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Ouest des Vosges : Les visages de Jeanne d’Arc à (re)découvrir à travers les siècles

Le 28 mai 2023 par Francoise Fontanelle
Maison natale de Jeanne d'Arc à Domrémy-la-Pucelle.
© CD88 - l'oeilCréatif

Tour à tour figure historique, religieuse et politique, Jeanne d’Arc est devenue un personnage pluriel. C’est également en compagnie de Thierry Dechezleprêtre, que nous traçons les différents portraits de cette célèbre Lorraine. Une promenade dans le temps, où nous recroiserons un célèbre archéologue…

Statue de Jeanne d'Arc.
©CD88

Ce que l’on sait de Jeanne

Jeanne est née en 1412, à la frontière entre le duché de Lorraine et le Royaume de France, dans une période où la région était en prise avec de violentes luttes intestines (on sait que le village de Grand et les villages alentours étaient pillés régulièrement).

Très tôt, ce personnage apparaît comme une singularité historique : Pourquoi une femme ? Comment une jeune fille de faible extraction arrive-t-elle à convaincre le roi de France de lever une armée pour lever le siège d’Orléans ? Pourquoi un tel retentissement ? Tout cela paraît incroyable, encore aujourd’hui. Mais cela peut s’expliquer à la fois par ce contexte très particulier qu’est la Guerre de Cent Ans et par le contexte religieux de l’époque. En effet, la réputation de cette jeune femme qui arrive aux oreilles de l’Église fait écho à des prophéties évoquant qu’une pucelle viendra libérer la France.

Même si certains historiens considèrent que l’histoire de Jeanne d’Arc serait à nuancer sur certains points, Jeanne est l’un des personnages les mieux documentés de l’histoire de France. Le procès de Rouen a fourni des témoignages directs de Jeanne et le procès de réhabilitation, de nombreux témoignages indirects, de personnes encore en vie qui ont raconté ce qu’elles ont vu. Pendant longtemps, on a pensé, après le XVe siècle, que Jeanne d’Arc était un peu « passée à la trappe ». Ceci est vrai et faux à la fois. On retrouve régulièrement sa trace dans les écrits des historiens, mais aussi de Montaigne, qui était venu à Domrémy pour voir la maison de Jeanne d’Arc, comme il le relate dans ses écrits de voyages. Elle va également intéresser les artistes. En témoignent les portraits du XVIe siècle, dont le Portrait des échevins conservé à Orléans, où elle est représentée, non comme une religieuse, mais comme un personnage aristocratique, épée à la main.

Dès le départ, ce personnage va intéresser autant les religieux que les rois de France pour ce qu’elle représente autant que ce que l’on veut qu’elle représente.

Statue de Jeanne d'Arc.
©CD88 – L’oeil Créatif

Jeanne symbole de la France

C’est au XIXe siècle, dans un contexte politique qui va contribuer à la faire réapparaître dans l’historiographie, que Jeanne va devenir le symbole, non de la puissance de la France, mais celui du « génie français ». Lorsque Louis XVIII veut identifier des personnages de l’Histoire de France en capacité de fédérer la nation, Jeanne d’Arc arrive à point nommé. Personnage à la fois religieux et civil, elle réunit toutes les conditions, d’autant qu’elle s’inscrit dans le contexte d’une lutte historique contre les Anglais qui n’a jamais cessé. Quand Louis XVIII fait racheter la maison natale de Jeanne d’Arc par le Département des Vosges (elle est le premier bâtiment civil qui fait l’objet d’une mise en valeur patrimoniale), nous sommes en 1820. À cette époque-là, la conscience patrimoniale en était à ses balbutiements ; le grand Victor Hugo n’avait pas encore écrit « Guerre aux démolisseurs », un pamphlet contre la démolition des abbayes et des châteaux. Louis XVIII demande de mener l’enquête dans son village natal, afin de la redécouvrir, de la réhabiliter et de restaurer son récit.

Pour cela il fait appel à un archéologue, et c’est là que l’histoire de Grand et de Domrémy se rejoint, puisque c’est Jean-Baptiste Prosper Jollois qui va être sollicité pour faire ce que l’on appelle aujourd’hui « l’archéologie du bâti ». Cela consiste à lire, dans un bâtiment, toutes les étapes de construction, de reconstruction ; comme cela a été le cas dernièrement pour la cathédrale Notre-Dame de Paris. Effectivement, au début du XIXe siècle, la maison de Jeanne d’Arc ne ressemblait plus du tout à ce qu’elle était au Moyen Âge. On l’avait restaurée pour la mettre en valeur et puis, surtout, on avait rajouté, devant et derrière, plein de bâtiments pour l’agrandir afin d’en faire une ferme (la ferme des Jacquemin). Si les éléments de structure en lien avec la maison de Jeanne d’Arc avaient été conservés, Jollois a dû déconstruire tout ce qui avait été rajouté depuis le XVe siècle pour revenir au noyau originel. Cette démarche est insensée et inédite, sachant que la liste des monuments historiques ne sera établie par Prosper Mérimée* qu’en 1840.

Pendant la monarchie de Juillet (1830-1848), on prend conscience de l’importance du personnage pour le roman national. On va commander des statues de Jeanne – dont l’une, réalisée par la princesse Marie d’Orléans, est devenue l’un des modèles de représentation de Jeanne d’Arc – notamment dans les églises. On va également intégrer la figure de Jeanne dans la galerie du Château de Fontainebleau.

Jeanne, entre laïcité et religion

À la fin du XIXe siècle, on assiste à une reprise en main de Jeanne par l’Église sous fond de querelle sur la laïcité. Jules Ferry veut mettre Jeanne d’Arc en avant en tant que personnage historique qui a résisté à l’envahisseur, tandis que l’Église met en avant la sainte. Pour représenter la laïcité, la maison de Jeanne fera référence. Pour le religieux, on confie à l’architecte parisien Paul Sédille la construction d’une basilique au Bois Chenu, là même où elle aurait pu entendre ces voix.

Jeanne et le combat des femmes

L’histoire politique, lorsque le Front National se saisit de cette figure, n’intervient finalement qu’en toute fin dans les années 1970-1980. La déprise que nous sentons aujourd’hui, permet à Jeanne d’Arc de redevenir un personnage historique partagé et pas uniquement accaparé par le parti d’extrême droite. Aujourd’hui Jeanne d’Arc renvoie, bien au contraire, à des valeurs universelles**.

Des Visages…

L’espace consacré à Jeanne d’Arc, à Domrémy, dans lequel nous avons ouvert le Centre de réinterprétation de Jeanne en 1999 avait été réorienté pour proposer une fresque très générale sur Jeanne d’Arc. Il y a deux ans, nous avons fait un nouveau parcours, « Le Centre Visages de Jehanne », afin de recentrer sur Domrémy, sa maison natale et son enfance, ainsi que sur l’histoire de France et la guerre de Cent Ans dans la région. Cela était d’autant plus important qu’à Rouen, à la même période, s’est ouvert un mémorial qui évoque plutôt la dernière partie de sa vie autour du procès et du bûcher en 1431. Cela permet également d’apporter une lecture complémentaire à celle du musée de Vaucouleurs, en Meuse, qui lui est également consacré, et de contribuer au réseau d’études johanniques qui regroupe Domrémy, Rouen, Vaucouleurs et Orléans.

* Fondateur en 1834 de la Société française d’archéologie. Entre 1834 et 1852, Prosper Mérimée entame la première des grandes tournées d’inspection afin d’établir des listes de bâtiments à restaurer de façon prioritaire.

** Jeanne est aujourd’hui très populaire au Japon où elle symbolise la témérité, l’action, la liberté, notamment auprès de la gent féminine.

Un article réalisé en partenariat avec le Magazine Tandem, à consulter : ici

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