Jean-Pierre Valentin : l’explorateur vosgien d’humanité

Le 22 juin 2016 par Bruno Veillon

Il a parcouru les Terres berbères du Maroc, les déserts du Sahara et les rives de Mauritanie. Jean-Pierre Valentin, documentariste, écrivain et surtout, voyageur, a posé sa caméra dans les Vosges pour répondre à l’appel des forêts de ses contrées.

À l’orée d’une forêt, au milieu des épicéas, Francis Cuny prépare sa tronçonneuse et sa hache. Il a repéré un sapin, tombé sous la tempête de 1999 ou possiblement porteur de douilles. La scierie n’en a pas voulu. Le Vosgien connaît les lieux par coeur.

Ici, il est chez lui. Dans le bois, entre autres, il taille, sculpte et crée des personnages, des formes, des scènes. En façonnant de la vie dans la matière, il explique : ” Soyons à la hauteur, les arbres nous regardent “.

” C’est pour générer ces paroles-là que j’ai voulu réaliser ce documentaire “, explique Jean-Pierre Valentin. Le documentariste, grand voyageur, habitué du Sahara, a troqué l’exotique désert pour la montagne vosgienne.

Pendant plusieurs mois, ce Stéphanois (entendez bien de Saint-Etienne-lès-Remiremont), a découvert sa région natale. ” On dit souvent que c’est compliqué de photographier sa famille. Ici, c’est filmer son lieu de vie, ses voisins. ”

Car s’il a toujours habité les Vosges, l’expérience a été une vraie révélation pour celui qui avoue ne s’être que baladé dans les tourbières lorsqu’il avait 18 ans.

Ce film, c’est un ” véritable appel de la forêt “, ADN du territoire. Et qui de mieux placé pour en parler que les acteurs même, ces Vosgiens qui se nourrissent, s’inspirent et vivent au coeur des futaies.

Le voyage se fait en compagnie de Jean-Paul Marchal, maître imagier, proche de la feuille de papier de poirier, Alain Carbonare luthier, Rémi Caritey, grimpeur-récolteur, mais aussi par Annie Tremsal Garillon, plasticienne, ou encore Pascal Rzadkiewa, apiculteur. ” On passe de rencontres concrètes au monde artistique, empli d’émotions. ”

“Une émotion des éléments”

Des heures d’écoute filent avec ces Vosgiens dans leur quotidien. Des moments durant lesquels Jean-Pierre Valentin a su se faire oublier. ” On rentre dans l’intimité. De ce temps long découle une parole libérée. “

Dans ce récit forestier, le documentariste voyageur a trouvé des surprises aussi. Des similitudes avec l’autre bout du monde, lorsque, Lionel et Laura Vaxelaire dorlotent leurs vaches à Saulxures-sur-Moselotte, de la même manière que les éleveurs du Sahara le font avec leurs dromadaires ou leurs troupeaux de moutons.

” L’amour et la proximité avec l’animal sont les mêmes. ” Les émotions sont internationales, tout comme la problématique de la météo, ” on guette le temps au-dessus des dunes comme on peut le faire au-delà de la ligne bleue des Vosges. “

Dans le massif lorrain, Jean-Pierre Valentin a pris son temps, s’est approprié et a choisi les plans et les paysages. Il est retourné filmer et parler aux intervenants. Un luxe qui n’est pas toujours possible lors de ses déplacements au Sahara.

” L’idée était de montrer un rapport au monde qui se dessine par la parole des intervenants, une philosophie de vie en découle. C’est un appel à la forêt mystique, philosophique et émotionnel “.

Les images souhaitent rappeler la force de la nature. ” C’est elle qui prend le pas et l’homme ne peut la maîtriser “, souligne le documentariste. Les tableaux se dispersent pour montrer plusieurs aspects : la réalité des petits producteurs avec les Vaxelaire, fabricants du fromage vosgien Coeur du massif, le travail des apiculteurs ” porteurs de mémoire ” qui choisissent l’appellation AOP, l’artisanat des luthiers et des fabricants d’épinette, la créativité des imagiers ou des plasticiens.

” Il y a dans cette beauté forestière une émotion des éléments. “. Un témoignage de l’histoire vosgienne aussi, furtif. Une esquisse intimiste d’un quotidien qui passe par la complicité, par la confiance qui s’est construite entre l’observateur et les observés.

L’appel de la Forêt
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