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Apprentissage – Alain Maupetit des Matériaux Nouveaux Docks : “les jeunes ne vont plus au bout de leur formation”

Le 21 avril 2023 par Francoise Fontanelle
Alain Maupetit, directeur des Matériaux Nouveaux Docks.
© 100% Vosges

L’enseigne Les Matériaux Nouveaux Docks est attentive à la formation et à l’évolution des comportements des jeunes, qui viennent se former dans ses agences.

De nouveaux comportements

Nous formons des jeunes depuis de nombreuses années, en apprentissage et en alternance, mais aujourd’hui nous sommes confrontés à un phénomène nouveau. De plus en plus souvent, des jeunes – pourtant motivés pour signer un contrat d’apprentissage chez Les Matériaux Nouveaux Docks –, ne vont pas au bout de leur formation.

J’ai observé qu’ils se lassent très vite face au chemin à parcourir. Il est vrai que, dans nos métiers, la formation est assez longue car il est nécessaire d’apprendre et de connaître de nombreuses techniques et produits. De la même façon, acquérir la technique commerciale exige du savoir et de l’expérience avant de pouvoir être force de proposition pour un client.

Manifestement, les processus d’apprentissage qui s’inscrivent dans la durée ne sont plus en phase avec le monde où les jeunes évoluent aujourd’hui. Le temps dédié à la formation ne correspond pas à leurs attentes et à l’espoir qu’ils ont de sortir rapidement du parcours qu’ils viennent de commencer.

Pour ces jeunes, un an c’est très long, alors qu’à notre échelle, cela représente un tiers du temps nécessaire pour commencer à maîtriser son poste. Pour autant, lorsque nous recevons des candidats motivés pour signer un contrat d’apprentissage ou d’alternance, nous les avertissons que la période d’apprentissage de deux ans n’est pas suffisante et qu’il leur faudra encore une à deux années supplémentaires pour être en capacité d’aborder le métier en autonomie.

Pour que la réalité de nos métiers leur apparaisse le plus tôt possible, nous recrutons des candidats en BTS, voire pour certains avant le bac. Pourtant, il n’est pas rare aujourd’hui qu’un jeune exprime le souhait, au bout de seulement une année de formation, de vouloir devenir commercial itinérant. Mais dans notre entreprise, il est difficilement imaginable de confier ce type de poste avant une période de formation de 5 années. Seuls les très bons commerciaux sédentaires peuvent accéder à ces fonctions et nous sommes conscients que si nous validions sa demande, nous le conduirions au crash assuré.

S’adapter à leur impatience, mais à quel prix ?

Malgré tout, nous allons devoir nous résoudre à aller plus vite pour nous adapter à cette impatience et les accompagner afin qu’ils puissent être performants plus rapidement. Mais il me soucie de devoir perdre en compétences sur le service client et sur la technique des produits.

En effet, un jeune qui veut « brûler les étapes » parce qu’il pense avoir les connaissances, demande à « aller au front » le plus tôt possible. S’il a affaire à un professionnel, et qu’il se trompe, il sera vite recadré par celui-ci. Mais s’il conseille un particulier, les conséquences peuvent être vite très importantes et coûter cher à l’entreprise.

C’est là que se situe le décalage entre la façon dont il perçoivent leur niveau de compétences et la réalité du métier. Or, dans notre activité, nous sommes soumis au devoir de conseil et si nous donnons des informations erronées à un client, nous devons en assumer toutes les conséquences.

C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons nous risquer à mettre un alternant en relation avec la clientèle sans qu’un collaborateur ne puisse être attentif aux informations transmises au client et, le cas échéant, rectifier les éléments qui orienteraient le particulier dans de mauvaises directions. Même si je comprends bien que le jeune soit frustré de ne pas bénéficier de l’autonomie à laquelle il aspire.

Leur faire acquérir les connaissances à la vitesse qu’ils pensent être capables de les intégrer est impossible.

Alain Maupetit, directeur des Matériaux Nouveaux Docks

Tout a tendance à s’accélérer…

Ces comportements sont récents. J’ai vu ce phénomène apparaître il y a seulement 3 à 4 ans, or nos produits étaient tout aussi complexes qu’aujourd’hui. Pour les jeunes, c’est nous qui avons des décennies de retard. Nés avec les nouvelles technologies, ils ont l’habitude que tout aille vite et s’attendent à ce que tout aille encore plus vite. Cependant, leur faire acquérir les connaissances à la vitesse qu’ils pensent être capables de les intégrer est impossible. C’est un constat que partagent les enseignants.

De fait, prenant des initiatives prématurées, ils ne nous écoutent pas et se trompent. Une fois, deux fois… et, à la troisième, ils se sentent en situation d’échec et se détournent de la formation et du métier.

Sans doute trouverons-nous des solutions en recrutant à un niveau supérieur d’études ou en opérant des sélections sur de nouveaux critères ­– car force est de constater, aujourd’hui, que ce ne sont pas ceux que l’on présume avoir du potentiel à l’entrée qui se montrent les plus persévérants.

En tant que chef d’entreprise, j’ai toujours envie de mettre des jeunes au travail. Je ne compte pas baisser les bras, mais je suis obligé de me faire à l’idée que c’est en proposant un nombre important de contrats d’alternance ou d’apprentissage que j’aurai plus de chance de recruter un jeune motivé.

Des objectifs en mutation

Le bien-être au travail est le premier argument que les jeunes mettent en avant pendant l’entretien. Ce qui leur importe, c’est, d’abord de se sentir bien dans l’entreprise. Deuxièmement, de savoir qu’ils pourront prendre leurs vacances. Nous sommes dans une société où ce sont les loisirs qui priment et nous en avons déjà pris acte. Troisièmement, la possibilité d’évolution dans l’entreprise.

C’est seulement à la fin de l’entretien que la question du salaire est posée. Et, concernant ces deux derniers items, tout doit progresser vite : évoluer, acquérir le savoir, être mieux rémunéré parce que l’on sait ; avant même d’avoir appris. Néanmoins, il nous arrive de recruter des alternants qui appréhendent encore leur formation dans un schéma classique : apprendre, savoir, montrer, évoluer.

Des pistes de réflexion

Aujourd’hui, l’alternance est devenue la voie par excellence pour accéder à l’emploi, et les jeunes sont incités à s’y engouffrer sans s’interroger sur leur attrait pour le métier. C’est peut-être cette ouverture à de plus larges variétés de profils de candidats qui fait que nous sommes déçus de ne pas les voir persévérer et, finalement, j’aurais tendance à dire aujourd’hui que tous les jeunes ne sont pas faits pour se former par l’alternance ou l’apprentissage ; même si je trouve que c’est une voie très pertinente pour former nos futurs collaborateurs.

Pour autant, ce que l’on constate, c’est que le besoin de personnes au travail est constant et que de nombreux métiers, qui devraient être des opportunités pour les jeunes, sont devenus rédhibitoires à leurs yeux : dans la coiffure, la restauration par exemple. Nous assistons à une mutation de notre société : il faut profiter le plus rapidement de ce qui s’offre à soi, le consommer sans s’impliquer, puis passer à autre chose.

Par exemple, que l’on soit en classe de troisième ou inscrit à Pôle emploi, peu importe le métier, on recherche d’abord une entreprise qui acceptera de vous prendre en stage ou en alternance. Lors des phases d’orientation, on s’inscrit dans différentes formations pour avoir la chance d’être pris quelque part et c’est seulement par la suite que se pose la question de savoir si cela plaît ou si l’on change de voie.

Dorénavant, il nous faut être prêts à supporter un plus grand nombre d’échecs, mais quand ça matche, c’est toujours une grande satisfaction que de pouvoir recruter de très bons éléments.

www.lesmateriaux.fr

Un article réalisé en partenariat avec le Magazine Debrief, à consulter : ici

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