sur le parking place Foch ainsi que chemin de la Colombiere (devant la lune en parachute) .

Les Imaginales & les Nocturnes des Imaginales
Du 22 au 25 mai 2024

Salon littéraire et parcours d’expositions au parc du Cours de 10 h à 21 h

Les Nocturnes
en cœur de ville de 21 h à 00 h

Entrée libre
Infos et programme sur www.imaginales.fr et ONSECAPTE

Article rédigé par :

Lilia Akani

Responsable éditorial Web / Rédactrice