Culture, budget et nouvelle région : les Vosges ne lâchent rien !

Si la programmation culturelle dans les Vosges ne cesse de s’élargir, la baisse des dotations du Gouvernement affaiblit inévitablement les subventions. Élus et associations locales n’ont pas dit leur dernier mot.
” Les Vosges possèdent des particularités depuis des décennies : des lieux culturels de référence, de nombreuses compagnies de théâtre… L’offre est la plus éclectique possible “, reconnaît Luc Gerecke, vice-président chargé de la culture au conseil départemental. Festivals, musées et patrimoine, du côté de la culture, les Vosges n’ont, en effet, rien à envier. Pourtant, le département est à un tournant : sur ordre du gouvernement, les dotations sont revues à la baisse dans le domaine. ” Il faut prioriser “, nous répète-t-on.
Mais c’est aussi à une nouveauté territoriale que doivent s’adapter les Vosges. Désormais, le département fait partie du Grand-Est avec, comme villes voisines, Strasbourg, Nancy ou encore Metz. Futures rivales ou précieuses collaboratrices ?
” Le nerf de la guerre, ça reste l’argent “
Culturellement, dans les Vosges, ” il y a un bouillonnement permanent “, se targue Luc Gerecke. Difficile de le contredire avec les dizaines de compagnies de théâtre, d’associations, de lieux insolites (théâtre de Verdure, du Peuple…) et un patrimoine notable (musée de l’Image, forts, sites archéologiques et historiques). Mais, ” le nerf de la guerre, ça reste l’argent “, ajoute le vice-président chargé de la culture au conseil départemental.
De ce point de vue, le Gouvernement, depuis quelques années, a réduit ses dotations ” aux collectivités comme à la culture. Il prend des deux côtés “, complète Pascal Mangin, conseiller régional de la nouvelle région Grand Est, chargé de la commission culturelle.
Regrouper les services sans supprimer de personnel
Une réduction de budget ” significative “, reconnaît Luc Gerecke, qui n’a pas épargné les Vosges. Il a fallu faire des choix, trouver des solutions. Cela a impacté les acteurs du territoire évidemment, qui ont dû s’adapter, partager les moyens, le matériel “, renchérit Luc Gerecke. Au sein du Conseil départemental aussi, une mutualisation a été réalisée. ” Nous avons regroupé nos services sans supprimer de personnel. “
À Épinal, la municipalité a souhaité maintenir ce qui avait déjà été fait il y a quelques années. ” Comme sur l’ensemble du territoire, le budget alloué à la culture est très important “, note Christophe Petit, adjoint spinalien à la culture. Entre 2014 et 2015, les subventions reçues par les associations ont chuté de 10 % et de 15 % pour les services.
” Des sacrifices sont envisageables “
” Mais nous avons réussi à garder quasiment la même offre. Un seul week-end a été supprimé pour le festival Les larmes du Rire. Ce qui n’empêche que dans les années à venir, des sacrifices sont envisageables. Tout le monde doit participer. ” La structure culturelle Scènes Vosges, qui s’étend sur l’agglomération d’Épinal et à Thaon-les-Vosges, en a fait les frais puisque son budget est amputé de 360 000 euros.
” Peut-être que les structures plus grandes ont plus de mal “, tente d’expliquer Pierre-Marie Paturel, de la compagnie de théâtre Le Plateau Ivre. Tous les ans, ces artistes accueillent des milliers de spectateurs au Théâtre de Verdure, ” 5e lieu de diffusion dans les Vosges depuis 2008 “, précise fièrement l’artiste.
S’adapter et prendre les devants
Installée à Vagney, l’association a imaginé le concept afin d’implanter un lieu ” convivial de théâtre vivant ” dans les Hautes Vosges, ” là où il n’y a pas d’endroit de diffusion mais où la demande est forte “. La structure, qui accueille des acteurs de toute la France et même de Belgique, a tout de même choisi, pour la saison à venir, de sacrifier une semaine de spectacles. ” Il faut s’adapter et prendre les devants avec ces baisses de subventions. ” Même si le Théâtre de Verdure n’est pas en péril, ” notre convention ne prévoit pas réduction mais nous ne voulons pas prendre de risques. “
Les collectivités, partenaires, ont quand même demandé à la compagnie d’augmenter les tarifs des spectacles, ce que refuse Le plateau Ivre. ” Avec la nouvelle région, on ne sait pas trop où ils vont… ” Dorénavant, il faut en effet penser Grand Est. Avec ses 5,5 millions d’habitants et ses 57 000 km² de superficie, la grande région a de quoi effrayer.
Travailler en coopération entre les villes
Culturellement, ce sont plutôt les villes voisines, avec une offre très riche, comme Strasbourg, Nancy ou encore Metz, que pourraient craindre les Vosgiens. ” Il faut penser transversalité ! Travailler en coopération entre les villes et l’ensemble des territoires “, assure Pascal Mangin, conseiller régional chargé de la commission culturelle pour le Grand Est. ” Il y a un temps de construction non négligeable mais il ne faut pas fragmenter et opposer les territoires. ”
Alors que la commission fixe actuellement les grandes lignes, Pascal Mangin explique : ” Nous n’allons pas faire table rase de tout ce qui a été fait auparavant et il ne s’agit pas de changer d’identité. Les Vosgiens ne le seront pas moins “. L’élu cite quelques spécificités comme le festival de géographie de Saint-Dié-des-Vosges où encore le ” petit trésor patrimonial ” de Mirecourt. ” La région va plutôt permettre une promotion plus grande, faciliter la tâche et créer des réseaux “.
” La créativité n’est pas opposée à la ruralité “
Mais peut-on rivaliser avec des sites au retentissement national ou international comme le Centre-Pompidou de Metz ? ” Il ne faut pas opposer ce type de lieu à un projet rural. Peut-être que, justement, ce musée pourrait aider les territoires voisins “. Le conseiller le répète, ” la créativité n’est pas opposée à la ruralité “.
” C’est un combat mais nous avons de quoi rivaliser “, certifie Luc Gerecke, du conseil départemental comme une réponse. ” Il y a une crainte mais c’est stimulant. Nous voulons servir de référence “. Et pour ce faire, le départemental mise sur plusieurs facteurs. Les acteurs locaux tout d’abord, notamment avec le prix Vosegus, lancé cette année pour récompenser les créations artistiques, associatives ou professionnelles des Vosgiens.
” Nous ne cherchons pas à concurrencer Nancy ou Strasbourg “
” Nous parions aussi sur les réseaux, avec le lancement d’une plateforme collaborative pour mettre en lien les acteurs culturels. ” Autre point d’avenir, le numérique qui fait partie des ambitions du territoire. ” Les technologies sont fondamentales pour maintenir le “vivre-ensemble”.”
À Épinal, la municipalité se montre plutôt confiante. ” L’agglomération va être utile. Nous faisons partie des 9 principaux interlocuteurs du Grand Est “, rapporte Christophe Petit, en référence au classement des EPCI, établissements publics de coopération intercommunale de la région. ” Nous ne cherchons pas à concurrencer Nancy ou Strasbourg mais nous sommes dans les villes qui comptent. ” Avec un rayonnement sur le département, Épinal use de sa place prépondérante comme acteur culturel. Mieux, la ville l’affiche notamment avec un budget culturel très important. La comparaison avec le département est explicite.
La ville mise sur son offre plurielle et souhaite ” jouer son rôle de chef-lieu “. Avec La Souris Verte par exemple, ” dernier maillon qui permet de compléter la programmation “. La municipalité comme le département parient aussi sur la force économique de la culture. Encore plus dans cette nouvelle grande région. ” Il ne faut pas oublier que c’est un domaine qui rapporte de l’argent “, note Luc Gerecke. ” Il crée des dizaines de milliers d’emplois en France. “
La culture vosgienne en chiffres
2 038 300 euros
C’est le budget 2016 de la culture pour le Conseil départemental, hors dépenses de personnel595 500 euros
C’est le budget réservé aux subventions culturelles du Conseil départemental300 structures associatives et publiques
permettent de faire participer les acteurs culturels locaux dans les Vosges966 217 euros
C’est ce que prévoit Épinal en terme de dépenses de fonctionnement pour 2016 dont 235 800 euros de subventions aux associations