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Combats de Titans

Le 18 février 2024 par Francoise Fontanelle
© Marine Mammals, Humpback Whales And Orcas Displaying Their Everyday Behaviour On The Feeding Grounds Of The North Hemisphere, In The Skjalfandi Bay, Husavik, Iceland

Le 27 janvier dernier, l’Icon of the Seas, le plus grand paquebot de croisière nouvelle génération du monde de la compagnie américano-norvégienne Royal Caribbean, quittait Miami pour son voyage inaugural en Floride… Vingt jours plus tôt, 6 skippers larguaient les amarres du port de Brest pour un tour du monde en solitaire sur des voiliers de 32 mètres de long, capables de survoler les flots à près de 70 km/h. Deux Titans qui ne s’affrontent pas franchement sur les mêmes thématiques…

La croisière abuse

Le premier, rivalise de superlatifs. Ce parc aquatique flottant de 250 800 tonnes, cinq fois plus grand que le Titanic, promène à une vitesse de 20 nœuds 7 600 passagers plutôt fortunés et plutôt Américains (comptez entre 1 840 et 9 000 dollars la croisière) logés dans 2 000 cabines réparties sur plus de 20 ponts, et se targue de carburer au « vert ». Pourtant, le gaz naturel liquéfié dont il est question est largement décrié dans les médias. Par exemple, Nicolas Raffin, de l’ONG Transport et environnement, le considère comme un non-sens sur le plan climatique et celui de la sécurité énergétique, car il émettrait entre 70 et 88 % de gaz à effet de serre en plus et par voyage que s’il voguait avec un carburant marin ordinaire (The Guardian, le 26 janvier 2024).

Un paquebot qui semble d’autant plus aller à contre-courant, lorsque l’on se souvient que les navires de plus de 25 000 tonnes n’ont plus le droit de cité à Venise depuis août 2021.

Les Géants des mers

Les organisateurs de l’Arkéa Ultim Challenge ont choisi de s’attaquer à un tout autre tabou dans le monde de la course à la voile  : respecter les zones de protection des cétacés. Les maxi-trimarans de la classe Ultime, par leur profil et leur vitesse (ils dépassent les 40 nœuds, soit 70 km/h), font partie de la catégorie des engins maritimes mortels pour la faune aquatique, au même titre que les ferries, les paquebots, cargos et les navires militaires. Ainsi, les skippers se sont-ils engagés à éviter les Zones de Protection des Cétacés (ZPC), qui correspondent aux zones de reproduction et d’alimentation des grands cétacés. Des zones identifiées par le consortium scientifique Share the Ocean à partir de critères scientifiques, de modélisations statistiques et des collisions rapportées, afin de sauvegarder ces espèces, tout en veillant à la sécurité des marins.

La mégafaune des océans

Dans son documentaire, Collisions (sorti le 8 septembre 2023), Philip Hamilton relate des accidents fréquents, et souvent mortels, qui impliquent bateaux et baleines. Dans Sciences et Avenir, il déplore « les futurs capitaines de gros navires (…) n’ont jamais entendu parler de leur impact sur les populations de baleines. » Dans l’Atlantique Nord, il ne reste que 330 baleines franches, dont seulement 70 femelles en âge de se reproduire : « On a perdu 10 % de la population en quelques années à cause des collisions. », précise-t-il. Il explique également que la masse des navires crée un cône d’ombre qui occulte le bruit des moteurs situés à l’arrière et trompe les baleines qui ne l’entendent pas arriver. La solution serait effectivement d’obliger les bateaux à se dérouter ou à réduire leur vitesse lorsqu’ils entrent dans ces zones ; ce qui ne correspond pas vraiment au modèle économique du fret et des croisières maritimes…

Les risques de collisions auront certainement échappé aux concepteurs de ce mégarafiot qui, manifestement, n’ont pas pris en compte qu’il allait voguer dans des eaux habitées. Espérons que ses passagers, entre deux descentes de toboggan, et Rover, le « Chief Dog Officer » du navire, s’émouvront de les voir croiser leur route le plus au large possible.

Un article réalisé en partenariat avec le Magazine Tandem, à consulter ICI

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