Sébastien Gaudard : la pâtisserie à contre-courant

Attendu à Epinal pour les Journées du Bon Goût, le pâtissier Sébastien Gaudard originaire de Pont-à-Mousson en Lorraine, retrace son parcours atypique, des études d’économie aux étoiles de la gastronomie.
Certains naissent avec une cuillère en argent dans la bouche, Sébastien Gaudard a peut-être profité d’une belle louche de chocolat. A Pont-à-Mousson où il voit le jour, c’est en enfourchant son petit vélo rouge qu’il va rendre visite à son papa dans sa pâtisserie aux aurores avant de s’effondrer de fatigue sur le canapé du bureau ” Mon père conservait dans de grandes boites en fer les ingrédients de ses recettes. Je les lui empruntais pour confectionner mes petites tartelettes où je mélangeais toutes sortes de poudre. Ça avait un côté magique, petit chimiste, c’était fascinant pour moi gamin. Ça coulait de source de me tourner vers la pâtisserie”…
Pas tant que ça, puisque Sébastien Gaudard se frotte d’abord à un bac B puis à de courtes études d’économie et de droit. Faut-il croire que les délicieux parfums de la pâtisserie ont eu raison des rébarbatives listes de chiffres ? Plutôt une histoire d’addition : ” En pâtisserie, avec les mêmes ingrédients, vous confectionnez des recettes totalement différentes juste en modifiant l’ordre d’incorporation ou les proportions. Avec du sucre, du sel, des oeufs, du lait, du beurre et de la crème on peut réaliser indifféremment des croissants, une pâte sablée, une pâte feuilletée
C’est bluffant !”
Les visitandines de Sébastien Gaudard. Crédit photo Michael Aldo
Pâtissier à Matignon
L’apprenti-magicien-pâtissier est très vite à l’étroit dans la pâtisserie familiale. Il stoppe ses études et débute son apprentissage avec succès auprès chez Georges Vergne à Belfort, puis Gérard Banwarth à Mulhouse. “J’avais plus de maturité par rapport aux autres apprentis et j’avais appris inconsciemment auprès de mon père, il y a avait quelque chose d’inné. A force d’avoir entendu mon père donner des ordres à ses apprentis, je savais exactement ce qu’il ne fallait pas faire !” Ces premiers pas prometteurs l’emmènent ensuite à Paris, parfait pour le jeune homme qui souhaitait voyager. Il effectue son service militaire dans une brigade culinaire. A Matignon s’il-vous-plaît, au service du Premier ministre, Pierre Bérégovoy et Edouard Balladur.
D’un lieu de prestige à un autre, il se fait repérer par Fauchon et Pierre Hermé, dont il devient le premier adjoint avant de lui succéder à seulement 26 ans. “C’était terrifiant de succéder à Pierre Hermé, j’ai relevé le défi mais je travaillais beaucoup, j’ai passé de nombreuses nuits blanches, je m’investissais énormément.” Il crée notamment la classique tarte Darjeeling, se frotte aux questions de marketing et d’image, renforce encore sa créativité. Il signera son départ avec une dernière création : “Auguste, un gâteau puzzle dont j’ai tout pensé de A à Z, l’emballage, le dessin du gâteau C’était une façon de tirer un axe de création, une ligne directrice de toute ces années chez Fauchon. ” Le moment aussi de rédiger son premier ouvrage “Agitateur de goût”. Envie de changement ou de lassitude, Sébastien Gaudard quitte la maison Fauchon et se fait conseiller auprès d’autres pâtissiers. Il parcourt la planète pour partager son savoir : Allemagne, Corée, Japon, Etats-Unis, Europe
Rendre le passé merveilleusement présent
Le créatif de Fauchon retrouve à nouveau la capitale française et prend son monde à rebrousse-poil au Delicabar dans le VIIe arrondissement. Il casse les codes : les fruits deviennent salés, les légumes sucrés, le chocolat entre dans le fruit. Sébastien Gaudard se fait une nouvelle fois remarquer. On le surnomme le “Petit prince” ou le Tom Ford de la pâtisserie selon le Figaro.
La Pâtisserie des Martyrs. Crédit photo Michael Aldo.
Il co-écrit un ouvrage avec Françoise Bernard, auteur gastronomique et ancienne animatrice télé, et c’est un nouveau déclic dans la vie du jeune homme, le dernier qu’il vient de relever : “En échangeant avec Françoise, elle m’évoque ses souvenirs d’enfance de gourmandise, plein de choses que je ne connaissais pas. Je me suis dit que je devais faire ressurgir la pâtisserie de tradition. Je veux rendre le passé merveilleusement présent : je fais pas les mêmes produits qu’il y a 50 ans. Nos vies et nos palais ont changé, mais j’ai toujours beaucoup apprécié les pâtisseries anciennes. C’est revenir un peu au temps de mes parents, quand ils ont ouvert dans les années 60 La quête de la différentiation, c’est mon leitmotiv. ” En pleine mode du vintage, le pâtissier voit juste et ouvre enfin son propre lieu, la Pâtisserie des Martyrs à Paris avec sa devanture en bois à l’ancienne. Les noms d’autrefois reviennent sur les étals : napolitain, mussipontain, othello, omelette norvégienne “Cela m’a transporté à cette époque, aujourd’hui les gens m’interpellent parce que cela les réconcilie avec la pâtisserie.”
Quand on évoque ses racines lorraines, c’est une foule de souvenirs qui remonte, mais aussi un regret, celui de la difficulté de trouver les produits régionaux à Paris : “J’ai du mal à trouver les mirabelles. C’est très compliqué de travailler avec la Lorraine, il y a plein de bons produits mais les réseaux ne sont pas bien là pour les trouver. Pourtant je suis le premier à revendiquer mes origines lorraines à travers le monde entier.”
Les journées du bon goût, miam !
Une pyramide de macarons, de bonnes odeurs de pain frais et de croissants, une table dressée dans les règles de l’art Les artisans boulangers, pâtissiers, bouchers-charcutiers-traiteurs et épiciers-détaillants présentent leurs savoir-faire durant deux jours sous le patronage de Sébastien Gaudard, étoile de la pâtisserie, aujourd’hui propriétaire de la Pâtisserie des Martyrs à Paris.
Vendredi 18 octobre de 10h30 à 20 h et samedi 19 octobre de 10h30 à 18h
Cité de l’artisanat et de l’Entreprise, 22 rue Leo Valentin – Epinal – Entrée libre