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Opéra-ballet : Les Indes Galantes enchantent la Rotonde de Thaon-les-Vosges

Le 27 mai 2023 par Francoise Fontanelle
Opéra-ballet : Les Indes Galantes enchantent la Rotonde de Thaon-les-Vosges
Amon Bey et le Choeur des Abbesses de Remiremont, en répétition.

Les Indes Galantes, ce chef d’oeuvre baroque du siècle des Lumières, créé 1735 par Jean-Philippe Rameau, réunit orchestre, choeurs et danseurs et sera joué à la Rotonde de Thaon-les-Vosges le 28 juin prochain, pour un moment magique à vivre, pour les mélomanes. Rencontre avec Marie-Hélène Alévêque, directrice du projet.

Voici un opéra ballet prodigieux. Une « machine à enchanter » redécouverte au XXe siècle, mais trop rarement jouée. On peut se souvenir des versions qui ont fait date, comme celle, il y a plus de 30 ans, du génial William Christie et ses Arts Florissants, de celle de 2019, du metteur en scène Clément Cogitore à l’Opéra National de Paris – Bastille.

Ce chef d’oeuvre baroque du siècle des Lumières, premier opéra-ballet de Jean-Philippe Rameau créé 1735, réunit orchestre, choeurs et danseurs et sera joué à la Rotonde de Thaon-les-Vosges le 28 juin prochain.

Un spectacle qui a pour originalité et ambition de convoquer autour de cinq jeunes chanteurs lyriques, chorégraphes, musiciens professionnels et amateurs, élèves et étudiants, et de partager le fruit de leur travail avec le grand public. Marie-Hélène Alévêque, initiatrice et directrice du projet a décidé d’assumer en duo avec sa sœur Dominique la réalisation de ce rendez-vous enchanteur.

Marie Hélène Alévêque, directrice du projet Des Indes Galantes.
Marie Hélène Alévêque, directrice du projet.

Comment est né le projet de monter Les Indes Galantes de Rameau ?

L’idée a surgi le soir du 1er avril 2022, juste après un concert à La Louvière du Choeur des Abbesses. Les Petites Fugues d’Épinal venaient de donner un concert autour du magnifique Requiem de Fauré. il y avait la jeune soliste Emmanuelle Demuyter, pleine de talent et l’envie d’aller de l’avant de chacun. Nous nous demandions quel serait le prochain projet quand l’Air des Sauvages est venu à mon esprit et que je me suis mise à fredonner les premières notes, suscitant l’enthousiasme de tous. C’est l’air emblématique de l’opéra Ballet les Indes Galantes. Restait la question de savoir avec qui monter toute cette œuvre… Nous sortions de la période Covid qui avait été très dure pour les artistes, et il était urgent de former de nouveaux publics et de renouer avec la transmission de notre patrimoine classique en mélangeant les générations et en faisant participer professionnels, amateurs, collégiens et étudiants de la région Grand Est. Nous avons choisi de travailler avec les forces culturelles de notre ville, de notre département et notre région. Dès juin 2022, nous avons décidé de travailler avec deux complices déjà partenaires, Johann Martin et Christine Mucciante, qui ont déposé notre projet pour leur collège respectif, Collège Saint-Exupéry et Collège Notre-Dame, sur la plateforme Adage de l’Académie Nancy-Metz. Les élèves ont commencé à travailler les partitions par cœur dès le mois d’octobre. Début 2023, ont commencé les répétitions chorégraphiques avec Kevin Briot et Amon Bey, qui viennent dans les collèges respectifs et dans les stages organisés. Dès le début nous avons été entendus et soutenus par des responsables de collectivités comme la Ville d’Epinal, la Ville de Thaon-les-Vosges, le Conseil départemental ou la région Grand-Est. La confiance cela fait du bien

Quels ont été vos partis pris ?

Même si nous avons monté cet opéra-ballet en très peu de temps, sa vocation est d’offrir une réalisation parfaite. L’exigence est notre volonté pour chacun, avec des moments d’apprentissage, de discipline, d’impatience à contenir, moments souvent ardus pour jeunes et adultes. Il y aura encore la fusion à réaliser avec les musiciens de Conservatoire Gautier d’Epinal, professionnels de talent, qui veilleront à faire apprécier les couleurs et les ornements de cette musique. Des ornements que les jeunes ont maintenant parfaitement intégrés alors que c’est très éloigné de leur culture. Dominique Alévêque (la sœur de Marie-Hélène, ndlr) qui dirige l’opéra, souhaitait faire partager du rêve sous toutes ses formes, à la fois aux acteurs du projet et au public. Y compris du rêve déchaîné, avec l’entrée de la Bellone, déesse de la guerre, dans le prologue. De mon côté, je voulais au travers de l’opéra et de son contexte originel, transmettre des savoirs, éveiller la sensibilité, la nécessaire curiosité, faire référence à l’Histoire, pour donner à apprendre et former nos jugements. Par exemple, l’idée du voyage, qui est centrale dans Les Indes Galantes, demande d’imaginer le cadre de l’action, afin de savoir pourquoi Émilie (le personnage qui interprète l’air de Vaste empire des mers) est en Turquie. Pour évoquer ce contexte, replacer l’intrigue et construire la scénographie, j’ai obligé à constituer une banque d’images pour, par exemple évoquer la symbolique de cette région, la scène de la tempête ou des références propres au XVIIIe siècle.

Amon Bey en répétition.
Amon Bey.

En ce moment, notamment avec l’opération « Tous à l’opéra ! », il y a une réelle envie d’amener le grand public vers ce répertoire. Avez-vous fait des choix pour faciliter l’accès à cette oeuvre ?

Nous avons conservé la construction d’origine, en un prologue et quatre actes. Simplement, pour en faciliter la lecture et alléger certains passages, nous avons créé un fil d’Ariane qui sera tenu par la comédienne Romane Kraemer, avec un récit qu’elle a écrit et dira sur scène, comme si Rameau lui-même racontait l’action. L’opéra va durer 1 heure 45 au lieu de 3 heures.

Quelle lecture en faites-vous ?

Chaque acte se passe dans un pays différent. Nous sommes en 1735, une époque où le public cultivé et les artistes ont la curiosité de savoir ce qui se passe hors du Royaume de France car le siècle des Lumières éveille les consciences. J’ai trouvé que c’était une bonne leçon pour nous aujourd’hui – sachant ce qui se passe « ailleurs » en ce moment – pour relativiser ce que nous vivons en France mais aussi pour nous enrichir de ce qui est différent, avoir des références et les partager avec les autres. Aussi, j’ai eu envie de livrer des clés pour comprendre cet opéra.

Dominique Alévêque, Joséphine Ambroselli et Thierry Bohlingern en répétitions à la Rotonde de Thaon-les-Vosges.
Dominique Alévêque, Joséphine Ambroselli et Thierry Bohlingern en répétitions à la Rotonde de Thaon-les-Vosges.

Pouvez-vous nous donner des exemples ?

Dès le prologue, on arrive dans un univers très mystérieux où Hébé, déesse de la jeunesse, est entourée de jeunes gens qui portent les drapeaux de quatre nations : la France, l’Espagne, la France, l’Espagne, l’Italie et…la Pologne. Pourquoi la Pologne ? Parce que le mariage de Louis XV avec Marie Leszczynska, fille du roi de Pologne en exil, dix ans plus tôt, rendait possible l’annexion des duchés de Lorraine et de Bar par le Royaume de France quelques années plus tard. Alors l’idée de la place Stanislas et des volutes dorées de grilles de Jean Lamour s’est imposée à moi. Le chardon séché trouvé dans l’atelier de Céline Courroy nous a permis de gamberger autour d’un emblème lorrain, jusqu’à sa transformation en image rappelant beaucoup les éléments végétaux, sources d’inspiration pour l’École de Nancy. La metteur en scène, Isabelle Donati a construit toute la scénographie sur ce principe de clés et de références contextuelles. L’apparition de Bellone, la déesse de la guerre dans un fracas de violence va immédiatement faire référence à l’actualité internationale et à la guerre qui se déroule à nos portes. Elle nous rappelle que loin de l’insouciance, il faut être vigilant, même si l’espérance apparaît à la fin du prologue.

L’autre thème qu’il nous a semblé important de souligner dans la première entrée, Le Turc généreux, est ce moment où Osman, le pacha d’une île turque, rend sa liberté à Émilie, son esclave chrétienne, en dépit de l’amour qu’il lui porte, et à son amant Valère, un capitaine français, car il reconnaît dans ce dernier celui qui, dans le passé, l’avait eu comme esclave et l’avait affranchi.

Affiche Les Indes Galantes.

La deuxième entrée, Les Incas du Pérou, aborde la question de la colonisation. Au travers de l’intrigue entre la jeune héroïne, Phani, amoureuse d’un colonisateur, alors que le chef Inca Huascar (ce personnage a réellement vécu. Il était le quatrième empereur de l’Empire inca. Il régnait à Cuzco à l’arrivée des Espagnols au Pérou, en 1532, ndlr) qui la convoite et qui est très jaloux, Rameau montre que l’amour se place au-delà des frontières, des conventions et des civilisations…

La troisième entrée, Les Fleurs fête persane, nous offre l’occasion de proposer beaucoup de danse et faire participer des élèves de l’école primaire Gohypré de Thaon-les- Vosges. Cela donne un très joli tableau où les enfants sont mis en scène dans un jardin et jouent avec des jeux anciens, comme des papillons dans un jardin fleuri, sous le regard des chanteurs du chœur, ce qui évoque la nature et notre jardin, la Terre, avec un quatuor vocal Tendre Amour, plein de douceur.

Dans la quatrième entrée, Les Sauvages, nous nous retrouvons dans un contexte historique et sociologique qui pose la question de savoir ce que nous retenons de la colonisation. Dès le XVIIe siècle, les Français investissent l’Amérique du nord pour conquérir des territoires (ils sont fondateurs de Québec) et créent des comptoirs commerciaux avec des tribus comme celle des Hurons, peuple autochtone très pacifique. Dans cette scène, on assiste à une intrigue amoureuse qui, en se déliant, aboutit la danse du Grand Calumet de la Paix qui marque la paix retrouvée entre les sauvages et les armées colonisatrices.

Les Indes Galantes « Battez tambours, enflammez les cœurs ! »
Opéra-ballet de Jean-Philippe Rameau (1735)
Livret de Louis Fuzelier
Le 28 Juin 2023 à 20 h 30
Salle de la Rotonde, à Thaon-les-Vosges
Tarif : 30 € / 15 € / 5€
Tarif partenariat avec le Conservatoire Gautier d’Épinal et les Amis de l’orgue du temple protestant d’Épinal

Un article réalisé en partenariat avec le Magazine Tandem, à consulter : ici

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