Le lynx dans les Vosges : alerte disparition
Réintroduit il y a 30 ans dans le massif des Vosges, le lynx en a-t-il disparu ? Rien n’est moins sûr. Sa disparition n’en est pas moins programmée, alertent les associations naturalistes.
Le lynx s’est fait plus que discret dans le Massif des Vosges depuis l’hiver dernier. En a-t-il pour autant disparu ? Relayé récemment dans les media, le témoignage d’un automobiliste disant avoir percuté un lynx dans le massif du Donon a relancé les inquiétudes des associations naturalistes.
Certains commentateurs l’identifient même à Van Gogh, le lynx à l’oreille coupée, l’un des derniers à arpenter le massif. ” Ni trace de sang, ni cadavre retrouvé : il n’y a jusqu’à présent aucune preuve qu’un lynx ait été percuté “, relativise Alain Laurent, responsable du réseau loup/lynx dans le Nord-Est pour l’ONCFS (Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage).
” Un lynx ne disparaît pas comme cela. Cela ne passe pas inaperçu. Même s’il avait été tapé, qui peut se permettre de dire qu’il s’agit du dernier lynx mâle du massif ? “, poursuit l’expert qui précise encore : ” Aujourd’hui personne ne peut dire qu’il n’y a plus de lynx dans le massif des Vosges “. Dont acte.
La présence de l’espèce n’en est pas moins précarisée, à ses yeux. ” Depuis l’issue du dernier hiver (2013/2014), il n’y a plus d’indice fiable de traces “, en dépit du sérieux des observations. ” Nous notons désormais plus régulièrement des indices de présence du loup “, précise encore Alain Laurent, confirmant ainsi une évolution qui ne date pas il est vrai d’hier. ” En 2004/2005, j’ai commencé à alerter ma hiérarchie, en sachant que le lynx a toujours été le fait d’un petit noyau de population très fragile dans le massif “.
Tout commence en fait entre 1983 et 1993, quand une vingtaine de lynx originaires des Carpates y sont réintroduits. Une continuité forestière, la présence des proies favorites du félin sauvage chevreuils, chamois… constituent autant de facteurs favorables au succès de l’opération. L’avenir démentira.
Alors que le Jura, où le lynx a fait son apparition au début des années 70, s’impose aujourd’hui comme ” le plus gros noyau de population de l’Europe de l’Ouest “, la montagne vosgienne se révèle moins bénéfique.
10 cas de braconnage
Des pathologies ont sans doute influé, le braconnage aussi. En 2013, un nouveau cri d’alarme est ainsi lancé par des associations naturalistes lorraines et alsaciennes. L’Association nationale Ferus ? Ours ? Loup ? Lynx Conservation, la première association nationale de protection et de conservation de l’ours, du loup et du lynx en France et le GEML, le Groupe d’Etudes des Mammifères de Lorraine, montrent du doigt ” le facteur humain , plus précisément le braconnage”.
” C’est le principal facteur de mortalité chez l’espèce “. Et de préciser : ” Si seulement dix cas de braconnage ont pu être répertoriés sur le massif vosgien, d’autres sont pressentis, notamment ces dernières années, mais par principe, il n’existe pas de chiffres officiels de ces actes illégaux “.
Pour les associations de protection de la nature, une certitude : ” Les prochaines années seront décisives pour l’avenir de la population. Le lynx boréal est en passe de disparaître du seul massif où il a été réintroduit …”.
Jugeant, au regard du peu d’échos suscités par leur missive au ministre de l’Écologie, elles estiment que ” l’État abandonne le lynx à son triste sort “, non sans revendiquer, début octobre via une nouveau courrier public une pétition en fait à Ségolène Royal quelques mesures indispensables à sa survie.
Parmi elles, ” la mise en place d’un plan de restauration ambitieux au niveau national, prenant en compte les spécificités de chaque massif, dont le massif vosgien ; une plus grande sensibilisation autour de cette espèce afin que la population locale puisse s’approprier le sujet et mieux connaître l’animal ; l’accentuation des efforts contre le braconnage ; enfin un soutien officiel aux réintroductions de lynx prévues dans le Palatinat allemand “.
