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Gabrielle Schaff : la Nancéienne à la frontière du réel et de l’imaginaire

Le 02 juillet 2018 par Bruno Veillon
Portrait de Gabrielle Schaff.
© Astrid di Crollalanza

Trente-cinq ans. Plusieurs films et documentaires à son actif. Un livre récemment paru au Seuil : Passé inaperçu. Gabrielle Schaff ne passe justement pas inaperçue dans le paysage lorrain. Portrait d’une auteure passée par les Vosges.

Gabrielle a plus d’une corde à son arc. Après avoir étudié le théâtre et la littérature, elle a entrepris des études cinématographiques à Paris IV Sorbonne. Puis pendant dix ans, elle a travaillé sur les tournages de films de fiction et de documentaires en tant qu’assistante puis réalisatrice. « Dans le milieu de l’audiovisuel, on se forme surtout sur le tas ! » Elle a notamment réalisé Contre vents et marées en 2015 : un film documentaire sur les assauts du temps qui passe et l’érosion du littoral.

Son premier roman évoque ses différentes expériences. Elle s’est notamment inspirée du tournage du film Le chemin noir d’Abdallah Badis dans lequel elle exerçait la fonction d’assistante, s’occupant du casting et des repérages. Pour ce faire, elle s’est rendue dans la vallée sidérurgique sinistrée de la Fensch, a suivi la trace du passé fantomatique des Chibanis, ces quelques milliers de Maghrébins embauchés par la SNCF entre 1970 et 1983.

Gabrielle Schaff a entremêlé fiction et documentaire, histoire personnelle de ses grands-parents malgré nous et histoire des harkis, tous « doubles perdants, pas du bon côté ». « Il y a un rapport troublant entre la fiction et le réel, le rapport au monde. Parfois quand on est sur un lieu avec une vraie fonction qui devient décor de film, le rapport au monde est trouble. C’est la métaphore du cinéma : on est aux frontières du réel et de la fiction. On ne sait plus de quel côté on est».

Elle a appris l’histoire de ses grands-parents en 2004 quand ils ont commencé à parler de l’uniforme allemand qu’ils avaient dû porter pendant la guerre. Elle a d’ailleurs réalisé un film de leur vivant : On remuait les lèvres mais on ne disait rien, disponible en DVD et VOD et produit chez Supermouche à Epinal.

Elle a collecté des récits, vérifié les informations, pris du recul avec son histoire personnelle : « c’est comme si j’avais mis ça dans une boîte, secoué et remis en ordre. Ca n’est pas un récit autobiographique. La narratrice n’est pas moi. Mon écriture questionne la frontière entre documentaire et fiction. »

Après une formation à la Fémis, Gabrielle Schaff a entrepris un master en création littéraire au Havre entre 2015 et 2017, au moment où ses grands-parents sont morts. Ainsi est né Passé inaperçu : l’histoire de Fahd qui devait faire des repérages en Lorraine pour un film consacré aux chibanis et qui se volatilise.

La narratrice qui se lance à sa recherche réveille l’histoire de ses propres grands-parents incorporés de force dans l’armée allemande pendant la deuxième guerre mondiale. Bernard Comment, directeur de la collection « Fiction et compagnie » au Seuil a tout de suite accepté ce premier roman. Suivant les lieux, ses lecteurs lui parlent davantage de la région (à Metz) ou de son écriture (à Paris).

Actuellement, Gabrielle réalise un film dans un hypermarché de Saint-Nazaire sur le quotidien des employés et sur les corps fatigués, le tout monté sur la Fantaisie fantastique de Berlioz. Il sera diffusé à l’été 2019 sur France 3.

Elle a en projet un nouveau roman mais n’est « pas sûre de l’intrigue. Je vais continuer à explorer les liens entre image et écriture. Le cinéma nourrit mon écriture et l’écriture m’aide au cinéma. Les deux se nourrissent mutuellement. »

Muriele Charlet-Dreyfus

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