Épinal, capitale de la sociologie

Ayant vu naître Émile Durkheim et Marcel Mauss, les pères fondateurs de la sociologie et de l’anthropologie françaises, Épinal pourrait bien en tirer désormais profit en termes de notoriété. Des hommes de l’art s’y emploient.
Épinal, ville et pourquoi pas ? capitale de la sociologie. Tout y concourt. L’histoire d’abord qui a vu naître les pères fondateurs de la sociologie et de l’anthropologie françaises dans la Cité des Images. Émile Durkheim en 1858, Marcel Mauss, son neveu, en 1872.
Le premier fonda le premier département français de sociologie à l’Université de Bordeaux en 1890 et est connu pour avoir énoncé la spécificité du fait social. On doit, entre autres, au second la théorie du don et du contre-don, l’élaboration du concept novateur de fait social total.
Si ” le hasard les a conduits à Épinal, via la migration de leur famille juive exilée “, l’attachement de ces deux sommités à la ville ne fut pas vain. Émile Durkheim y vécut jusqu’à l’âge de 18 ans, ” s’y formant intellectuellement “, avant des études à Paris et un riche cursus universitaire qui l’éloigna des Vosges. Il ne rendait pas moins volontiers visite à ses parents, durant ses vacances, au 2 rue des Forts (aujourd’hui rue Aristide Briand).
Marcel Mauss y ” revenait souvent, et était membre de la Société d’Émulation du département des Vosges “, rappelle Charles Kraemer, son actuel président. Logique donc que la ville les honore. Une rue, une école, et maintenant le centre hospitalier sont dédiés au sociologue. Marcel Mauss ne bénéficie, lui, que d’une allée au Cours. Peu importe, le rappel géographique est là.
D’autant moins crucial qu’une autre dynamique s’est faite jour, contemporaine, celle-là, intellectuelle, scientifique certes, mais ouverte au grand public, investissant la ville : la création d’un Festival international de sociologie. Porté par la Société d’Émulation des Vosges et le 2L2S (Laboratoire Lorrain des Sciences Sociales de l’Université de Lorraine), il confirme avec brio une première impulsion donnée à l’occasion du 150e anniversaire de la naissance de Durkheim en 2008.
” L’occasion d’appréhender les milieux dans lesquels il s’éveilla : sa famille, dont son père, le rabbin Moïse Durkheim ; la communauté juive d’Épinal, sa ville, qui amorce une irréversible mutation sociale et économique que la défaite de 1871 accélère “, rappelle Charles Kraemer, auteur avec Marcel Fournier et d’autres d’un ouvrage paru chez L’Harmattan l’an dernier sous le titreDurkheim avant Durkheim.
L’élan est donné. Il prend force et vigueur via l’organisation des premières biennales Durkheim-Mauss en 2010 et 2012. ” C’étaient uniquement des colloques scientifiques, l’idée étant aujourd’hui de faire sortir les sociologues de l’Université, même s’ils le font en temps que chercheur et citoyen “, souligne Lionel Jacquot, directeur du 2L2S.
À parcourir et vivre le programme de cette première édition du 19 au 24 octobre sur le thème ” Les figures de l’engagement et L’engagement en temps de crise ” de quoi réfléchir et agir ! tout y concourt.
Au programme : un colloque international et scientifique, avec plus de soixante communications, au Centre des congrès, mais aussi des projections de films et documentaires suivies de débats, pièces de théâtre, expositions, ateliers pédagogiques et leur restitution publique, conférences gesticulées, tables de librairie, tables rondes, qui se déroulent aux Cinés Palace, Centre culturel, BMI, Centre Léo Lagrange, ATP (Amis du Théâtre Populaire), ESAL (Ecole Supérieure d’Art de Lorraine), lycées Louis Lapicque et Claude Gellée, tous d’accès libre (à l’exception du cinéma et du théâtre).
Les intervenants locaux et l’implication de pointures nationales devraient séduire sur ” le thème fort de l’engagement, partagé plus facilement par le grand public “, précise Lionel Jacquot. Il est bien question de ” partager le savoir “. Et d’asseoir du même coup l’événement dans la ville, son centre et les quartiers, et dans la durée.