Salariés en coopérative : l’entreprise (à taille) humaine de Xonrupt

Il y a 4 ans, Gico manquait de mettre la clé sous la porte, avec 40 salariés sur le carreau. Grâce à leur mobilisation, une SCOP est née et l’entreprise tient tête dans un marché très concurrentiel. Un format où tout le monde a voix au chapitre.
Certains rêvent d’être patron. José Gonçalves, lui, y a passé plusieurs nuits blanches. Il a endossé le costume de patron alors qu’il ne s’y attendait pas. En 2012, la société de construction de maison en bois pour particuliers Gico à Xonrupt-Longemer, dont il est le directeur commercial, se retrouve en redressement judiciaire, l’année de ses 40 ans d’existence.
” L’ancienne direction explorait des marchés qui n’étaient pas les nôtres (chantiers publics, bailleurs sociaux), alors que notre coeur de métier c’est la maison individuelle sur-mesure “, regrette l’actuel dirigeant. Les employés risquent de perdre leur emploi si rien ne change.
L’un d’entre eux entend alors parler par hasard, lors d’une émission à la télévision, des entreprises en coopérative. Des salariés qui rachètent leur entreprise et en deviennent les propriétaires. Cela s’appelle une SCOP, une Société coopérative et participative. Il faut l’accord de tous les futurs sociétaires.
” Nous avions tous le moral dans les chaussettes, on ne voulait pas voir disparaître l’entreprise. Le carnet de commandes était plein, la notoriété était là. Mais nous avions peur aussi d’être rachetés et que le patrimoine de l’entreprise soit spolié “, continue José Gonçalves.
Il ne faudra pas longtemps à lui et ses collègues pour convaincre le tribunal de commerce de les laisser reprendre l’entreprise. Sur les 37 salariés, une vingtaine saute le pas. Une première en Lorraine dans le milieu.
” On tenait à la marque : la Région nous a aidés en apportant un soutien financier. Nous avons débloqué nos droits au chômage pour les placer dans la société. 450 000 euros ont été répartis dans le capital de la SCOP. ”
Désormais, chaque salarié détient une part du capital et possède une voix pour voter les grandes décisions de l’entreprise. L’une des premières sera de désigner le nouveau dirigeant. C’est José Gonçalves qui est choisi par ses collègues : ” J’avais une grosse trouille pour ne rien cacher ! Mais quand les gars m’ont fait comprendre que pour que ça reparte il fallait que ça soit moi, je me suis dit que je devais y aller. J’ai passé quelques nuits blanches quand même ! ” À ses côtés, Marie-Luce Crouvezier est désignée co-gérante.
Près de quatre ans plus tard, Gico se porte bien. Même si son chiffre d’affaires 2015 est en légère baisse, subissant le climat morose du secteur du bâtiment. 35 maisons produites durant l’année et une philosophie toujours intacte : ” Construire des maisons qui ressemblent aux gens qui viennent nous rencontrer. ”
Gico propose exclusivement des maisons ossature bois et des chalets en madriers massifs, en kit pour de l’auto-construction ou livrés clé en mains. ” On travaille sur le quart nord-est de la France, mais aussi à Marseille et en Corse. ” Pour un prix oscillant entre 1 500 et 2 000 euros le mètre carré.
Le bois permet de construire des maisons en un temps record, il régule très bien les échanges de température avec l’extérieur et offre un taux d’humidité idéal à l’intérieur (16 %). ” Je cite souvent un proverbe nordique pour vanter les qualités de la construction bois “, s’amuse le spécialiste. ” Si tu es malade, vois ton médecin. S’il ne peut rien pour toi, habite une maison en bois ! “
Dans quelques semaines, José Gonçalves remet son mandat sur le tapis. Dans une SCOP, chaque salarié élit qui il souhaite comme patron tous les quatre ans. ” Ça nous oblige à être toujours vigilant, à ne pas nous endormir et à toujours pousser l’entreprise à avancer. ”
Il devrait être reconduit dans ses fonctions. À presque 60 ans, José Gonçalves n’est pas encore prêt d’entendre sonner l’heure de la retraite.