Stéphane Brogniart : « Je prépare ma course par la méditation »

Le Déodatien Stéphane Brogniart confirme d’année en année qu’il est l’une des références mondiales de l’ultra-trail. Un niveau acquis grâce à une nouvelle philosophie de course adoptée il y a près de cinq ans.
Vous êtes un traileur talentueux qui fait partie du Top 20 mondial sur les épreuves longue distance. Si vos résultats ont toujours été honorables, on constate une réelle progression depuis presque 5 ans, comment l’expliquez-vous ?
Stéphane Brogniart – J’ai toujours été actif et à la recherche de la performance. J’ai longtemps pratiqué le triathlon et j’ai découvert le trail, il y a une dizaine d’année, grâce à des pratiquants de Saint-Dié-des-Vosges qui m’ont poussé à participer à quelques épreuves nature comme le Marathon des crêtes. Très vite, je m’aperçois que je suis plus endurant que rapide. Je me tourne alors vers les courses longue distance qui sont assez rares. Les courses étaient bonnes mais en 2008 je tombe dans l’ultra-performance. Tout devait être mieux, les entraînements toujours plus difficiles et les mauvaises courses devenaient de plus en plus difficiles à digérer. Même pour mon entourage, j’étais aigri et mon corps affichait ses limites.
Vous prenez donc la décision de tout changer ?
S. B. – Exactement, le sport doit être, avant tout, un plaisir. Je prends la décision d’arrêter complètement de courir en mars 2008 et de me cultiver sur la psychologie humaine, d’apprendre la philosophie de l’être pour réussir à m’écouter. Quatre mois après avoir dévalisé les librairies et avalé des dizaines de livres, je reprends l’entraînement en solo, à mon rythme.
Comment ont évolué vos entrainements après ce break ?
S. B. – Ma philosophie de course était totalement différente. J’enfile mes baskets sans me poser de barrières et d’objectifs. J’arrête de courir lorsque mon corps dit stop. J’ai commencé par m’élancer avec une montre à chaque poignet. À droite mon chrono pour évaluer mon temps de course et à gauche un autre chronomètre que j’enclenchais lorsque j’avais la sensation de ne penser qu’à ma course. Au début de cette pratique, si je courrais une heure, c’était beau d’avoir 5 minutes au chrono de gauche. Aujourd’hui, la montre de gauche afficherait
59 minutes.
Et vos progrès se sont vite révélés ?
S. B. – Je n’étais sûr de rien car la course était devenue tellement simple que je n’avais aucune sensation de progrès. Je croyais même que je m’entraînais mal mais je me suis inscrit au Megatrail des Ardennes sans aucun objectif. Et contre toute attente, je termine la course à la troisième place. Sans aucune difficulté, je réalise la meilleure perf’ de ma carrière.
Votre secret de réussite est donc de ne penser qu’à vous ?
S. B. – C’est ça, avoir le mental assez fort pour ne pas se polluer l’esprit par les traquas du quotidien. Je me mets dans une bulle à partir du moment où je commence à courir jusqu’à ce que je franchisse la ligne d’arrivée. J’aborde mes ultra-trails de façon méditative. Un façon de faire qui m’aurait fait hurler de rire il y a 10 ans et qui est très difficile à comprendre dans notre civilisation cartésienne. Mais en constatant l’accumulation de mes bons résultats, je deviens crédible. Je suis tellement déconnecté dans mes courses qu’il faut attendre les derniers mètres de l’épreuve pour constater mes douleurs, mon classement et mon temps de course car pendant l’épreuve je n’ai conscience de rien.
Depuis 2009 quels sont vos principaux résultats ?
S. B. – Les plus significatifs sont ma victoire à l’Infernal trail de Saint-Nabord en 2012, la 4e place au Trail tour de Gérardmer en 2011, la 7e place à la Maxi race d’Annecy, la 14e place à l’Ultra-trail du Mont-Blanc l’an dernier et la 4e place décrochée à Barcelone, il y a quelques semaines.
Et quel est votre programme cette saison ?
S. B. – Je prépare le Lavaredo (Italie) long de 120 km pour 6 500 m de dénivelé positif, fin juin et surtout le Mont-Blanc (168 km et 9 500 m de dénivelé) fin août. Je terminerai l’année par le Transmartinique de 133 km pour 5 200 m de dénivelé.