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CONNEMARA, DU ROMAN À L’ÉCRAN : Une aventure vosgienne racontée par son producteur

Le 05 septembre 2025 par Jonathan Blanchet
Mélanie Thierry, Bastien Bouillon et Alex Lutz
© Christophe Brachet


Moins d’un an après Leurs enfants après eux, le deuxième roman de Nicolas Mathieu, Connemara, est transposé au cinéma. Une odyssée unique, car enracinée dans le paysage local. Son coproducteur, Emmanuel Georges, à l’origine de sa mise en chantier avec Alex Lutz, nous raconte les coulisses du film.

L’œuvre du romancier Nicolas Mathieu est traversée de chocs de destins et de rencontres déterminantes. Celle qui va donner naissance à l’adaptation cinéma de Connemara, troisième roman de l’auteur spinalien, se produit entre Alex Lutz et le vosgien Emmanuel Georges, au détour d’une conversation, sur le plateau de La Vengeance au Triple Galop, pastiche de « soap opera » que le premier a imaginé et que le second a produit en 2021. « Quand j’ai rencontré Alex, je lui ai parlé de Nicolas Mathieu et de mon enthousiasme pour son dernier livre, Leurs enfants après eux », se souvient celui qui codirige la société de production Supermouche, qu’il a cofondée avec son épouse Brigitte, vingt ans auparavant. « D’un seul coup, il me dit qu’il rêve d’adapter le roman ! ». À l’époque, la version cinéma du Goncourt est pratiquement sur rails et sera finalement réalisée par les frères Boukherma, avec Paul Kircher. Mais les astres vont finir par s’aligner : Nicolas Mathieu met, au même moment, la dernière main à son troisième livre, qui parle immédiatement aux deux hommes.

NÉGOCIATION D’ADAPTATION

Ce roman, c’est Connemara, qui raconte les retrouvailles d’Hélène, transfuge de classe qui a quitté ses Vosges natales, avec Christophe, ancien sportif au parcours cabossé, qui, lui, n’est jamais parti. Alex Lutz et Supermouche se lancent corps et âme dans la bataille des droits et vont remporter la mise… deux mois seulement après la parution du roman, en avril 2022. Pas mal d’arguments vont jouer en leur faveur : le tournage est prévu quasi intégralement à Épinal, les porteurs du projet sont des amoureux du territoire (Alex Lutz est alsacien avec des liens familiaux dans les Vosges et Supermouche ne manque jamais une occasion de mettre en lumière son port d’attache)… Et Nicolas Mathieu tient Alex Lutz en haute estime depuis qu’il a découvert Guy, mélo familial que ce dernier a réalisé. L’écrivain est clair dès le départ : il va leur laisser les coudées franches.

ADAPTER, C’EST TRAHIR

Alex Lutz s’entoure de deux coscénaristes pour adapter un récit complexe à traduire à l’écran, fait d’entrelacs de destins, d’alternances de points de vue et de flashbacks. Puisqu’adapter c’est trahir, le cinéaste finit par trouver une subtilité qui déverrouille le reste de l’écriture qui va durer pratiquement deux ans. « C’est très fidèle au roman, et ça n’a finalement rien à voir avec lui » résume Emmanuel Georges. Le livre explore les fractures sociales, le poids des origines. Dans le film, tout est suggéré via leur histoire d’amour qui renoue avec le cœur battant du livre matriciel.

En parallèle s’engagent les repérages en amont d’un tournage qui ne pouvait pas se concevoir ailleurs que dans les Vosges. « Quand j’ai découvert le roman, à chaque fois que je tournais une page, je reconnaissais un lieu. C’est devenu obsessionnel. Quand on s’est lancés dans la production avec mon épouse, nous étions convaincus qu’on allait trouver tous les bons décors ».

RENDEZ-VOUS EN TERRAIN CONNU

Les premiers coups de manivelle sont donnés à Épinal en octobre 2024, pour un tournage qui va durer six semaines, dont cinq dans la Cité des Images et ses environs proches… Outre l’incontournable patinoire intercommunale, terrain de jeu des Wildcats, la caméra va se promener rue des Petites-Boucheries, au bar Le Sulky ou à l’étang de la Comtesse, en amont du réservoir de Bouzey, pour une séquence clé. Les héros du film sont interprétés par Mélanie Thierry et Bastien Bouillon (dont c’est décidément l’année cinématographique), Jacques Gamblin, Eliot Giraud ou des compagnons de route d’Alex Lutz comme Bruno Sanches complètent la distribution. Ils seront rejoints dans l’aventure par près de deux-cents figurants, dont l’immense majorité a été castée à Épinal. Pour Supermouche, dont c’est la première expérience à la barre d’un long-métrage de cinéma, l’enjeu est important et, en définitive, l’expérience s’avérera plus qu’enrichissante.

La période sera marquée par une intensité particulière. « Tourner à Épinal et son agglomération a rendu les choses simples. Je partais du bureau et j’arrivais en vélo sur le plateau ! C’était un moment hors du temps  » se remémore Emmanuel Georges. « On a été portés par tout le monde. Il y a eu une mobilisation incroyable des institutions, des habitants… Tout le monde était derrière nous avec enthousiasme ».

OBJECTIF CANNES

Malgré l’ambiance bon enfant, l’équipe du film travaille au pas de course et n’attend pas la fin du tournage pour démarrer la postproduction… et pour cause. Elle a déjà une idée en tête : présenter le film au comité de sélection du Festival de Cannes. Un premier montage inachevé est envoyé fin mars. Le 10 avril, c’est l’euphorie  : Thierry Frémaux, délégué général du Festival, annonce en conférence de presse que le film est retenu dans la sélection Cannes Première. La fenêtre d’exposition est inespérée. Un autre marathon s’engage pour livrer une copie du film pour la projection officielle. « De novembre à mi-mai, ça a été un long tunnel… tout a été très vite, c’était intense » évoque le coproducteur du film, en regardant dans le rétro. Un mal pour un bien : les retours critiques enthousiastes galvanisent la troupe, désormais engagée dans une tournée d’avant-premières, avec une étape phare à Épinal… jusqu’à sa sortie nationale le
10 septembre.

Quel que soit le verdict au box-office, le long-métrage constitue en tout cas un jalon important dans l’histoire de Supermouche, qui s’est fait connaître en produisant des spectacles filmés et des documentaires. « Il y a la satisfaction d’avoir réussi quelque chose en étant une petite société de production basée en région quand les grandes décisions se prennent à Paris. Cette aventure me conforte dans l’idée que c’est possible, dans une région qui s’affirme de plus en plus comme une terre de cinéma. Tout l’enjeu est maintenant de développer la production depuis les Vosges. Nous sommes les premiers, j’espère qu’on sera suivi et qu’on travaillera avec d’autres… La machine est lancée ».

Connemara.
Un film d’Alex Lutz.
Avec Mélanie Thierry, Bastien Bouillon, Jacques Gamblin… 1 h 52.
Sortie le 10 septembre

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