Léo, la fine lame des apprentis-scieurs vosgiens

À 19 ans, Léo Peloux est élève-apprenti et se prépare à la profession de scieur. Élève de terminale, il a déjà toutes les cartes en main pour tracer son avenir professionnel.
Le bois et les Vosges, c’est une sacré histoire, presqu’une histoire sacrée. Léo Peloux en est l’illustration, il est un enfant des arbres. Depuis tout petit, il a grandi entouré par la forêt à Xonrupt-Longemer. De quoi forger une vocation. ” C’est une passion, le travail des bûcherons m’a toujours fasciné, je rêvais d’en être “, confie-t-il le plus candidement possible. Hélas pour lui, l’école de bûcheronnage qu’il convoitait d’intégrer a fermé ses portes il y a cinq ans. C’est alors vers la scierie qu’il s’est dirigé, grâce à un bac pro en apprentissage. Son plaisir c’est de débiter les grumes, les décorcer, recueillir le meilleur du bois pour réaliser planches, poutres et madriers qui deviendront les charpentes et les meubles de nos maisons.
Dans la scierie du lycée professionnel de Saulxures-sur-Moselotte, les machines tournent à plein régime, les copeaux fusent quand les dents des lames se mettent en action. L’odeur du bois fraîchement coupé envahit alors l’espace. Elle sert de guide à Léo : ” J’arrive à différencier l’essence du bois rien qu’à son parfum, sans même la voir. ” Sapin, épicéa, mélèze, douglas Chacun a son secret qu’il faut apprendre à discerner puis à exploiter avec des outils modernes.
De 10 000 à 2 000 scieries
en seulement quelques années
Le travail manuel a laissé la place à des manipulations techniques de machines. Installé dans le fauteuil de sa cabine, Léo est entouré de boutons et d’écrans, un vrai cockpit d’avion. Il prélève une grume à l’aide d’un réseau de tapis roulant et de leviers, la positionne précisément grâce à des faisceaux laser, puis une impressionnante lame de plusieurs mètres débite de longues planches. Ici il réalise une poutre de section carrée. ” On va chercher le coeur du bois en éliminant toutes les parties blanches. Ainsi ce bois pourra être utilisé à l’extérieur sans être traité chimiquement. Il ne pourrira jamais. “
Au dépôt de l’école, 1 500 mètres cubes sont ainsi découpés chaque année dans l’atelier, qui dispose également d’une section affûtage (pour les lames) et d’une menuiserie. Le bois utilisé pour les exercices scolaires provient pour un tiers de particuliers qui peuvent ainsi le faire débiter à bon prix. ” Mais il faut être patient, nous n’avons pas les mêmes rythmes que les professionnels “, prévient Michel Dupré, formateur depuis 1977. Ce dernier porte un regard lucide sur une profession qui subit de plein fouet la concurrence des bois venus d’Asie et du plastique. ” On est passé en France de 10 000 scieries à 2 000 en seulement quelques années ” Depuis, la filière vosgienne tente de s’organiser pour affronter cette féroce concurrence.
Quand il n’est pas au lycée, c’est en entreprise que Léo Peloux poursuit son apprentissage, à la scierie Jean Mathieu de Xonrupt-Longemer. Il y occupe le poste de trimeur, dont il sait déjà qu’il y sera embauché de façon définitive dès qu’il aura son diplôme en poche cet été. La machine qu’il pilote ôte toutes les parties inutilisables du bois et le coupe à la bonne longueur. Pas question néanmoins de se contenter d’appuyer sur quelques boutons. Il faut savoir tout faire : entretenir la mécanique, nettoyer la machine matin et soir, changer les lames, graisser les roulements, réparer en cas de panne, changer des pièces usées. Il organise ses journées comme n’importe quel salarié et touche déjà un salaire partiel comme un professionnel. Et quand il ne travaille pas, c’est encore dans la forêt que Léo poursuit sa passion : fan de motocross, il passe de nombreuses heures à parcourir les chemins sur sa monture mécanique.