Karim Akachar, l’alpiniste vosgien qui tutoie l’Himalaya

Nous avions rencontré Karim Akachar peu avant son départ pour le Népal, alors qu’il se préparait à gravir le Lobuche East, un sommet himalayen culminant à 6 119 mètres. Aujourd’hui, l’alpiniste vosgien, passionné de montagne, revient sur cette aventure hors norme, entre dépassement de soi et engagement solidaire. Un voyage en altitude, mais aussi en profondeur.
Qu’est-ce qui vous a poussé à partir à l’assaut du Lobuche East ?
Je cherchais autre chose qu’une simple ascension. Quelque chose de plus brut, de plus intime. Le Lobuche East (6 119 m) s’est imposé comme une évidence : un sommet exigeant mais discret, loin des foules de l’Everest. Je voulais gravir cette montagne sans confort organisé. Juste moi, mes pas, et ce silence que seule la haute altitude peut offrir. C’était une quête intérieure, un face-à-face. Un besoin de dépouillement.
Comment s’est déroulé le début de l’aventure ?
Je suis arrivé à Katmandou avec un sac plein et l’esprit ouvert. La ville vibrait de chaos et de spiritualité : klaxons, poussière, encens, et l’effervescence des trekkers qui partent ou reviennent, souvent changés. Depuis Lukla, j’ai entamé la marche d’approche à un rythme volontairement soutenu, sans trop m’acclimater. Je voulais garder cette tension, ce fil tendu entre le corps et l’esprit.
Qu’avez-vous ressenti à l’approche du camp de base avancé ?
À 5 400 mètres, le Lobuche ne se laisse plus apprivoiser. Le froid devient une présence constante. Le vent gifle la toile de tente. Potome, mon porteur népalais, et Hom, mon assistant local avec qui j’ai grimpé, m’ont aidé à établir le camp avant de redescendre. Leur dernier regard avant de me laisser seul… je m’en souviendrai toujours. Il disait tout, sans un mot.

L’ascension en elle-même, comment l’avez-vous vécue ?
Nous avons quitté la tente à une heure du matin. Une nuit noire et glacée. Ma frontale était la seule lumière. Les pas s’enchaînaient lentement sur une pente instable, entre glace et roche. Nous avons croisé quelques cordées commerciales, à bout de souffle, encordées, parfois même sous oxygène. Cela m’a rappelé à quel point cette montagne ne pardonne pas. Moi, je n’étais pas mieux préparé. Mais je savais pourquoi j’étais là. Et cette clarté m’a tenu debout.
Et le sommet ?
À l’aube, le ciel s’est ouvert d’un coup. Pas de lever doux : une claque de lumière. La dernière pente m’a vidé. Plus de pensées, juste le souffle, sec et primal. Là-haut, à 6 119 mètres, il n’y a pas eu de cri, juste un moment suspendu. J’ai déployé une bannière qui me tenait à cœur : celle du magazine 100% Vosges.
C’était ma manière de rendre hommage à cette belle région où j’ai passé de nombreuses années à randonner. À cette terre vosgienne qui forge l’endurance, le lien à la nature, et cette humilité devant le relief.
Votre aventure avait aussi une dimension solidaire. Pouvez-vous nous en parler ?
Oui. Ce projet ne se limitait pas à l’alpinisme. Avec notre association, nous avons soutenu plusieurs orphelinats au Népal — en leur apportant du matériel, des fonds, et surtout, de l’écoute. Ce sont des rencontres marquantes. D’une simplicité désarmante. Je crois profondément que l’engagement humain donne un sens à l’effort physique. Au retour, en redescendant vers ces enfants, j’ai compris que la vraie altitude d’un voyage ne se mesure pas en mètres, mais en cœur.
Qu’avez-vous ramené de cette expédition ?
Un silence. Une vérité brute. Ce sommet, ce drapeau vosgien hissé face à l’Himalaya, ce froid qui mord, ce souffle qui résiste — tout cela m’a rappelé pourquoi je pars. Mais aussi pourquoi je reviens. La montagne ne m’a pas offert une victoire. Elle m’a offert un accord.
- Pour en savoir plus : Association La Rando et la plateforme Outwild





