Thomas Enhco et Vassilena Serafimova en concert avec l’Ensemble Orchestral Épinal la Belle Image le 25 janvier
Personne n’avait jamais assisté à des concerts de piano et marimba, cet instrument latino-américain semblable au xylophone, avant d’écouter Thomas Enhco et Vassilena Serafimova. Cette association hors norme prendra une nouvelle dimension lors d’un récital à Thaon-les-Vosges le 25 janvier, avec l’Ensemble Orchestral Épinal la belle image qui accompagnera les deux instrumentistes. Avant ce concert événement, le duo nous entraîne dans les secrets de ces petits arrangements entre amis.
Comment est né ce concert ?
Thomas Enhco : Il y a trois ans, Vassilena et moi avons exploré sous toutes les coutures le répertoire de Bach, dans un album que nous avions appelé Bach Mirror. Pour l’occasion, nous avons énormément revisité son répertoire comme on adore le faire, avec de la transcription, mais aussi de l’improvisation…
Vassilena Serafimova : De la recomposition aussi ! C’est ce qui définit notre duo qui existe depuis maintenant quinze ans.
Thomas Enhco : En mariant le piano et le marimba, on a exploré une contrée qui était totalement vierge. Mélanger les deux a quelque chose de très acrobatique : ce sont deux instruments imposants qui ont un ambitus (l’étendue d’un instrument, ndlr) très élevé. Comme ce sont deux instruments à percussion, le piano et le marimba exigent une synchronisation parfaite des notes. Il faut voir Vassilena jouer : on a vraiment l’impression d’assister à une démonstration de danse ou d’arts martiaux !
Comment avez-vous constitué le programme ?
Thomas Enhco : Il débutera par un concerto que j’ai moi-même composé. Il y a cinq ans, j’ai reçu une commande de l’orchestre de Pau pour composer un double concerto pour piano, marimba et orchestre symphonique. Sa création date de 2019 mais, depuis le Covid, nous n’avions jamais pu le reprendre. À Thaon-les-Vosges, ce concerto reviendra pour la première fois dans une version inédite. Je le vois d”ailleurs comme une nouvelle création. C’est un peu un « director’s cut » musical ! Et pour compléter ce programme, nous avons voulu faire une extension de notre projet sur Bach en prenant le concerto de Bach 1062 pour deux claviers, composé à l’époque pour des clavecins. Nous en avons fait une transcription où la partie orchestrale sera exclusivement assurée par un orchestre à cordes. Le piano et le marimba remplaceront quant à eux les claviers.
Notre musique réunit le meilleur des deux mondes. Thomas Enhco et Vassilena Serafimova
Comment avez-vous approché l’œuvre de Bach ?
Vassilena Serafimova : Quand il s’agit d’une transcription, comme l’œuvre de Bach que nous allons jouer en concert, il nous faut tout de suite prendre en considération les avantages et certains désavantages de nos instruments. Basiquement, un concerto pour clavier est pensé pour être joué à deux mains, mais, en tant que marimbiste, je n’ai que quatre baguettes ! Je rencontre parfois aussi des contraintes techniques qu’on essaie de résoudre ensemble pour que l’œuvre gagne en caractère. Avec Bach, c’est assez confortable : la main gauche des deux claviers est souvent doublée. Si je ne joue pas à certains endroits, la note se retrouve chez Thomas. À d’autres moments, nous sommes confrontés à des problèmes de tessiture. Le marimba ne peut pas atteindre des tons aussi graves que le piano. Dans ces cas-là, on alterne nos partitions, je vais reprendre des temps dans sa partie… C’est vraiment un travail très minutieux. À la fin, tout ce que le compositeur a investi dans son texte doit être présent dans notre interprétation. Mais, cette œuvre, on veut l’amener ailleurs, en faire quelque chose de personnel.
Il y a une forme de transgression ?
Vassilena Serafimova : Au contraire ; cela a même un avantage à changer le timbre et à le faire entendre différemment. Nous essayons même de réfléchir sur le rythme pour renforcer la fidélité à l’œuvre, avec des instruments qui sont quand même très différents de ceux pour lesquels la composition a été pensée à l’origine.
Thomas Enhco : C’est flagrant avec le clavecin qui ne permet pas de faire de nuances dynamiques puisque ce n’est pas un marteau qui frappe les cordes. On ne peut pas jouer plus ou moins fort. En revanche, au piano et au marimba, il y a énormément de dynamiques de volumes. On peut apporter de grandes variations de son, uniquement par la nature de nos instruments. Sachant que ce concerto pour deux claviers était lui-même une transcription d’un concerto pour deux violons, qui permettent énormément de modulations sonores, on peut même dire qu’on revient aux origines de l’œuvre avec beaucoup plus de possibilités de notes et de contrepoints ! Notre musique réunit le meilleur des deux mondes.
Quel était votre lien avec Bach avant d’investir sa musique ?
Thomas Enhco : Bach, c’est à la fois le compositeur qu’on a découvert en commençant la musique, petits, et à la fois, celui auquel on revient toujours aujourd’hui. Moi qui ai commencé la musique par le violon, ce concerto, je l’ai d’abord joué avec cet instrument. C’est un compositeur qui a jalonné des périodes très personnelles de ma vie. J’ai joué beaucoup de morceaux avec mon beau-père (le violoniste de jazz Didier Lockwood, ndlr). À chaque fois que je me suis posé des questions existentielles de musicien, Bach a été un bon antidote à mes doutes. Sa musique vient chercher une forme de pureté qui remet d’équerre ma technique et mon son. Elle est très rassurante et ne pardonne pas l’approximation.
Vassilena Serafimova : Bach est un compositeur que les joueurs de marimba transcrivent beaucoup pour travailler eux-mêmes dans les sonates et partitas. Et que dire du piano ! Au-delà de toute la richesse technique et musicale, il y a une dimension spirituelle autour de Bach. Jouer du Bach fait partie de notre hygiène de musicien !
C’est le compositeur qui a scellé votre rencontre musicale ?
Vassilena Serafimova : C’est la première idée qu’on a eue ! La fugue en sol mineur a fait partie de notre répertoire inaugural et lancé nos travaux d’improvisation. Sa musique est aussi source d’inspiration chez beaucoup de jazzmen : chacun peut s’en emparer différemment. D’ailleurs, Bach a toujours fait partie de nos concerts depuis que l’on se connaît.
Votre premier album offrait aussi une revisite de Mozart ou de compositeurs plus contemporains. Quelles sont les œuvres de compositeurs que vous souhaiteriez adapter à l’avenir ?
Vassilena Serafimova : C’est une question qu’on se pose, puisqu’en 2026, nous aurons la joie de nous produire à la Philharmonie de Paris, autour d’un nouveau programme. On s’est dit qu’on se donnerait le droit d’approcher la musique comme à nos débuts en allant piocher dans plein de styles et d’univers différents : du classique, du jazz, de la pop… En un mot, « not limit » ! On ouvre à nouveau la porte à tous les compositeurs possibles… y compris nous !
À QUATRE MAINS
Bach/Enhco/Bizet
par Vassilena Serafimova,
Thomas Enhco et l’ Ensemble Orchestral Épinal la belle image (la partie Bizet sera assurée par l’orchestre). Direction musicale : Rémi Durupt
Le samedi 25 janvier 2025
à 20 h à la Rotonde de Thaon-les-Vosges.
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