Actu numérique : C’est quoi une fake news ?

On dit qu’elles pullulent sur Internet et les réseaux sociaux. Que les gens qui les relaient à tour de clic finissent pas penser et faire croire n’importe quoi. Qu’en est-il ? Que penser des médias ? Le point avec Philippe Viallon professeur en sciences de l’information et de la communication à l’Université de Strasbourg.
Y a-t-il plusieurs types d’infox ?
Il faut distinguer deux types d’informations. Ce qui relève de la mésinformation et ce qui relève de la désinformation. La mésinformation concerne des informations qui ne correspondent pas à la réalité mais qui ont été diffusées par mégarde, par inattention ou par incompétence, donc sans volonté délibérée de diffuser l’information. En revanche, dans la désinformation, il y a la volonté d’un individu ou d’un groupe d’envoyer de fausses informations pour nuire à une structure, à une personne, etc. C’est très différent. Dans le premier cas on est dans l’humain. On a entendu quelque chose. On ne sait pas si c’est vrai mais on va le dire à d’autres en exagérant un peu, comme dans le jeu du téléphone arabe. Simplement, les réseaux sociaux ont une fonction d’amplification qui est plus importante que si A le dit à B, qui va le répéter à C. Avec la désinformation, on a clairement affaire à des professionnels rattachés à des gouvernements ou à une entreprise. Ils vont volontairement diffuser de fausses informations, directement ou indirectement, dans le but de nuire à la structure.
Sommes-nous tous sensibles à ces informations de la même manière ?
D’abord, beaucoup de ces d’informations n’apparaissent pas, parce qu’elles n’ont aucun effet. Parce que ce n’est pas le bon moment et-ou parce que ce n’est pas la bonne personne qui la reçoit. En revanche, si vous prenez un moment anxiogène, comme une guerre qui dans un pays voisin, les gens deviendront hypersensibles à tout ce qui est lié au conflit. Ensuite, certaines personnes, par leur niveau d’étude ou de formation, sont plus ou moins susceptibles de croire tout ce qu’elles entendent, quand d’autres ont besoin de preuves, de sources, etc. Toutefois, cela n’empêche pas que 5 à 10 % des scientifiques ne croient pas au changement climatique…
Pour qu’il y ait le buzz, il faut que ce soit le bon moment et le bon groupe. Or toutes les études montrent le côté assez étanche des groupes dans lesquels nous vivons. Tel groupe va être persuadé par une certaine information, alors que celui qui est juste à côté ne l’aura même pas entendue.
Pourquoi de telles différences ?
Cela tient à la théorie des « bulles » qui a été développée sur Internet. Chacun d’entre nous, à force de cliquer, se crée une bulle parce qu’il va vers ce qu’il connaît et l’intéresse. Ainsi, les opérateurs apprennent à nous connaître et nous donnent, en fonction de ce que nous recherchons, de la publicité, des informations, etc. Leur objectif étant que l’on reste au maximum avec eux pour qu’ils puissent encaisser le maximum d’argent issu des publicités qu’ils nous soumettent.
Ces faussent informations constituent-
elles un risque ou un danger pour l’individu et la société ?
Des personnes fragiles peuvent se faire embarquer dans des sectes ou adhérer aux théories complotistes. Au niveau global, des études ont montré qu’un parti comme le Front National cherche très régulièrement à faire peur et à déstabiliser, pour que les individus, le jour des élections, votent pour ce parti qui incarne les valeurs anciennes et le respect de l’ordre. Aussi, ses communicants vont intervenir sur des tas de questions qui ne les intéressent pas forcément mais qui peuvent accroître leur sentiment de peur.
Que dire de la géopolitique ?
Ce qui est très intéressant, c’est que tout cela existe depuis très longtemps. La Russie n’a pas débarqué en Afrique hier. Les médias – pour qui « plus c’est loin, plus c’est abstrait, moins c’est susceptible d’intéresser le lecteur, moins on en parle » – n’en parlaient simplement pas. Parler du positionnement agressif de la Russie en Afrique aujourd’hui prend du sens. Mais, pour les spécialistes en relations internationales, ça n’a rien de nouveau.
Comment vérifier une information ?
Le plus simple est de se tourner vers des sources fiables. Que l’on soit d’accord ou pas avec Le Monde ou Le Figaro, on a affaire à des informations fiables car ces journaux, malgré leur orientation politique différente, ont le souci de dire la vérité. Et, si par hasard un jour ils se trompent, ils n’hésitent pas à publier un rectificatif.
Même chose du côté gouvernemental. On peut être d’accord ou pas d’accord avec le Gouvernement, on est dans une démocratie et on peut espérer que la grande majorité des individus qui sont au pouvoir protègent le bien public. Sur les grands chiffres, par exemple, il n’y a pas de
raison de ne pas croire le Gouvernement quand il dit qu’il y a tant de médecins en France, ou tant d’arrêts maladie. En revanche, si l’on va sur la page Facebook de « je ne sais pas qui, qui raconte n’importe quoi, », il est clair qu’il n’y a aucune fiabilité dans les propos tenus.
S’agissant des aspects plus techniques, on peut copier-coller le texte dans un moteur de recherche sur Internet pour voir quand une phrase (ou un mini-texte) a été produite. Là, on peut voir si l’information qui est soi-disant une nouveauté a déjà été diffusée et en quelle année. C’est particulièrement vrai pour les photos. On vous fait croire que les Russes ont commis telle ou telle chose, et vous vous apercevez que la photo est complètement hors contexte et concerne ce que les Russes avaient fait il y a cinq ans, dans un tout autre lieu et un tout autre endroit.
Je dirais aussi que, selon le principe scientifique, personne n’est détenteur de la vérité. J’ai telle information, est-elle également diffusée par d’autres ? Il y a un principe dans le journalisme qui dit que même lorsque l’AFP diffuse une information, j’attends qu’une deuxième agence la donne pour, moi-même, la reprendre à mon compte.
Il ne faut donc pas surestimer l’impact des fausses nouvelles…
Il ne faut pas avoir peur, car, même s’il ne faut pas les nier, ce sont des épiphénomènes. Il y a des aspects très positifs dans la circulation de l’information sur Internet et tout ce que l’on peut faire de bien grâce aux réseaux sociaux. Il faut former les gens. À l’école d’abord. Puis par les médias – dont j’ai toujours dit qu’ils étaient la « deuxième école ».
Pour en savoir plus…

Pour se donner les moyens de redevenir acteurs de notre information en utilisant notre esprit critique.
Anti fake news – Le livre indispensable pour démêler le vrai du faux.
Par Thomas Huchon et Jean-Bernard Schmidt (Illustrations Rodho) Éd. First – Février 2022