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Bémer : On connaît la chanson

Le 22 mai 2014 par Bruno Veillon

Mi-moqueur, mi-amoureux, Bémer raconte sur scène son histoire d’amour avec la chanson française. En un mot, tiré de Facebook : c’est compliqué.

S’attaquer à un mythe indéboulonnable comme la chanson française, ça demande un peu de culot. Justement, Emanuel Bémer n’en manque pas, avec son Impossible Anthologie de la Chanson française, nouveau spectacle qu’il s’apprête à donner pour la toute première fois dans les Vosges. ” Je défends le patrimoine de la chanson, mais je veux pas m’en aveugler. Il faut savoir l’écorner, c’est un hommage intelligent… Pourquoi on dit la chanson “française” mais pas le fado “portugais” ? Le but c’est de prendre les gens à contre-pied “, observe le chanteur lorrain qui a enregistré déjà quatre albums.

Bémer a ainsi affublé l’affiche de son spectacle d’un gallinacé bien crâneur : ” C’est le coq français un peu pédant à l’image mauvaise que les Français donnent parfois à l’étranger. On parle toujours d’exception française, j’ai envie d’aller contre cette idée reçue en réglant mes comptes avec la chanson française : est-elle ringarde, populaire, triste ? S’arrête-t-elle à Léo Ferré ou à Johnny et Claude François ? “

Mais attention, détrompons-nous, Bémer n’a aucune aigreur. Plutôt cette petite lassitude qui peut s’installer après 37 ans de vie commune avec des chansons que sa maman lui fredonnait déjà tout petit. L’envie sans doute de titiller une relation qui s’endort : ” La critique reste très affective, c’est pour ça que ce spectacle est plein de paradoxes. C’est un règlement de compte pacifique, avec des bisous et des câlins ! “, nuance celui qui confie toujours s’inspirer de Brel, Barbara, Ferré, Dominique A, Bashung… et de la scène actuelle avec Fauve, Philippe Katerine et Claire Diterzi.

Pour mener à bien sa délicate déclaration d’amour désenchantée, le boxeur de la chanson a choisi son arme, celle qu’il maîtrise bien. La langue. Ou plutôt les langues étrangères. Pour sonner dans les accents du monde entier les plus connus des titres de la chanson française comme Göttingen de Barbara en allemand ou Que je t’aime en japonais. C’est une curieuse sensation alors de ne plus comprendre les mots, mais de s’accrocher à des mélodies archi-connues, presque délavées par le temps : ” Quand on n’identifie plus la langue, le cerveau se met en standby, on voyage dans les souvenirs qu’on attache à ces chansons. Je chante en hongrois, en espagnol, en portugais, en anglais… Les mots, les musiques et les mélodies ne s’arrêtent pas aux frontières. Je reprends Hexagone de Renaud en kabyle, une version réécrite qui raconte comment le pouvoir politique est volé au peuple. Pour apprendre cette langue, j’ai utilisé un texte phonétique que j’écoute en boucle. “

Bémer a sorti sa calculette pour compter le nombre de kilomètres parcourus sur les ailes de ce voyage musical : 111 187 km à vol d’oiseau sans bouger de son strapontin.

Sur scène, il s’entoure du pianiste Benoit Dangien et de 25 choristes issus d’ensembles vocaux vosgiens. Dans une mise en scène soignée sous l’oeil complice d’Etienne Guyot, Bémer se retrouve à côté d’un imposant globe et de cierges, qui serviront à ” invoquer l’esprit de la chanson française “. En 17 chansons et 8 langues, il nous embarque dans ce projet paradoxal, mi-amour mi-critique. Impossible n’est pas Bémer.

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