L’Anthropocène : Un sacré bilan analysé par l’auteur lorrain Henri Cuny
Après des études à l’Université de Lorraine, une thèse en biologie végétale avec L’INRA sur “ La croissance des arbres en lien avec le climat ”, et avoir mené une réflexion sur l’impact de l’humain sur le changement climatique, Henri Cuny publie Le bon, la brute et le tyran – Ce que l’Anthropocène dit de nous. Alors justement, que faut-il voir dans ce miroir tendu ? Nous lui avons posé la question.
Pourquoi avez-vous choisi ce titre ?
L’Anthropocène désigne le temps et l’espace façonné par l’Homme. Le tyran apparaît en gras car, lorsque l’on dit que l’Homme a pris possession de la Terre, il a soumis à sa volonté la plupart des êtres vivants. Toutes les disparitions qu’il a provoquées, par leur aspect létal, ont également un côté brutal. Enfin, « le bon » permet de nuancer le portrait. On ne peut pas réduire l’humain à ce bilan car il est capable d’avoir des comportements tout à fait singuliers vis-à-vis de son environnement et du vivant.
Quel est, en quelques mots, ce bilan ?
Le changement climatique est très médiatisé mais, ce qui me marque un peu plus, c’est le sentiment d’urgence qui se dégage de tous ces chiffres liés, notamment, à la disparition des grands animaux. Selon moi, l’Anthropocène doit se concevoir comme une globalité qui demande des connaissances dans le domaine de la climatologie, la biologie mais aussi sur l’histoire de l’Homme et la psychologie humaine.
Le portrait que je dresse dans le livre est certes partiel et orienté, car je me focalise sur l’impact de l’Homme sur son environnement. Effectivement, le constat n’est pas très glorieux, voire même alarmant pour le futur, et au regard de l’histoire.
Je suis remonté jusqu’à l’extinction du Pléistocène, que l’on situe entre moins 70 000 et moins 10 000 ans avant J.-C. Durant cette période, une forte vague d’extinction de gros animaux a eu lieu, or elle coïncide avec la colonisation de la Terre par Homo sapiens. Son arrivée sur le continent australien correspond à une diminution très importante de la mégafaune. Cet excès de prédation est aujourd’hui très documenté et on estime que, pendant le Pléistocène, la moitié des animaux qui pesaient plus de 45 kilos ont disparu.
L’homme serait donc le plus grand « nuisible » de tous les temps ?
(Rires) Je ne sais pas. Dans tous les cas, il a une force de transformation de son milieu très importante ! L’une de causes est pour moi notre faculté extraordinaire à coopérer, comme l’a développé Yuval Noah Harari dans Sapiens : Une brève histoire de l’humanité. Le langage et le fait d’inventer des histoires constitueraient un moteur très fort de notre pouvoir à transformer la surface terrestre. Or l’apparition de cette faculté coïncide, là encore, avec la disparition des gros animaux.
Depuis, le fait que nous ayons recours aux ressources fossiles et aux machines a décuplé considérablement ce pouvoir de transformation. Pour nuancer ce portrait, lorsque l’on observe les peuples autochtones, on s’aperçoit que, souvent, ce sont des peuples qui ont trouvé un équilibre avec leur environnement et parviennent à se fondre en lui sans le détériorer.
Avons-nous une issue de secours ?
La peur peut être un moteur de changement. Même si la voie de développement que nous avons suivie nous a apporté beaucoup de choses positives, il est nécessaire de redéfinir nos aspirations profondes. La solution est essentiellement philosophique. On pense que l’on s’en sortira par l’innovation et la technologie, mais si l’on ne change pas nos schémas de pensée et nos valeurs, cela peut faire plus de mal que de bien.
Dans ce livre j’expose deux issues possibles. La vie est résiliente. Elle peut résister à des chocs et continuer à se développer après. Nous pouvons également desserrer notre emprise sur le vivant. La reprise de la vie après Tchernobyl et Fukushima en témoigne. Il faut aussi observer que le rapport que nous entretenons avec le vivant (animal et végétal) peut être très positif à bien des égards…
Le bon, la brute et le tyran – Ce que l’Anthropocène dit de nous
Henri Cuny
Éditions Maïa
25 €
Un article réalisé en partenariat avec le Magazine Tandem, à consulter : ici