Canoë-kayak : Mathieu Biazizzo « J’ai toujours l’envie de performer ». Rencontre

Resté en dehors de l’équipe de France ces dernières saisons, le kayakiste spinalien a toujours la foi. À 33 ans, il n’a pas encore dit son dernier mot à haut niveau. Le leader de Golbey-Épinal-Saint-Nabord compte renouer avec la coupe du monde et les championnats internationaux dans les mois qui viennent.
Comme c’est votre habitude depuis de nombreuses années, vous avez passé plusieurs semaines en Australie pour vous préparer…
J’y suis resté six semaines. Le retour en France était programmé le 25 février. Cela fait longtemps que je n’ai pas passé janvier en France ! En Australie, je suis comme à la maison depuis toutes ces années.
Fin janvier, vous avez remporté, pour la première fois, les championnats d’Océanie. Êtes-vous comme le bon vin ?
Je n’étais quand même pas mauvais avant ! (Rires.) Penrith(1) est un bassin assez spécifique et dur physiquement. Je n’y étais pas toujours à mon avantage. C’est rassurant de gagner ici, même si je n’étais pas superstitieux. Sur ces courses de début de saison, je ne suis pas toujours bien préparé mais je commençais à penser que je n’étais pas capable de « matcher » autant que certains sur ce bassin. C’est plaisant d’y avoir enfin gagné.
Vous avez 33 ans. Ce n’est pas vieux dans une discipline comme la vôtre… Mais à cet âge, la question de la reconversion peut se poser. Avez-vous longtemps hésité à poursuivre votre carrière ?
Je me suis pas mal interrogé mais pas par rapport à l’aspect financier. J’ai la chance d’être bien accompagné, notamment par la Ville d’Épinal. Je ne roule pas sur l’or mais je m’en sors. Je suis venu en Australie avec mes propres deniers. J’ai toujours eu l’envie de pagayer mais ces dernières saisons, j’étais bloqué par les choix de la Fédération. J’avais le sentiment de ne pas avoir d’opportunités en raison des règles de sélection en équipe de France. Après deux ou trois saisons à me cogner contre un mur, j’ai évalué l’intérêt de continuer. Fin 2024, il y a eu du changement à la fédération avec un nouveau président, et un nouveau DTN (directeur technique national) devrait être nommé prochainement.
Y aura-t-il un impact sur les règles de sélection ?
Oui. Cela devrait être plus ouvert mais il faudra voir dans les faits. Même à 33 ans, si tout marche, tu as envie de continuer dans un sport comme le mien. Tous les jours à l’entraînement, je m’éclate. Des jeunes sont arrivés mais je me sens toujours performant et, surtout, j’ai toujours l’envie de performer. Je suis encore là !
« Tant qu’il y a un peu de lumière, je saurais m’engouffrer »
Vous projetez-vous vers la qualification pour les Jeux olympiques de Los Angeles en 2028 ?
Je vais prendre les années les unes après les autres ! Je traîne des douleurs au dos et à l’épaule depuis plus d’un an. Ce n’est pas dramatique et j’arrive à m’entraîner mais je dois parfois lever le pied. Il faudra aussi voir si la Fédération veut favoriser les jeunes. Sans opportunité, je ne me casserais pas les dents pendant dix siècles ! Il y a un nouveau paramètre dans ma vie. J’ai repris mes études en école de management à Grenoble. Il y a des trucs qui peuvent me faire kiffer en dehors du kayak. Si cela ne se passe pas bien dans mon bateau, je suis prêt à opérer un virage à 90 degrés et me lancer dans une nouvelle vie.
Cette année, les championnats d’Europe auront lieu en France sur le bassin olympique de Vaires-sur-Marne et les Mondiaux à Penrith. Que vous inspirent ces deux rendez-vous ?
Il y a évidemment des bassins où j’ai mieux marché que d’autres mais je ne suis pas superstitieux. Aucun endroit ne me fait peur. Sur certains bassins en revanche, tu peux développer l’impression que cela « matche » moins bien. C’était le cas à Penrith avant ma victoire d’il y a quelques semaines mais je n’aborde jamais une compétition en pensant que je ne peux pas gagner.
Avec l’arrêt de carrière de Boris Neveu, de cinq ans votre aîné, vous êtes désormais le plus âgé des kayakistes français de haut niveau. Comment appréhendez-vous cette situation ?
Je suis le dernier dinosaure ! Tu regardes toujours la concurrence mais je le fais d’abord pour moi. Je n’aurais pas continué toutes ces années à haut niveau si je ne pensais pas pouvoir performer davantage que les athlètes plus jeunes ! Si le physique va et que les résultats sont là, je continue. Le jour où ça n’ira plus, j’arrêterai mais tant qu’il y a une porte ouverte et un peu de lumière, je saurais m’engouffrer.
(1) c’est sur ce bassin qu’ont eu lieu les épreuves de canoë-kayak des Jeux olympiques de Sydney en 2000.
