Pour l’artiste Sarah Teulet, « Dans les Vosges, nous avons en permanence des tableaux sous les yeux. »
Peut-être connaissez-vous le travail de Sarah Teulet au travers de son atelier, La Friche, à Saint-Dié. Des images emblématiques qu’elle a réalisées pour le Département ou encore l’illustration des deux derniers hors-série de 100% Vosges (Guide Été et Spécial Jeux), ses créations sont devenues de véritables ambassadrices des Vosges. Rencontre.
Sarah, pouvez-vous nous dire qui vous êtes ?
Je suis artiste sérigraphe. Graphiste indépendante pendant de nombreuses années, j’ai souhaité m’orienter, à un moment donné de ma carrière, vers un travail plus artistique, plus personnel. Avant la sérigraphie, j’ai fait beaucoup de peinture et d’aquarelle. J’ai aussi testé d’autres médiums : la gravure, la linogravure… mais je me suis arrêtée sur cette technique que j’ai découverte dans des espaces, comme Bliiida à Metz et dans des ateliers partagés de La grande masse des Beaux-arts sur Paris.
Ce qui me plait, c’était de sortir des écrans et de maîtriser un process de A à Z : de la conception de l’image à sa fabrication. La sérigraphie est une technique d’impression raccord avec mes expériences passées. Elle est simple, artisanale et concrète. Elle permet de produire par soi-même des tirages et de proposer des tirages à petit prix, mais elle demande beaucoup d’énergie. C’est ce partage entre le concret, la pratique et la conception de l’image qui me plait.
Quel est votre lien avec les Vosges ?
Mon installation à Saint-Dié est un retour aux sources. J’ai passé toute mon adolescence ici. J’habitais Taintrux et allais au collège, puis au lycée Jules Ferry à Saint-Dié, tout en fréquentant de façon assidue l’école de dessin de la ville (le CEPAGRAP). J’ai vécu dans pas mal de grandes villes, mais lorsque j’ai eu envie d’avoir mon propre atelier, la question de la place et du coût s’est posée. D’autre part, j’avais un véritable désir de participer à la vie et à la dynamique d’un territoire rural que j’aime (les montages des Vosges, la nature,…) et au développement local, comme cela s’est passé lors de la collaboration avec 100% Vosges. Ici, il y avait l’opportunité de trouver un local authentique, de montrer que, même si l’on a développé sa personnalité ailleurs, on est heureux de revenir dans sa région de cœur, celle de son enfance, et d’y participer enfin.
Votre atelier est aussi un lieu de partage…
Cela se traduit, d’abord, par le fait de maîtriser ce savoir-faire et de faire découvrir cette technique à des jeunes ou à d’autres artistes, et cette année a été l’occasion de nombreux temps de transmission. Ici, j’ai mon atelier ainsi qu’une boutique que je partage avec d’autres artistes. J’aurais pu en faire mon espace personnel de vente ou développer mon travail autrement en créant un atelier d’enseignement de la technique sérigraphique. Mais je suis aussi artiste, j’ai besoin de ces moments d’échanges autant que de moments d’introversion, pour créer et dire quelque chose au travers des images.
La sérigraphie est devenue votre signature…
Oui. Mais il n’est pas exclu que je revienne à la peinture ou l’aquarelle. J’ai toujours cette envie de créer et je crois qu’elle ne s’arrêtera jamais, d’ailleurs, je me lance dans la création de bijoux. Cela fait partie de ma trajectoire de vie. Quand je me sens stoppée, ma créativité repart sur une autre pratique qui débouche sur la production d’une œuvre.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
C’est le quotidien et l’environnement proche. En ce moment ce sont les balades en forêt, les animaux qui m’entourent. À n’importe quel détour d’un chemin ou juste en ouvrant sa fenêtre, de belles images s’offre aux yeux de celui ou celle qui sait regarder. Dans les Vosges, nous avons en permanence des tableaux sous les yeux. Cela peut être un chemin envahi par la végétation, mais au bout duquel on voit une belle lumière… Et le relief apporte beaucoup de profondeurs atmosphériques à nos paysages.
Voir deux cerfs passer devant sa voiture, le soir, c’est aussi assez magique et ça génère de l’inspiration. Aujourd’hui, il y a cette envie, au sein de notre société, de revenir à une vie plus équilibrée et plus saine qui est générée par le discours écologique, et j’ai la chance d’habiter dans un environnement où la nature est encore très présente. Au-delà de l’inspiration, il y a aussi la volonté de transmettre une image qui parle de l’équilibre entre la société et la nature. De montrer comment l’être humain y participe et comment la société s’inclut dans le vivant.
Cela se traduit aussi dans votre pratique ?
En sérigraphie, je travaille avec des encres à eau et des papiers traçables pour tendre vers la technique la plus propre possible en utilisant des matériaux produits en circuits courts. Et il y a des pépites en local. Par exemple, pour l’encadrement, je travaille avec un encadreur situé à Saint-Léonard, qui collabore pour des expositions à Paris. Dans la boutique, les créateurs sont pratiquement tous des locaux, même s’il ne faut pas forcément se couper d’autres profils.
Est-ce que vous mettez votre maîtrise de la sérigraphie à la disposition d’autres créateurs ?
Des créateurs de la boutique ont commencé à s’y essayer. Certains ont fabriqué leur packaging dans l’atelier. D’autres, qui avaient un projet en attente, ont pu le réaliser en sérigraphie cet hiver. Cela prend doucement et l’atelier commence à générer de nouvelles trajectoires pour les artistes locaux.
Allez-vous exposer prochainement ?
Je viens de faire une exposition à la médiathèque de Vittel, qui a duré tout l’été. Actuellement, j’ai envie de prendre le temps de préparer une collection d’images, plutôt que d’être dans le rush pour répondre à une demande précise.
On vous a vu mettre votre talent à disposition de marques, comme celle du Département, Je Vois la Vie en Vosges, ou les unes des derniers hors-série de 100% Vosges, plus récemment. Ce sont des choses que vous allez développer ?
J’ai envie de le faire pour de grandes marques ou des collectivités qui participent à l’image positive du territoire. Pour moi, c’est un plaisir, mais aussi un challenge, car les répercussions et la visibilité sont plus fortes. Quand une grande marque ou une institution vient vous chercher pour votre travail – ce qui est le rêve de tout illustrateur – une confiance mutuelle s’établit. Le rapport s’inverse, car ce sont eux qui ont envie de ma vision, ce qui me permet de travailler sereinement et d’être prolifique. Ces collaborations, au travers d’un contrat amical, sont précieuses. Elles autorisent l’artiste à aller au bout de ses envies, de ses idées et de conserver son individualité et sa créativité.
Retrouvez Sarah Teulet dans son écosystème artistique
La Friche – 29 rue de la Gare à Saint-Dié-des-Vosges