Roger Cayzelle : Les Vosges au coeur du nouvel ensemble régional

Et si les Vosges avaient tout à gagner de la fusion des régions Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine dont nous élirons les représentants en décembre ? C’est le point de vue que défend Roger Cayzelle, président du CESEL. Explications.
Roger Cayzelle, vous êtes président du Conseil Economique Social et Environnemental de Lorraine (CESEL). La réforme territoriale instituée par la loi NOTRe souffre d’un manque de popularité, c’est le moins que l’on puisse dire. Pour vous, est-ce malgré tout une bonne réforme ?
Roger Cayzelle – J’étais très sceptique sur cette réforme, je pense que c’est une erreur. La meilleure réforme était celle de Nicolas Sarkozy : la fusion du conseiller départemental et régional. Maintenant que tout est en place, il va falloir quand même faire avec. L’avantage c’est que ça nous oblige à rebattre les cartes. Essayons de construire quelque chose d’intelligent en nous mettant ensemble pour donner un maximum d’attractivité à nos régions.
Les Vosges peuvent-elles tirer des bénéfices de cette réforme ?
R. C. – S’il y a un département pour lequel cette réforme va être intéressante, c’est bien les Vosges. L’ouest vosgien a tout intérêt à ne plus être aux marges de la Lorraine, mais à se considérer au centre du nouvel ensemble régional.
Comment les Vosges peuvent sortir de ce sentiment de solitude ?
R. C. – Gérardmer et Saint-Dié-des-Vosges pourraient très bien être reliées à Strasbourg par un bus ou un train. La région de Saint-Dié-des-Vosges a tous les atouts pour se développer, elle est proche de la montagne et de l’Alsace
Avec le Sillon Lorrain, d’Épinal à Thionville, il y a aussi des choses à inventer. D’abord avec le TER qui doit arriver plus longtemps le soir à Épinal.
Plus au nord, on a commencé à créer un mouvement autour de la vallée de Senones avec le festival des abbayes
Il figurerait parmi les grands festivals français pour sa qualité s’il se déroulait à coté d’Aix-en-Provence ! Les habitants commencent seulement à découvrir que leur région est magnifique.
À l’ouest, Neufchâteau ne peut pas exister sans coopérer avec Vittel, Contrexéville et Mirecourt. C’est un paquet cadeau absolu, ne serait-ce que parce qu’à Mirecourt il y a un aéroport, et qu’il y a des Chinois qui y viennent. Il faut leur faire visiter Neufchâteau. Il faut des restaurants ouverts, des cafés
Vous aimez votre région quand vous voyez que d’autres gens y viennent, et que vous vous dîtes : ” Ah c’est quand même bien ! ” Les territoires qui se développent sont ceux qui se mobilisent.
Vous comprenez tout de même la déception des élus vosgiens face à l’annonce du départ de la Chambre régionale des comptes pour Metz ? Reste-t-il un espoir qu’Épinal récupère un service, une délégation ?
R. C. – Le départ de la cour des comptes d’Épinal, ce n’est pas correct. C’est inélégant par rapport à Philippe Séguin [qui l’avait installée à Épinal, ndlr], il ne fallait pas céder. Le signal est terrible. Cette décision donne l’impression qu’Épinal est une ville de province où il ne fait pas bon vivre. Reste la possibilité d’accueillir le Commissariat à l’aménagement du Massif des Vosges.
Les Vosgiens se sentent souvent oubliés
R. C. – Les Vosgiens ont toujours eu le sentiment d’être délaissés par la Lorraine. À mon avis, parfois à tort. Les Vosges n’arrêtaient pas de se plaindre et de s’enfermer dans la ” Vogitude ” : un sentiment d’isolement…
De façon plus général, les Lorrains n’ont-ils pas du mal à être fiers de leur région ?
R. C. – J’ai écrit des dizaines de chroniques là-dessus, les Lorrains ne portent pas suffisamment leur région. Ils doivent prendre confiance en eux. Nous avons 1 500 entreprises innovantes en Lorraine, notre économie a encore du sens. Il faut s’en rendre compte ! La nouvelle génération politique doit accompagner cela.
Le vrai problème en Lorraine, en Champagne-Ardenne et en Alsace, c’est un déficit de notoriété phénoménal. Ce sont aussi des régions qui perdent des habitants. Même l’Alsace commence à avoir un solde migratoire négatif.
Comment voyez-vous les Vosges en 2050 ?
R. C. – Si les Vosges sont capables de récupérer des éléments de modernité, elles peuvent progresser. Il faut le même standard de vie à Épinal que dans une grande ville : un accès au numérique, des transports en commun, il ne faut pas que le dernier train parte à 20 h 30, il faut pouvoir accéder à la ville beaucoup plus tard en soirée. Si le dernier train part à 20 h 30, il n’y a aucune chance que vous partiez voir un spectacle à Épinal le soir et vice-versa. Le nouveau cadencement des horaires est déjà bien [Les trains circuleront de façon plus régulière, nldr]. La partie sera gagnée quand les Nancéiens viendront à Épinal !
Vous parlez de cette place centrale des Vosges, mais pour l’instant le siège de cet ensemble sera décentré lui à Strasbourg.
R. C. – Ce n’est pas parce que Strasbourg n’est pas au milieu, que Strasbourg n’a pas d’importance. Washington n’est pas au milieu des États-Unis, Berlin n’est pas au milieu de l’Allemagne ! Lorsque vous allez en Asie, le seul coin d’Est un peu connu, c’est Strasbourg ou Luxembourg.
Installer la capitale régionale à Strasbourg ce n’est pas brader les intérêts de la Lorraine ! Saint-Dié-des-Vosges et Gérardmer se sentent plus proches de Strasbourg que de Metz ! Alors, pour les Déodatiens, savoir que la DREAL (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) sera finalement à Strasbourg plutôt qu’à Metz, ça n’a pas d’importance.
Vous avez annoncé ne plus vouloir utiliser le terme ALCA ou ACAL, mais uniquement région Grand Est. À quel point les mots et la sémantique sont-ils importants ?
R. C. – La région PACA réfléchit à enlever son sigle ridicule pour s’appeler Provence. C’est comme pour une marque, le nom est quand même un élément de visibilité extrêmement fort.
Pour l’instant, j’utilise le nom Grand Est Europe, ça a de l’allure. Mais il y a le problème de la traduction en langue étrangère, notamment en anglais. Il faudrait peut-être réfléchir à quelque chose comme France Est. Mais je me refuse à employer le terme ALCA ou ACAL, il faut arrêter avec ça !
C’est quoi le Conseil Economique Social et Environnemental de Lorraine ?
La seconde assemblée régionale reste une entité méconnue des Lorrains. ” 20 % à peine des gens pourraient dire de quoi il s’agit “, souligne Roger Cayzelle. Il est constitué de 97 conseillers nommé par le Préfet de Région ou issus des milieux professionnels et syndicats. ” Notre préoccupation c’est le développement économique, puis social et environnemental de la Lorraine. On travaille avec les gens qui sont dans l’action. On essaye de faire les choses, par exemple un travail sur l’image de la Lorraine. Notre fonction première n’est pas d’être en lien avec les citoyens, mais d’animer les responsables économiques, les associations “