Fais pas ci, fais pas ça… Sacrés enfants !

Qu’est-ce qu’un enfant ? Qu’est-ce que l’enfance ? L’enfant a été longtemps le grand invisible de l’Histoire. Il faut attendre le début du XXe siècle pour que la société s’interroge sur sa place et son devenir, et l’intègre dans ses enjeux politiques. D’abord, par la scolarisation, il y a plus de cent ans, pour « affermir la république », puis par la société de consommation pendant les Trente glorieuses, comme le montre Éric Halary dans son Histoire des enfants.
« Les enfants se construisent bel et bien dans une histoire globale, mais aussi une histoire qui leur est propre. »
Éric Halary – Histoire des enfants des années 1870 à nos jours
Éditions Passés composés – 2022
Des enfants fruits de leur milieu social et culturel, soumis aux valeurs et aux idées d’une époque. Mais qu’en est-il de leur intérêt propre ? Ce sujet n’est apparu dans les sciences humaines que dans les années 1970, ouvrant une nouvelle lecture de l’éducation : « comprendre ce qu’ils font de ce qu’on leur fait », selon l’expression de Cléopâtre de Montandon (sociologue et anthropologue suisse, auteur de L’éducation du point de vue des enfants en 1998). Ceci n’est finalement pas si étonnant, lorsque l’on apprend que le terme « enfant » a pour étymologie « celui qui ne parle pas », désignant les minorités soumises à des déterminants sociaux : les femmes, les plus jeunes, les plus pauvres, etc.
Dans un notre monde en mutation depuis près de 50 ans, des disciplines comme les psychologues, les sociologues et les neuroscientifiques ont ouvert et nourri la réflexion sur la parentalité. Droits de l’enfant, injonctions, bonnes pratiques, autorité éducative, où en sommes-nous aujourd’hui ?
La véritable histoire des bout’choux
Adulte miniature, travailleur, élève, patriote, enfant roi, et aujourd’hui personne à part entière… Voici quelques repères pour comprendre comment la représentation de l’enfant a évolué dans la société. Une enfance très longtemps perçue par le prisme des hommes…
En voyageant dans le temps, à la recherche de l’enfance, même en se limitant à la France, on s’aperçoit de la multiplicité des facteurs qui ont fait évoluer la représentation de l’enfant dans la famille ainsi que sa place dans la structure sociale et économique.
Pourtant, il ne faut pas se méprendre. De tout temps – et quoi qu’en aient dit certains historiens remis en question aujourd’hui – le sentiment et le lien parental étaient bien présents. La mortalité infantile n’excluait pas la peine du deuil (sur les vingt enfants que J.-S. Bach a eu, dix sont morts à la naissance ou en bas âge, provoquant à chaque fois une grande tristesse au compositeur). Pour autant, du point de vue de la société, les enfants n’étaient pas considérés comme des personnes à part entière.
Commençons notre voyage dans les années 1870, une fin de siècle qui va augurer un nouveau regard sur l’enfance.
1870 – Enfant travailleur à élève
Au début de la IIIe République, les enfants sont encore le produit d’une éducation familiale traditionnelle. L’encadrement du travail des enfants (loi Joubert) et les lois sur la gratuité et l’obligation de la scolarisation de Jules Ferry, vont instaurer une éducation étatique qui vise à apprendre la vie en collectivité. La médecine progresse, l’hygiène devient un enseignement obligatoire à l’école et la puériculture fait ses premiers pas.
1914 – 1918 – L’enfant patriote
La Première Guerre mondiale provoque l’éclatement de la cellule familiale. Les pères au front, les enfants sont appelés à participer à l’effort de guerre en travaillant. Dès 1915, la propagande politique intègre les programmes scolaires. Il devient un soldat miniature.
L’enfant entre-deux-guerres
En 1919, la France compte près d’un million d’orphelins, pupilles de la nation. Le « certif » devient le rite de passage de sortie de l’enfance, mais les filles restent conditionnées par les stéréotypes, notamment par l’influence de l’éducation religieuse. Grâce aux travaux de Jean Piaget sur le développement mental de l’enfant, et ceux de Henri Wallon sur l’importance de la socialisation précoce et de l’environnement social de l’enfant, on commence à les écouter.
1939 – 1950 – L’enfant victime
600 000 pères prisonniers. Près de 1,5 million d’enfants se perdent pendant l’exode. Entre rationnement, rafles, occupation, bombardements, propagande, les enfants vivent une situation sanitaire et traumatique sans précédent.
1950 – 1960 – L’enfant bonheur
La place de l’enfant au sein de la société va être repensée. La protection de l’enfance se met en place avec la création de « juges des enfants ». Le développement économique et technique intègre ceux qui deviendront des consommateurs. Désormais, « on attend un enfant », comme le fait entendre le succès de librairie de Laurence Pernoud.
1970 – 2000 – L’enfant roi
La société fait l’objet de mutations sociétales, éducatives et économiques profondes. La cellule familiale est bouleversée par l’augmentation des divorces. Cadeaux, argent de poche, l’enfant devient un consommateur doté d’un pouvoir d’achat. L’école devient inclusive. On désire un enfant « parfait ».
Un article réalisé en partenariat avec le Magazine Tandem, à consulter ICI