Spectacle : Sophia Aram n’épargnera pas “le monde d’après” sur la scène de l’Auditorium de la Louvière d’Épinal

L’humoriste et chroniqueuse de la matinale de France Inter démarre la tournée de son cinquième spectacle qui passera par Épinal le 22 avril. Intitulé « Le monde d’après », il promet d’égratigner joyeusement la société dans tous ses extrêmes. Rencontre.

Votre spectacle, « Le monde d’après » prend d’emblée la pandémie comme référence. Comment avez-vous abordé son écriture ?
Quand nous avons commencé à réfléchir à ce spectacle avec mon mari (Benoît Cambillard, co-auteur de ses spectacles et chroniques, ndlr), nous avions en tête la pandémie, ses conséquences, mais surtout les réactions qu’elle a provoquées. Avec le Covid est arrivée une montée des populismes et du complotisme. Ils ont toujours été là mais ils trouvaient d’un seul coup une caisse de résonance en se nourrissant d’une situation extrême. C’est cette folie ambiante qui nous a intéressés. Ce monde d’après, on l’a rêvé un peu meilleur quand même (rires) ! Je crois malgré tout qu’il y a de belles choses qui sont sorties de tout ça mais j’ai voulu avec ce spectacle prendre les faits, les tordre, les grossir pour aller vers la caricature.
Dans vos spectacles comme dans vos chroniques, vous campez régulièrement des personnages. Qui êtes-vous dans « Le monde d’après » ?
Il y a de la place pour une médecin effondrée par ce qu’elle a vu débarquer en « réa », une jeune fille qui veut coller à l’ère du temps et aux combats militants sur la question du genre, de l’identité… Et il y a bien sûr toujours ma tante Fatiha, personnage récurrent de mes chroniques et de mes spectacles, qui pour moi incarne le bon sens populaire. Je n’ai pas de tante Fatiha en réalité, mais ma grand-mère était comme ça. J’aime bien ce qu’elle peut incarner. C’est parfois plus simple de faire passer des messages par un personnage… les porter soi-même a bien moins de saveur.
L’actualité est votre matière première. Jusqu’à quel point votre spectacle évolue-t-il avec l’actualité galopante ?
Effectivement, parfois, je relis certaines de mes chroniques et j’ai bien du mal à comprendre de quoi je parlais à l’époque ! Je caricature à peine en disant ça. Du coup, j’ai construit le spectacle sur un socle assez intemporel. à côté de ça, j’ai aménagé des espaces dans lesquels je peux rebondir sur une actualité à chaud. J’ai systématiquement des petites revues de presse ou des brèves qui peuvent coller avec le moment présent. C’est pour moi la définition du spectacle vivant : il doit bouger en permanence. La représentation d’Épinal sera la représentation d’Épinal et elle n’aura rien à voir avec le spectacle de la veille ou du lendemain. Et pas seulement à cause de l’actu : il y a de l’impro, des interactions avec la salle… J’ai cette liberté là, j’en use et j’en abuse. J’adore ça !

C’est plus difficile d’arracher des rires quand la période est anxiogène ?
Je ne l’ai pas théorisé mais j’aime bien avoir cette liberté qui n’oblige pas à rire et faire rire en permanence. Dans les spectacles que j’écris, j’ai toujours privilégié l’histoire que j’avais envie de raconter. Je préfère que de temps en temps il n’y ait pas de rires et que d’un seul coup, le public se libère en riant un grand coup. C’est un parti pris. C’est plus facile à appliquer sur les temps longs, il y a plus de respirations qui permettent de vraiment se marrer. Je peux difficilement m’y tenir dans une chronique.
Il y a cette vieille antienne : peut-on rire de tout ?
Je crois vraiment que oui, il n’y a pas de débat. C’est la façon dont on peut traiter les sujets qui change. Mon registre et ma façon d’aborder les choses sont peut-être un peu plus graves que chez d’autres. Cela ne m’empêche pas de faire marrer les gens. Je ne cherche pas à changer le monde, mais si, en sortant du spectacle, j’ai provoqué la réflexion chez les spectateurs, c’est gagné. J’aimerais qu’on prenne un peu le temps de s’arrêter sur la dinguerie de ce qui nous entoure. On a un peu plus d’une heure ensemble : prenons le temps de regarder le monde par un miroir grossissant. C’est en regardant vraiment les choses qu’on peut faire face.
Vous dédiez votre spectacle « aux antivax découvrant l’innocuité d’un faux pass-vaccinal face à un vrai virus, aux antisémites décomplexés par la grâce d’un candidat réussissant l’exploit d’être juif et pétainiste »… Ceux que vous pointez du doigt viennent vous voir sur scène ?
Je ne crois pas ! Je ne sais même pas qui ils sont, je ne les ai pas rencontrés en vrai, pourtant je voyage beaucoup… je ne sais même pas… enfin si, je sais qu’ils existent, mais ils ne viennent pas dans les endroits où je me produis !

Vous mentionnez les interactions avec le public. Jusqu’à quel point cela peut-il aller ?
C’est un spectacle écrit, mais il y a quand même de la place pour l’interaction. Et parfois, les gens réagissent plus que ce à quoi je m’attends. Il y a des gens qui se sentent assez libres pendant une représentation pour se mettre à discuter avec vous ! C’est merveilleux, je trouve assez génial que cela se produise. Cela déstabilise tout le monde et cela crée un moment unique. C’est cela le spectacle vivant, sinon on va voir des films. Il faut pouvoir en jouer.
Peut-être que certain.es vont se lancer en lisant cet interview…
(rires). J’essaie de garder le contrôle, ne les poussez pas trop, s’il vous plaît ! Le public est toujours très sympa, c’est très bon enfant. Franchement, c’est quelque chose qui m’épate : on parle de tous les timbrés qui font le pire de l’actualité dans notre pays, mais il y a quand même en France une majorité silencieuse de gens qui continue de vivre normalement. Ils sont mesurés, modérés, et peuvent être en désaccord avec vous en l’exprimant de manière calme et réfléchie. Il y a aussi des gens qui retournent voir des spectacles, après les attentats, la pandémie… C’est une chance et je ne les remercierai jamais assez.
Chroniqueuse sur France Inter, humoriste, comédienne. Quelle casquette vous convient le mieux ?
J’aimerais surtout jamais n’avoir à choisir. J’aime tout ce que je fais. Je suis une privilégiée, j’ai plusieurs casquettes et j’aime passer de l’une à l’autre. J’essaie de faire le plus de choses possibles, même si aujourd’hui, j’éprouve davantage le besoin d’écrire. J’écris tout le temps, qu’importe le support. Ma prochaine production sera peut-être encore un spectacle, on verra. Celui-ci démarre tout juste. La durée de vie d’un spectacle, c’est trois ans. Je vais aller un peu partout, le plus possible. Cela va être long, surtout cela va être chouette.
Sophia Aram – Le Monde d’Après
(1 h 10 – Déconseillé aux moins de 12 ans)
Samedi 22 avril, à 20h30
Auditorium de la Louvière, Épinal
Tarif : 35 euros
Infos et résa. : www.centpourcent-vosges.fr/onsecapte/evenement/sophia-aram-le-monde-dapres-epinal