Dans le précédent numéro de Debrief, Fabrice Barbe, directeur général de Vosgelis, nous exposait sa stratégie de développement en Alsace. Un an plus tard, le challenge est relevé. L’occasion de faire le point sur les conditions de mise en œuvre de cette stratégie et ses retombées positives dans les Vosges.
Fabrice Barbe, les premiers résultats liés à la mise en place d’une stratégie de développement innovante, bien que s’inscrivant dans une conjoncture complexe, sont devenus concrets. Quels sont-ils ?
Le pari de Vosgelis dans le Bas-Rhin a été relevé et même dépassé puisque le projet, qui consistait à réaliser 100 à 150 logements par an, porte aujourd’hui, en seulement 18 mois, sur 462 logements pour lesquels le compromis est signé, et plus de 500 logements si l’on compte les compromis en cours de signature. Et effectivement, le 5 août dernier, nous avons livré nos 33 premiers logements en Alsace : 22 à Haguenau et 11 à Ernolsheim.
Vosgelis est aujourd’hui un acteur alsacien légitime, car nous sommes reconnus en tant que tel par les bailleurs sociaux alsaciens qui nous ont intégrés dans leurs réunions de coordination. Un bailleur social a deux clients : le premier sont ses locataires, le second, les collectivités locales. Ces dernières nous identifient comme un acteur utile pour accompagner les politiques locales, comme ça a été le cas avec l’Eurométropole de Strasbourg qui fait face à des difficultés pour construire de nouveaux logements sociaux.
En quoi la conjoncture vous a-t-elle permis de faire coïncider la problématique du logement social en Alsace et votre stratégie de développement ?
Cet enjeu a pu être relevé parce que nous avons bénéficié d’un effet d’aubaine lié à la crise immobilière. Les particuliers n’ayant plus les moyens d’acquérir des biens dans le Bas-Rhin, les promoteurs se sont tournés vers les bailleurs sociaux pour leur demander s’ils étaient prêts à racheter les opérations qu’ils ne parvenaient plus à vendre.
Vous êtes intervenus en proposant une stratégie de sauvegarde. Expliquez-nous ce qui vous a permis de débloquer la situation ?
L’envolée des prix de l’immobilier rendait difficile la production de logement social sur la Métropole de Strasbourg, même si les prix ont été encadrés afin de stopper l’inflation liée à la spéculation immobilière. D’autre part, la charte VEFA a permis de limiter les prix à 2 400 € HT du m2 de surface habitable à destination des bailleurs sociaux. Or les promoteurs ne peuvent rentabiliser leurs opérations de construction à ce prix, car le foncier est très cher, à Strasbourg notamment. Le fait que Vosgelis se porte acquéreur des logements proposés par les promoteurs pour le marché locatif intermédiaire, donc à un prix plus élevé, leur a permis de sécuriser et d’équilibrer leurs opérations et de réserver une partie des logements aux bailleurs locaux pour répondre à la demande des collectivités qui subissent les effets d’une tension très forte sur le marché locatif. Pour Vosgelis, les loyers pratiqués dans le logement intermédiaire étant plus élevés, l’investissement était viable.
C’est donc une stratégie gagnante à de nombreux niveaux…
En effet, nous sommes utiles aux collectivités locales en permettant la réalisation des programmes des promoteurs qui risquaient de ne pas voir le jour. Nous sommes aussi facilitateur pour les bailleurs sociaux dde l’Eurométropole, en rendant plus accessible le logement social en VEFA. En proposant des logements intermédiaires, nous permettons à la classe moyenne de se loger dans des localités qui leur étaient devenues inaccessibles.
Enfin, ces opérations nous permettent de financer des opérations de réhabilitation coûteuses dans les Vosges, sans être contraints d’augmenter fortement les loyers ; ce à quoi nous sommes attentifs, car les ressources mensuelles des locataires de Vosgelis sont aux alentours de mille euros.
Ce modèle économique viable et pérenne créé en Alsace, permet d’accroître la capacité d’autofinancement de Vosgelis dans les Vosges, ce qui était clairement l’objectif de la stratégie.
C’est exact. L’argent que nous retirons des opérations en Alsace est avant tout destiné à l’amélioration du parc locatif vosgien de Vosgelis. C’est indispensable pour effectuer la réhabilitation thermique de 400 logements par an, et accélérer un chantier important : l’accessibilité des logements. Par exemple, en 2018 nous avions effectué 64 poses de douches adaptées ; en 2024 nous avons pu multiplier ce chiffre par 10 avec 600 salles de bains équipées.
Grâce à ce modèle de financement, nous pouvons pratiquer un niveau d’intervention très fort, tout en pondérant l’augmentation du prix moyen des loyers bruts hors-charges pratiqué dans le logement social dans les Vosges, qui est de 325 euros. En comparaison, dans le Bas-Rhin, le prix moyen de loyer brut hors-charges, pratiqué dans le logement intermédiaire est de 588 euros et présente des plafonds de ressources deux fois plus élevés, parce que ces logements sont à destination de la classe moyenne.
L’un de vos objectifs premiers est de financer les travaux d’amélioration thermique. Pourquoi ?
Lorsque nous réalisons la réhabilitation énergétique du parc, nous améliorons le pouvoir d’achat de nos locataires et, lorsque nous avons l’opportunité d’accompagner les communes qui, comme Thaon-les-Voges, Mirecourt et Neufchâteau, mettent en place des réseaux de chaleur urbains, ils bénéficient, en plus, d’une énergie moins chère.
Cela nous permet de maintenir la forte attractivité du parc de Vosgelis, comme le prouvent le taux de vacance commerciale de nos logements (inférieur à 0,8 %, il est exemplaire en France), et le taux de recouvrement qui atteint près de 99 %.
Le projet qui consistait à réaliser 100 à 150 logements par an, porte aujourd’hui sur 462 logements sur 18 mois.
Cela permet à Vosgelis de mener des actions plus ambitieuses dans les Vosges ?
Le développement de Vosgelis en Alsace nous aide à financer les opérations complexes que nous menons avec l’Établissement Public Foncier de Grand Est (EPFGE), sur l’ancien hôpital de Neufchâteau, ou encore l’ancien Ephad de Xertigny ou à Plombières. Avant la solution alsacienne, la projection dans les Vosges nous faisait passer sous la barre des 16 000 logements en 2030. Aujourd’hui, il est question de 16 700 logements, ce qui va accroître le chiffre d’affaires de Vosgelis, donc ses capacités d’autofinancement et d’investissement.
Désormais, la gestion financière de l’organisme s’aborde, non plus comme une gestion de stock, mais comme une gestion de flux. La maintenance pure des parties communes et des logements, représentait plus de 8 millions d’euros en 2018, cette année nous avons dépassé les 12 millions. Pour la partie investissement nous passons de 18 à 63 millions d’euros, dont la moitié dans les Vosges.
Cela se traduit notamment par la disparition les logements classés F et G cette année, et par un changement d’étiquette énergétique. En 2019, 40 % des logements étaient classés D, aujourd’hui presque 50 % sont classés C. C’est un vrai changement.
Votre souhait, c’est aussi de développer les services que vous proposez aux jeunes, aux seniors et aux familles, voire de mener de nouveaux projets dans ce sens ?
Effectivement, nous n’avons jamais créé autant de sites d’habitats inclusifs et nous continuons à nous inscrire dans l’innovation sur d’autres sujets. Et nous avons observé, chez les locataires seniors, que l’installation d’une douche adaptée leur permet d’envisager de continuer à vivre chez eux le plus longtemps possible dans des conditions de confort et de sécurité, tout en bénéficiant d’un environnement technique et de services ; ce qui correspond à la logique de maintien à domicile que nous portons.
Actuellement nous sommes en réflexion pour proposer des Maisons d’Accueil et de Résidence pour l’Autonomie, qui visent à améliorer la qualité de vie des locataires âgés en favorisant leurs repères et leurs habitudes. D’autre part, nous explorons des pistes innovantes sur des sujets complexes et inédits, comme le bail à réhabilitation. Nous travaillons conjointement sur cette question avec le Sous-préfet Jérôme Normand qui pilote le Laboratoire de la ruralité. Cela consiste à identifier, dans les communes des Vosges, les propriétaires qui ont de belles maisons mais pas les moyens d’effectuer des travaux d’amélioration thermique.
Au travers d’une opération de démembrement, nous leur proposons de leur racheter leur bien temporairement afin de financer les travaux par le loyer versé sur une durée de 20 ans, pour, à échéance, lui rendre la propriété d’une maison plus performante, sans qu’il prenne le risque de s’endetter. Bien que créé par la loi du 31 mai1991, le bail à réhabilitation est encore très peu proposé parce qu’il est complexe à mettre en œuvre, mais il mérite d’être exploré.
Le projet de la rue Lyautey à Épinal est conséquent…
Nous menons effectivement une grosse opération de 78 logements, dont 56 logements sociaux et 22 en accession sécurisée à la propriété. Désormais, beaucoup de personnes âgées éligibles au logement social vivant en milieu rural décident de vendre leur maison devenue trop grande et trop coûteuse à entretenir pour devenir locataire chez Vosgelis. Les personnes de 60 ans et plus représentent 40 % de nos locataires. Historiquement l’objectif de Vosgelis était de loger les ouvriers du tissu industriel vosgien, aujourd’hui ses locataires reflètent l’évolution démographique du département et la perte d’habitants qu’il subit.
Allez-vous poursuivre ces opérations en Alsace ou exporter ce modèle à d’autres départements ?
Ayant dépassé nos objectifs, nous n’allons pas signer de nouveaux contrats de réservation, mais faire une pause en 2025, 2026 et 2027, afin d’assurer la gestion des 236 logements qui seront livrés dans le Bas-Rhin cette année ; ce qui est conséquent comparé à l’échelle des opérations que Vosgelis a l’habitude de mener dans les Vosges.
Quoi qu’il arrive, nous limiterons notre développement au Bas-Rhin, où nous avons créé une agence Vosgelis, car ce territoire du Grand Est s’inscrit dans un cercle vertueux. Il bénéficie d’une forte croissance démographique, les gens étant nombreux à venir s’y installer en raison des opportunités d’emploi, ce qui implique une forte tension de la demande locative, comme lorsque l’on voit une usine comme celle du géant Chinois Huawei s’installer à Brumath. Nous sommes est très impressionnés par l’émergence de nouveaux quartiers.
Avant la solution alsacienne, la projection dans les Vosges nous faisait passer sous la barre des 16 000 logements en 2030. Aujourd’hui, il est question de 16 700 logements.
Avez-vous inspiré d’autres bailleurs sociaux dans d’autres régions ?
Ce n’a pas été le cas. Il faut rappeler que le contexte favorable qui s’est ouvert à nous en Alsace constituait une opportunité que nous avons su saisir. Nous disposions de la trésorerie pour le faire et avions un faible taux d’endettement ; ce qui n’est pas forcément le cas de tous les bailleurs sociaux en France.
En outre, lorsque nous avons démarré ce projet, beaucoup nous ont fait remarquer que nous ne pouvions pas sortir de notre zone de compétence départementale, ce qui est une erreur car tout office départemental a une compétence régionale. Cela peut expliquer ce frein, et le fait que Vosgelis, en son nom, a pu mener cette stratégie de développement en Alsace.
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