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“Seule la rivière”, le troisième roman du vosgien Frédéric Lavergne

Le 01 décembre 2022 par Francoise Fontanelle
"Seule la rivière", le troisième roman du vosgien Frédéric Lavergne
Frédéric Lavergne auteur d'un troisième roman
© Frédéric Lavergne

Frédéric Lavergne est un auteur vosgien. Médecin dans le village de Celles-sur-Plaine, près de Raon-l’Étape, il vient de publier son troisième roman, Seule la rivière, que nous vous présentons dans le numéro de décembre qui vient de paraître. En attendant de le retrouver en dédicaces à la librairie Le Neuf à Saint-Dié-des-Vosges le 3 décembre à partir de 14 heures, nous vous proposons de faire sa connaissance.

Frédéric Lavergne, vous êtes médecin de campagne dans les Vosges, vous venez de publier votre troisième roman en un peu plus de 20 ans.

J’ai écrit plein de choses, l’écriture de celui-ci m’a pris 19 mois car, en tant que médecin, je ne peux écrire que sur mes jours de repos… Beaucoup d’hommes, lorsqu’ils rentrent ceux eux, bricolent. Moi, je ne bricole pas, j’écris.

D’où vous vient cet intérêt pour la littérature ?

J’ai toujours eu besoin de lire, même si j’ai une formation scientifique. Quand j’étais étudiant, j’avais toujours un livre en cours de lecture. J’adorais Jean-Jacques Rousseau – plus personne ne lit Jean-Jacques Rousseau ! – et Victor Hugo, mon auteur fétiche. Pour l’anecdote, au début de mon livre je remercie Jean-Marc Hovasse, selon moi le plus grand biographe de Victor Hugo en France, qui a publié une énorme biographie chez Fayard et qui est professeur de littérature française à la Sorbonne à Paris. Cela fait une vingtaine d’années que nous nous connaissons, et c’est à lui que j’ai envoyé le manuscrit de Seule la rivière. Lorsqu’il l’a lu, il m’a dit clairement « Ce n’est pas ce que j’ai l’habitude de lire. Mais, de grâce, ne fais pas de l’auto édition, adresse-toi à des éditeurs ! ». Je n’ai pas osé l’envoyer aux grands éditeurs chez lesquels il y a une chance sur cent mille d’être édité. Alors je me suis adressé à des maisons d’édition à compte d’éditeur.

Seule la rivière est un roman qui se déroule sur plusieurs années, qui fait intervenir de nombreux personnages dont le destin converge vers le même événement : un drame survenu dans une colonie de vacances en 1976. Son architecture complexe, ses constructions littéraires et mathématiques, le rendent captivant. Aviez-vous cette trame en tête dès le début du travail d’écriture ?

Toutes les personnes qui m’en ont parlé ont aimé ce livre, mais m’ont avoué qu’ils avaient été perturbés par ces changements de temporalité : 1976, 2012, 2014…
1976. Je me souviens que c’était une grosse année de sécheresse. Cela avait, notamment dans les Vosges, créé pas mal de problèmes. J’avais 12 ans, j’habitais dans les coins de Saint-Dié, et il y a eu plusieurs incendies alors que l’on disait que dans les Vosges il y a tellement d’eau qu’il n’y aura jamais de feux. On parlait des incendies dans le sud, mais jamais chez nous. Voilà le point de départ. Je savais où je voulais aller. Je voulais que le point central soit : la vérité. Je pense que, finalement, dans la vie il y a ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas, mais je sais aussi que d’où l’on est, on peut la percevoir de manière différente ; tout comme Jean d’Ormesson disait : «  Il n’y a pas d’évidence, il y a des évidences ». J’ai fais un peu pareil avec la vérité. Mon héroïne, Only River, n’apparaît, en fin de compte ; pas comme une personne « bien » à la fin du roman. Quand elle apprend que ses parents cachaient un secret, par son obsession de savoir pourquoi, elle met le bazar un peu partout, alors qu’elle aurait pu laisser tomber.
Je savais donc où je voulais aller et, dès la première page ce personnage mourrait. Mais au fur et à mesure du livre, alors que j’étais à une trentaine de pages de la fin, je m’étais tellement attaché à ce personnage que je n’ai plus eu envie de le faire mourir. Parallèlement à cela, j’ai lu un article médical sur le gliome, à propos de duquel on a trouvé des gènes qui, s’ils s’expriment, pourraient nous permettre de nous défendre de ces types de tumeurs cérébrales. Évidemment tout ceci reste dans le domaine de la recherche, mais j’en fais un point entendu, dans ce roman, pour qu’elle s’en sorte.
Malgré le plan de départ, il m’est arrivé, pour certains chapitres, de ne pas savoir ce qui allait s’y passer deux jours avant de les écrire. Ou bien, de devoir en rajouter pour que les lecteurs comprennent certains points de l’histoire.

Une véritable enquête, mais aussi un roman dont les personnages recherchent la vérité. Le secret, les non-dits sont peu à peu mis au jour, composant une forme de catharsis… pour les personnages, et pour le lecteur ?

Gabriel García Márquez dit que tout homme possède trois vies : la vie publique, on sait que je suis médecin ; la vie personnelle et familiale pour lesquelles on sait que vous aimez lire ou faire du vélo, et la vie secrète. Et je suis convaincu que chacun a toujours au fond de soi quelque chose que personne ne sait. Dans cette quête, ou cette enquête, de vérité, il y a évidemment ce que l’on voit, ce que l’on espère découvrir qui pourtant est devant nos yeux. Et il y a surtout ce que l’on refoule en permanence, comme c’est le cas de la mère de Only River qui perd connaissance plusieurs fois. Et tout ce qui nous amène à formater notre cerveau pour recréer une vérité.

Les sujets de vos deux premiers romans, Le chemin des bannes (2001) et Le temps d’une Luciole (2011) étaient-ils très différents ?

Le chemin des bannes, (j’aime bien cette histoire, même si je n’aime pas trop la façon dont c’est écrit car je trouve cela un peu ampoulé aujourd’hui) se déroule, juste avant la Seconde Guerre mondiale, dans une vallée vosgienne où un médecin de village est confronté à une succession de guérisons inexpliquées. Le chemin des bannes existe vraiment. C’est une partie de la voie Romaine qui allait de Metz à Strasbourg qui servait à acheminer le sel. J’en ai fait pour le roman, un endroit où certains romains convoquaient la Pythie pour demander des guérisons ou réaliser des souhaits, ce que découvre Gaspard Kern.
Le second livre est tout petit. C’est l’historie d’une pièce de 1 euro qui, comme dans le poème d’Alphonse de Lamartine, « Objet inanimé, avez-vous donc une âme ? », se trouve avoir le pouvoir de penser et de comprendre ce qui se passe autour d’elle. Dans une succession de saynètes, elle va aller de poche en poche et de main en main, elle faire aussi bien rire que pleurer. Ce livre avait bien marché et m’avait permis de verser un chèque de sept mille euros au laboratoire de recherche contre le cancer.

Le produit de la vente de Seule la rivière participera également au financement du laboratoire de recherche de l’ICL à Vandœuvre-lès-Nancy (Institut de Cancérologie de Lorraine) ?

Les deux premiers romans ont été publiés en auto édition et tous les bénéfices de leur vente ont été reversés à ce laboratoire. Pour Seule la rivière, j’ai eu l’honneur d’avoir été accepté par un éditeur parisien, et le pourcentage que me verseront les éditions Maïa leur sera également reversé.

Quel sera le sujet de votre prochain roman ?

Si Seule la rivière était basée sur la vérité, pour celui-ci je voudrais faire passer le message que, dans la vie, personne n’est bon ou méchant à 100 %. Que dans chacun de nous, il y a de bonnes et de mauvaises choses… Comme dans l’histoire de cette vielle femme qui vient d’être placée en Ehpad. Ses enfants, en débarrassant la maison, découvrent, enterré dans la cave, le cadavre d’un homme vêtu d’un uniforme allemand… Le plan du roman est écrit. Je sais où je vais aller. Mais, encore une fois, je ne sais pas encore comment.

Seule la rivière
Frédéric Lavergne
Éditions Maïa – Collection Regards noirs
Sept. 2022 – 23 €

Frédéric Lavergne sera en dédicaces à la librairie Le Neuf à Saint-Dié-des-Vosges le 3 décembre 2022 à partir de 14 heures.

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