Archives départementales : veiller la mémoire des luthiers

Depuis quelques mois, Simon Remy, archiviste à Épinal, collecte et rassemble un fonds de documents pour perpétuer la mémoire des luthiers et de leur production faramineuse dans les Vosges.
Il est terré dans l’impressionnant bâtiment des archives départementales à Épinal. Un petit bureau terne, perdu au milieu de kilomètres d’archives et de boites en carton qui conservent des siècles d’histoire vosgienne. Simon Remy est un jeune archiviste tout juste diplômé, mais la mission qu’il s’est vu confier est essentielle pour le patrimoine.
Depuis plusieurs mois il collecte, réunit et enrichit le fonds sur l’histoire des luthiers de Mirecourt. Une histoire d’amour entre le bois vosgien et les musiciens qui sont venus, et viennent toujours, faire fabriquer les meilleurs violons et guitares dans les Vosges auprès d’artisans chevronnés.
Près de 800 salariés au début du XXe siècle
” L’âge d’or de la lutherie à Mirecourt c’est le XVIIe siècle, des grandes entreprises ont une renommée dans toute la France comme Couesnon, Thibouville-Lamy, Laberte et Magnié “, explique le spécialiste des archives. En 1926, on recense pas moins de 793 personnes travaillant dans le secteur de la lutherie à Mirecourt et ses environs.
” Il y a un pic dans les années 1920, les orchestres sont alors très nombreux notamment pour jouer la musique des films au cinéma. Dans les années 1930, la crise et le jazz vont faire de l’ombre aux luthiers ” Aujourd’hui, ces violons sont très recherchés et il n’est pas rare d’en voir partir à plusieurs milliers d’euros dans les salles de ventes.
Des trésors dans les greniers
De cette riche histoire, Simon Remy est le veilleur et presque l’archéologue. Il a déjà trié un fonds de documents présents aux archives mais se rend également chez les particuliers à la recherche des moindres documents. ” Récemment, c’est le célèbre luthier Lucien Gérôme qui nous a permis de consulter ses archives : photos de famille, factures, correspondance “, continue le jeune homme qui a tout compulsé. Parmi d’autres archives, Simon découvre aussi d’anciens brevets déposés par des luthiers mirecurtiens pour améliorer leurs instruments. Des témoignages d’une époque riche en activité.
Les descendants de ces ouvriers n’ont pas toujours conscience de l’importance des documents qui sommeillent dans leurs greniers. Une simple facture d’entreprise par exemple, est cruciale pour le travail des historiens : elle permet de savoir quels étaient ses clients, à quelle somme se vendaient les instruments, quelle était sa santé financière…
Sortir les ouvriers de l’anonymat
L’enjeu ? Ne pas laisser sombrer dans l’oubli ce patrimoine majeur pour les Vosges, ce que les quelques luthiers encore installés dans le département ne souhaitent pas, tout comme l’association des Amis du Vieux-Mirecourt Regain, qui a mandaté l’archiviste pour ce travail. ” J’espère que ce travail servira à sortir beaucoup d’ouvriers de l’anonymat. “
Au bout d’un an, Simon Remy publiera un guide des sources de l’histoire de la lutherie ainsi qu’un site internet pour rendre accessible ces ressources. Il lance donc un appel à toutes personnes en possession de documents liés à la lutherie. Les dons et les dépôts sont réalisés sous contrat, et l’on peut récupérer les documents après numérisation si on ne souhaite pas s’en séparer. Avant qu’ils entrent dans l’histoire !
Luthier, un métier longtemps mal-aimé
La lutherie à Mirecourt est une histoire faste mais paradoxale : ” Le métier de luthier était très mal vu, on demandait à chaque ouvrier de fabriquer 2 à 3 violons par semaine, il fallait travailler énormément et on gagnait peu ! ” Au XIXe siècle, Mirecourt vit alors une période curieuse, presque désignée capitale du violon mais dont les ouvriers étaient… malheureux ! Même si depuis les années 1970, le métier de luthier a gagné ses lettres de noblesse, devenant un métier d’art au savoir-faire ancestral à préserver.
Si vous possédez des documents sur la lutherie, prenez contact :
par mail : mission.lutherie@gmail.com
par tél. : 06 35 27 49 44
ou auprès des Archives départementales des Vosges