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Rencontre avec Stéphane Jouve, l’ambitieux Maître d’armes de la Société d’escrime spinalienne

Le 09 décembre 2023 par Stéphane Magnoux
© Société d’escrime spinalienne- S’il ne cache pas ses ambitions sur le plan sportif pour ses élèves, Stéphane Jouve applique le même credo depuis son arrivée au club en 2003 : la priorité doit rester les études pour s’assurer un avenir professionnel stable.

Maître d’armes de la Société d’escrime spinalienne depuis deux décennies, Stéphane Jouve rêve de voir un athlète du club intégrer l’équipe de France senior et participer aux Jeux olympiques de Los Angeles en 2028. Mais pas à n’importe quel prix pour une association qui veut rester à taille humaine et a pris le temps de bien grandir.

Il y a encore quelques années, imaginer l’équipe de France masculine d’épée passer par Épinal pour lancer sa saison olympique, c’était inimaginable ! 

Ce projet d’attirer des internationaux à Épinal était un pari fou. Au départ, on était un petit club. Quand je suis arrivé en 2003, il y avait 40 licenciés. J’étais loin d’imaginer qu’on en serait là et qu’on penserait pouvoir faire encore mieux. C’est le fruit de notre travail. Le point de départ, c’est 2008 quand Quentin (Lucani) commence à faire des compétitions internationales. En 2010, il décroche une première médaille aux championnats d’Europe. À partir de là, on pense qu’on est capable d’aller dans cette direction. En termes de performances, il nous reste désormais à intégrer un athlète ou plus en équipe de France senior. En escrime, c’est difficile d’atteindre cet objectif. Il faut allier le sport et les études. Pour moi, ce sont même les études avant le sport. On ne peut pas miser sur un avenir professionnel dans l’escrime. 

Quel discours tenez-vous à vos athlètes de haut niveau ?

Je n’ai jamais poussé un athlète à faire passer l’escrime avant les études. Je tiens aussi ce discours à mes enfants. Je ne voudrais pas être à l’origine d’un rêve qui n’a pas pu se réaliser. En tant qu’athlète, je n’ai jamais été en équipe de France. J’étais dans les vingt meilleurs Français et j’ai fait quelques Coupes du monde quand il y avait de la place. En revanche, j’ai assuré mon avenir en faisant des études de Staps.

Depuis le temps qu’il a cette compétition dans les cartons, Stéphane Jouve ne compte pas l’abandonner. La saison passée, la Société d’escrime spinalienne a accueilli un tournoi réservé aux escrimeurs de la catégorie des moins de 13 ans. « On va le refaire en juin 2024. » En 2023, la participation était réservée aux athlètes de l’interrégion, comme le préconisait la Fédération française d’escrime, mais le maître d’armes spinalien voit plus loin. « Je discute avec la Fédération pour faire changer les règlements. J’ai réussi à convaincre des collègues de clubs parisiens de venir pour faire une vraie épreuve nationale. On veut attirer au moins  200 tireurs extérieurs au Grand Est. » Par-delà cette épreuve qui lui tient à cœur, pour les années suivantes, Stéphane Jouve ne cache pas qu’il aimerait se repositionner sur un championnat de France après les multiples réussites des saisons précédentes. « Ce qui nous intéresse, ce sont les seniors, assume-t-il. C’est ce qui attire les spectateurs et les partenaires. »

©Société d’Escrime Spinalienne-Cinquièmes du classement général aux deux-tiers de la compétition, 
sur un ensemble de 16 équipes, les Spinaliennes peuvent croire en leurs chances de disputer les quarts de finale des championnats de France N1 par équipes

Ces dernières années, les mentalités ont-elles évolué ? 

Si on prend le groupe actuel de l’équipe de France, certains n’ont pas encore pris conscience de tout cela. Il faut songer à un double projet. Il existe au sein de nos fédérations mais je ne suis pas convaincu qu’il y ait un véritable suivi. On s’attache d’abord aux performances des athlètes et aux médailles qu’ils obtiendront. Quand on est athlète de haut niveau, je suis convaincu qu’on est capable de faire la même chose au niveau scolaire. Le temps d’entraînement est tellement important que c’est au détriment du temps pour étudier. Quand on voit tous les reportages pour les Jeux olympiques où les athlètes galèrent pour payer leur préparation et conjuguer ça avec leur boulot… Le vrai problème, c’est la valorisation du sport dans notre pays.

Si j’ai trop de demandes pour la saison prochaine, je ne sais pas comment on fera. 

Stéphane Jouve

L’attribution des Jeux olympiques 2024 à Paris a-t-elle malgré tout permis à des sports comme le vôtre d’obtenir des moyens supplémentaires ?

Je n’ai pas vu la différence. Le projet « Terre de Jeux 2024 », c’est le moyen de faire rêver les gens aux Jeux olympiques. Avant « Terre de Jeux 2024 », j’avais dit à la mairie que l’objectif, c’était qu’un jour des athlètes internationaux viennent s’entraîner à Épinal. J’estimais qu’on avait les infrastructures et les moyens pour les accueillir. C’est notre volonté et celle de la Ville de promouvoir le sport à Épinal qui l’a permis. Sans cela, l’équipe de France ne serait jamais venue ici.

Si l’escrime française performe aux Jeux de Paris 2024, pensez-vous que cela débouchera sur des moyens supplémentaires ?

L’escrime française est sous perfusion de ses résultats. Si les athlètes continuent d’avoir des résultats, il y aura toujours des aides de l’Agence nationale du sport. S’il n’y en a pas, les aides seront réduites. Est-ce qu’il y en aura plus s’ils font mieux que ce qui est attendu ? Normalement un peu. Notre Fédération vit au travers des licences qui sont en perpétuelle augmentation. Notre sport est trop précaire pour envisager un grand développement si les résultats sont meilleurs. Je pense qu’on est au maximum.

Après chaque édition des Jeux olympiques, il y a pourtant une augmentation des licenciés. Le club d’Épinal est-il en capacité d’accueillir plus d’adhérents ? 

Cette année, on est 135 licenciés. Ma jauge maximum, j’y suis presque déjà. Si j’ai tous les publics réunis et qu’on coche toutes les cases, c’est 150 personnes. Je ne pourrais pas faire plus que ce que je fais au quotidien. Si j’ai trop de demandes pour la saison prochaine, je ne sais pas comment on fera. C’est déjà bien de continuer à stabiliser la jauge. Cela m’assure que le club soit en bonne santé durant de longues années. À un moment donné, je suis malheureusement obligé de dire stop car je ne peux pas faire n’importe quoi. Si c’est pour faire de la masse, cela ne donnera rien de bon. En escrime artistique et en sabre laser, je peux encore accueillir un peu de monde mais en escrime sportive, je suis complet.

À partir de la saison 2024/2025, on entrera dans le vif du sujet pour le projet sportif.

Stéphane Jouve

Qu’est-ce qu’Eléa Jouve peut attendre de cette saison sur le plan international ?

L’objectif est clair : participer aux championnats d’Europe et du monde chez les juniors. Malheureusement, elle n’a pas toutes les cartes en main. La saison passée, elle avait fait tout ce qu’il fallait en étant troisième des épreuves sélectives mais l’entraîneur, comme elle n’est pas en pôle, pensait qu’elle n’a pas l’esprit d’équipe. Quand on voit, ce qu’elle est capable de faire comme statistiques par équipes avec le club… À l’issue des épreuves de sélection, les deux premières aux points seront qualifiées d’office. Les troisième et quatrième, ce sera au choix de l’entraîneur. 

©Société d’Escrime Spinalienne-Fleuron du club d’escrime spinalien, Eléa Jouve vise les sélections pour les championnats d’Europe et du monde juniors cette saison.

Pour Lola Lucani, cette saison est importante. Après les Jeux de Paris 2024, de nombreuses athlètes vont mettre un terme à leur carrière et il y aura des places à prendre…

Lola et Eléa vont patiemment continuer à s’entraîner et, à partir de la saison 2024/2025, on entrera dans le vif du sujet pour le projet sportif. On va commencer à changer la voile des compétitions et participer à des Coupes du monde satellites qui sont open. On va se préparer pour l’international et espérer que cela performe au niveau national pour être dans les clous des sélections. On va donner le maximum durant les quatre années qui vont venir en vue des Jeux olympiques de 2028 à Los Angeles. Après, on fera le bilan : est-ce qu’on a réussi ou pas ? Est-ce qu’on continue ou pas ? Cette saison, c’est la dernière où on sait que les places seront compliquées à prendre en équipe de France. Les filles sont très fortes mais après, il y aura des fins de carrières. Lola et Eléa devront faire leur place pour aller sur des Coupes du monde seniors. On est ambitieux mais aussi conscients que cela sera très compliqué. Le chemin est très difficile. On n’est pas les seuls à vouloir aller dans cette direction mais c’est ce qui nous motive. Cela sera difficile mais ce n’est pas inaccessible.

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