Jean-Michel Kampf, un entrepreneur engagé qui redonne du sens au courrier et à la solidarité dans les Vosges
Originaire d’Épinal et profondément attaché à son territoire, Jean-Michel Kampf porte une double ambition : créer de l’emploi local pour les personnes en situation de handicap avec L’Atelier du Courrier, et développer le transport solidaire VOSGEA à travers l’association MyOuai. Rencontre avec un Vosgien qui place la solidarité au cœur de l’action.
« Là où la machine a standardisé, nous réintroduisons l’humain »
Jean-Michel Kampf a choisi de faire rimer innovation avec inclusion. À travers L’Atelier du Courrier, son entreprise adaptée, il crée de l’emploi local pour des personnes en situation de handicap tout en réinventant un service postal de proximité. Dans un monde où tout s’automatise, où les échanges se dématérialisent, il fait le pari de l’humain. Là où la machine a standardisé, lui réintroduit du lien. Avec son équipe, il prouve que l’innovation peut aussi être sociale et solidaire, ancrée dans les réalités vosgiennes. Un engagement qui s’étend aussi à VOSGEA ©, un dispositif de transport solidaire développé avec l’association MyOuai, destiné à accompagner les personnes fragiles et isolées. Rencontre.
L’Atelier du Courrier vient de s’implanter dans les Vosges. Pouvez-vous nous expliquer concrètement en quoi consiste cette entreprise adaptée et comment vous réintroduisez l’humain dans un service postal aujourd’hui très automatisé ?
En effet notre entreprise adaptée porte une vocation sociale et solidaire. La majorité de nos collaborateurs sont des personnes en situation de handicap, que nous accompagnons sur le plan socio-professionnel. Nous leur offrons une activité valorisante, une formation, mais surtout une place dans la société. L’Atelier du Courrier est la première entreprise adaptée autorisée par l’ARCEP à affranchir et surtout à distribuer du courrier, en bénéficiant d’une tarification postale alternative à celle de La Poste. En clair, nous proposons aux collectivités et aux entreprises une solution plus éthique, inclusive et économique. Là où d’autres installent une machine à affranchir, nous remettons un visage, une main, une histoire. C’est aussi une manière de prouver que l’humain peut être plus efficace, plus juste, et même moins coûteux qu’une machine. Notre implantation à Dommartin-lès-Remiremont, c’est un symbole fort, montrer qu’on peut créer de l’emploi utile dans des zones rurales, sans attendre que tout vienne d’en haut.
Vous avez donc déjà créé un premier emploi à Dommartin-lès-Remiremont et d’autres projets sont en cours. Quels sont vos objectifs de développement dans le département ?
C’était un geste fort. Beaucoup pensaient que ce serait impossible, et pourtant, nous l’avons fait. Et ce n’est qu’un début. Mon ambition est de déployer un véritable réseau logistique solidaire dans tout le département des Vosges, une plateforme d’inclusion territoriale capable de créer plusieurs dizaines, voire centaines d’emplois à terme. Ce modèle repose sur une idée simple : financer l’emploi local sans coût pour le citoyen, tout en offrant aux collectivités un service postal plus accessible,plus économique et plus solidaire. C’est aussi un moyen de recréer du lien social, de redonner de la vitalité et de l’attractivité économique à nos territoires.
Vous parlez souvent d’un modèle “à fort impact social”. Comment votre démarche contribue-t-elle à l’inclusion et à la redynamisation du territoire vosgien ?
Je parle d’un impact social, mais j’irais même jusqu’à dire un impact sociétal. Chaque salarié bénéficie d’un accompagnement socio-professionnel adapté. Nous ne faisons pas que créer un emploi, nous créons une place pour chacun, quelle que soit son histoire, son origine ou sa pathologie. Notre modèle repose aussi sur l’économie circulaire, les entreprises et les collectivités qui travaillent avec nous deviennent des acteurs de cette inclusion. C’est une œuvre collective, presque artistique — chacun y met son coup de pinceau et à la fin on admire le résultat tous ensemble.
Nous allons chercher des talents là où personne ne regarde : dans les villages, dans les parcours cabossés, dans les zones oubliées. C’est cette solidarité territoriale qui me tient à cœur. Je suis fier de mes équipes, fiers de voir que notre modèle redonne du sens et recrée de la cohésion.
Parallèlement, vous développez VOSGEA, un dispositif de transport solidaire. Comment est née cette idée ?
VOSGEA est né d’un constat simple : dans nos villages, beaucoup de personnes âgées ou isolées n’ont plus de solution pour se déplacer. Avec l’association MyOuai, que je préside, nous avons créé un service de transport solidaire assuré par des bénévoles bienveillants.C’est un service gratuit, humain, basé sur l’entraide. Cela va des trajets du quotidien aux rendez-vous médicaux. C’est un dispositif qui a déjà fait ses preuves, nous collaborons déjà avec la Maison des Abbesses de Remiremont, le CCAS, et chaque semaine, nous accompagnons des habitants qui retrouvent ainsi autonomie et lien social. C’est un prolongement naturel de L’Atelier du Courrier, même logique de proximité, même volonté de créer du lien et de l’utilité, la seule différence c’est qu’il n’y a aucun enjeux financiers.
Derrière vos projets, on sent une dimension personnelle. Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous engager dans cette voie ?
Je suis né à Épinal, j’ai grandi dans les Vosges, entouré de gens simples mais bienveillants. Je n’ai pas grandi avec beaucoup de moyens, mais avec une valeur forte qui est la solidarité. Elle ne m’a jamais quitté. J’ai aussi un enfant reconnu travailleur handicapé, qui travaille aujourd’hui à nos côtés. Cela donne du sens à tout ce que nous faisons et c’est ça qui est important à mes yeux. Au fil des ans, Je vois les Vosges se vider, les jeunes partir, certains villages perdent leur vitalité ; Ce constat et les statistiques de l’INSEE m’effraie, les Vosges devraient perdre plus de 100 000 habitants à l’horizon 2070.(https://www.insee.fr/fr/statistiques/7629915). J’ai eu envie d’agir, d’apporter une alternative, de montrer qu’avec peu de moyens, on peut faire beaucoup.
Mon rêve, c’est que nos initiatives inspirent également d’autres communes, qu’elles réinventent la manière de servir les habitants. J’ai toujours cru qu’on pouvait entreprendre autrement, avec du cœur, de la solidarité et une vraie utilité.
L’Atelier du Courrier : www.atelierducourrier.fr
Association My Ouai : www.myouai.fr
Faire un don à My Ouai : https://dons.myouai.fr