Rues et Cies : le spectacle court les rues d’Épinal

Comme de nombreux évènements attendus par le public, Rues & Cies revient à Épinal dans sa formule initiale les 10, 11 et 12 juin. À la tête de la programmation, Isabelle Sartori, directrice du festival organisé par la Ville d’Épinal, présente cet évènement gratuit pas comme les autres, et cela à bien des titres, car c’est à Épinal que le genre a vu le jour en 1984.
Sans cesse renouvelé, toujours prêt à accepter l’imprévisible et les caprices météorologiques, le spectacle de rue est une manifestation très différente du spectacle de scène. Un exercice particulier de A à Z. Écriture, mise en scène et représentations sont à chaque fois remodelées pour s’ajuster, ou se reformuler, dans un contexte inédit. De là naît cette spontanéité, cette communion et cette liberté de voir, ou pas, l’une des
137 représentations que propose la 39e édition.

« Dans la rue, il y a une connivence avec l’autre qui, lui aussi est dans le public. Il y a aussi des codes, car pour voir un spectacle dans de bonnes conditions il faut venir 30 minutes avant pour être sûr d’avoir une place (ça fait partie du jeu). Alors forcément on discute avec ses voisins et cela crée des liens » explique Isabelle Sartori. Un petit monde qui prend place avec savoir-vivre, c’est à dire en respectant les règles de la rue : la formation en gradin, le port du parapluie près de la tête et le portable sur silencieux de manière à respecter les autres spectateurs et les artistes venus installer une scène imaginaire pour les embarquer dans leur univers.
Car, pour Isabelle Sartori, « ce qui est important dans le festival de rue, c’est de retrouver le plaisir d’être ensemble et de partager la scène ensemble. Cette année, on revient à une situation d’avant Covid et il est vraiment important d’avoir cela à l’esprit, pour nous et pour les artistes du spectacle vivant. »
Toutes les formes des arts seront dans la rue
Cette année encore, des pleurs aux éclats de rires, toute la palette des émotions parcourra de frissons les rues et les places d’Épinal. « Toutes les formes de spectacles de rue seront représentées. Le théâtre sera bien servi avec des textes qui résonnent, comme Les Batteurs de pavés et leur Richard III ou le pouvoir fou, la Cie Bruitquicourt et Amphitryon tu perds ton sang froid, ou les Belges des Royales marionnettes. » Isabelle Sartori nous promet de l’ambiance et des sujets décalés, voire un brin corrosifs.
Côté musique, en fixe et en déambulation, Electro de rue, une fanfare électro-Jazz, et Radio Kaizman au son jazz hip-hop à tendance psychédélique, réveilleront les articulations des festivaliers. À la croisée des genres, la compagnie Adada présente An Apple, A Day, qui fait l’objet d’une installation visible tout le week-end et d’un spectacle original de Fanny Lecoust.Poésie, mémoire et histoire s’égrainent au rythme des 13 000 pommes que compte sa scénographie.

« Dans le registre des installations, on est également très gâtés avec L’Association Plastique et Nature, qui traite d’un sujet passionnant dont on ne parle pas assez : les canards en plastique des fêtes foraines… Il donnera lieu à une visite guidée, assurée par l’association La déforainisation des canards en plastique, entre deux spectacles. Encore un sujet compliqué et douloureux…» qui fait rire sous cape la directrice du festival, soucieuse de ne pas divulgâcher l’évènement.
Encore une suggestion de sa part pour illustrer la dimension internationale du festival de rue : la compagnie Patin Libre. « Dans Roulette et violoncelle, les patineurs sur glace de très haut niveau ont adapté leur spectacle pour l’été. Une très belle chorégraphie poétique et acrobatique, que l’on pourra voir depuis les quatre cotés près de la place des Quatre Nations. »
Alors un conseil, organisez votre programme, préparez votre sac à dos et informez-vous sur la météo car les artistes seront dans les rues pour Rues & Cies, quoi qu’il arrive.
La fabrique du spectacle de rue

Alexandre Markoff a écrit et mis en scène Pour un fascisme ludique et sans complexe. Une pièce qui évoque la révolte des habitants d’un éco-quartier où tout se dérègle. Un discours puissant et libératoire. Mais en quoi écrire pour la rue est différent ? Nous lui avons posé la question.
« Les comédies sociales et satiriques sont un peu le registre de la compagnie. La rue permet de toucher un public très large, différent du théâtre de salle. Dans les festivals de rue, les gens viennent autant en connaissance de cause que par hasard. Cela demande alors de s’adresser au plus grand nombre, d’être moins dans « l’entre-soi », mais aussi à présenter des sujets sous la forme de comédies, afin de ne pas être en position de faire la leçon. Il nous arrive également de présenter certaines pièces en salle et dans la rue. C’est le cas de Pour un fascisme ludique et sans complexe, car cette pièce est conçue comme un spectacle et non une déambulation. Il y a toutefois des choses qui nécessitent d’être adaptées lorsque l’on écrit pour la rue, car l’écoute et la concentration sont différentes et c’est très exigeant pour les comédiens. Comme dans la tradition du théâtre de tréteaux, jouer en extérieur demande à avoir des textes extrêmement intelligibles, une écriture plus cernée, plus dense aussi. »

IN / OFF
Avez-vous déjà pris de la sérotonine enrichie ? Si oui, c’est que vous avez déjà croisé René Cousins. Ex de la Cie Cousins, René, un habitué du IN. Tenant par dessus tout à être présent cette année, il se produira dans le festival Off de Rues & Cies. Le festival Off accueille des artistes non repérés auparavant par la programmation. Ces artistes venus d’Épinal, de Nancy, de Nantes, de Belgique, d’Argentine ou du Japon, jouent gracieusement et tendront leur chapeau à la fin de leur représentation vers le bon cœur des spectateurs, comme le veut le principe du Off.
Le programme du Off est sur www.ruesetcies.fr
Le spectacle familial à ne pas manquer !

La compagnie des P’tits bras est très régulièrement invitée par Rues & Cies pour présenter leur dernière création. Cette compagnie belge, installée dans le sud de la France, propose des numéros époustouflants de technicité, de poésie et de générosité. Le tout, emmené par des artistes d’une grande humilité qui créent un lien très étroit avec le public.
Pourquoi aller voir Bruits de coulisses ? D’abord, parce que c’est un spectacle intergénérationnel. Aussi pour que le plus grand nombre puisse y assister, les deux représentations seront données au Petit Champ de Mars. Parce que la structure Art déco, sur laquelle évoluent les artistes circassiens, est une œuvre à part entière. Et bien sûr pour l’originalité d’un spectacle qui propose de découvrir l’envers du décor : que font les artistes en coulisses ? Que se racontent-ils avant d’entrer en scène, ou entre deux numéros ?
La compagnie les P’tits bras, Bruits de coulisses
Cirque – Au petit champ de Mars (durée 1 heure)
> Samedi 11 juin à 19 h 15
> Dimanche 12 juin à 18 h 15
Les Contre-Visites guidées
Comment (re)découvrir Épinal sous un autre angle, juste en levant le regard quelques degrés plus haut ? Petit mise en bouche avec Stanislas Hilairet, alias Jérôme Poulain, de la Cie Joseph K.
« J’interprète Jérôme Poulain, un personnage que j’ai créé en 2000 à Tours, mais la forme du spectacle actuel tourne depuis 2005, c’est donc un spectacle qui a accumulé beaucoup d’expérience. Jérôme Poulain est un personnage que j’ai construit à l’occasion d’un travail sur le clown. J’avais envie d’avoir mon « Monsieur Hulot » (je suis fan de Jacques Tati), un personnage tout-terrain avec une parole très libre, et avec lequel je pourrais improviser au gré de mes humeurs. C’est un spectacle qui ne s’arrête jamais, car à chaque fois on se retrouve devant une page blanche. On découvre un nouvel espace urbain, on lève la tête et on regarde ce qui peut nous amuser lors d’un repérage heure H -24, pour donner l’impression aux gens que je vis ici depuis vingt ans. On attire l’œil sur que l’on ne regarde jamais : les anomalies, les erreurs,… Le but est de créer une « nouvelle mémoire collective » (rires) et de montrer que l’on peut s’amuser avec son espace quotidien. La trame narrative s’articule autour du maire de la ville et, même si c’est un hommage à la fonction de maire, on lui fait porter pas mal de choses… On leur téléphone souvent pour une histoire de poubelle mal stationnée. C’est ça que l’on caricature, un personnage bouc-émissaire. On ne raconte que des bêtises… mais elles sont toujours prouvées par quelque chose de réel : du mobilier urbain, une devanture de magasin, une affiche… Mais je ne peux en dire plus car Épinal doit rester une page blanche jusqu’à la veille du spectacle. »