Cinéma : Dheepan de Jacques Audiard

Avec Anthonythasan Jesuthasan, Kalieaswari Srinivasan, Claudine Vinasithamby… 1h54. Sortie de 26 août.
Des carcasses fumantes… Un départ précipité vers un horizon qui va révéler lui aussi sa noirceur. Le chaos domine dans Dheepan et Jacques Audiard sait parfaitement comment le mettre en scène.
Le film, récompensé d’une Palme d’Or en mai dernier, porte tout entier sa marque de fabrique. Dheepan, c’est le nom dont a hérité son héros, combattant tamoul qui fuit le Sri Lanka à la hâte, au terme d’une guerre civile de deux décennies. à ses côtés, une femme et une fille qu’il ne connaît pas… mais il a besoin d’elles comme elles ont besoin de lui.
L’unité de façade va les aider tous les trois à se fondre dans la masse. Ils débarquent en France et atterrissent dans une banlieue régie par ses propres codes, où une autre violence va s’imposer à eux.
L’idée du film ? Que le théâtre de l’affrontement se déplace et se superpose, presque comme un calque, au vécu des personnages (incarnés avec beaucoup de justesse par trois comédiens non-professionnels poussés vers la lumière par un Audiard passé maître en découverte d’acteurs).
Son parti pris et son final ont beaucoup fait parler lors de la quinzaine cannoise. Évacuons tout de suite le débat idéologique et préférons voir Dheepan comme une fiction, un fantasme de cinéaste. Comme dans Un Prophète, le film est ponctué d’instants illusoires, de visions sidérantes presque irréelles. à l’image, on retrouve Audiard à son meilleur, après un De rouille et d’os que l’on a jugé bancal.
Au coeur du récit, c’est l’éclosion de la famille, autre thème cher au monsieur, artificielle au départ et qui se révèle au fil du film, qui l’intéresse. à ce compte-là, les dernières minutes du film s’imposent aux yeux du réalisateur français comme un prolongement logique… pourtant, la fin apparaît comme déconnectée de la scène précédente, brutale résultante d’une montée en pression qui retombe d’un seul coup.
La conclusion, aux allures de noeud gordien un peu trop arrangeant, l’empêche de parvenir à l’équilibre quasi-parfait. Là-dessus, Un Prophète reste indétrônable.