Accueil > Sport > Autres sports > Etarcos : 72 Jours de galère en haut de la vague pour le Vosgien Stéphane Brogniart

Etarcos : 72 Jours de galère en haut de la vague pour le Vosgien Stéphane Brogniart

Le 28 mai 2020 par Jordane Rommevaux
Stephane Brogniart lors de sa rencontre avec le bateau Observer : "vous êtes beaux !"
© Amelie Conty

Le Vosgien Stéphane Brogniart, que nous suivons depuis quelques mois, vient de réussir son pari de traverser l’Atlantique à la rame. En 72 jours, celui que l’on reconnaissait davantage avec des baskets aux pieds qu’avec des rames à la main, a relevé le challenge et se confie sur cet exploit remarquable et ses prochains défis.

Quelques jours après votre retour dans les Vosges, quel sentiment ressentez-vous après cet exploit que vous avez réalisé en reliant les îles Canaries à la Martinique, à la rame, pendant 72 jours ?

Stéphane Brogniart – Deux mois et demi en mer, ce n’était pas prévu. Je ne vois pas le jour depuis que je suis arrivé. Mon voyage a été assez compliqué. Il a été révélateur pour moi. Parti le 14 février avec 4 premiers jours de tempête dont je n’étais pas prêt. On ne l’est jamais vraiment. Je suis rentré dans une période particulière, liée au changement de climat. Je me suis retrouvé sans vent et sans le courant habituel entre l’Afrique et la Martinique. Il a fallu que je comprenne comment fonctionnait le bateau. Il m’a fallu 14 jours pour m’acclimater et réaliser qu’il fallait entre 12 et 14 heures quotidiennes de rame. Un vrai chemin de croix pendant 2 mois. Il fallait rester concentré tout le temps. J’ai eu plutôt de la chance, mains nues, je n’ai pas été blessé malgré quelques ampoules.

Dans les Vosges, nombreux ont été les internautes à suivre vos exploits à travers vos comptes-rendus quotidiens, notamment tes quelques rencontres…

S. B. – Oui, j’ai fait quelques belles rencontres à distance comme celle de Graham. Ce marin britannique qui faisait le même parcours que moi, il a fait 100 jours par contre. Bien sûr, nous nous rencontrerons dans les prochains mois. Ou encore, ces Français du bateau Energy Observer, que j’ai pu voir en fin de traversée, qui m’ont apporté une certaine euphorie pendant plusieurs heures. Leur filet garni qu’ils m’ont transmis m’a fait un bien fou. Un beau cadeau en cette fin de traversée. Le compte-rendu était avant tout pour me sortir de mon quotidien.

Était-ce une partie de plaisir ?

S. B. – Pas du tout. Les 10 premiers jours sont insupportables, sans bonheur. Puis on s’oblige à démonter sa maison pierre par pierre et à se remettre en cause, psychologiquement. J’ai eu quelques grosses frayeurs comme le fait de croiser des porte-conteneurs qui auraient pu m’écraser. Il y a eu aussi les quatre premiers jours qui m’ont marqué à vie à cause des conditions climatiques. J’ai cru que j’y passais. Je me souviens aussi, une dizaine de jours avant mon arrivée, j’ai pris une vague plus grosse que les autres et le bateau a été recouvert mais il est remonté aussi sec, comme un ballon qu’on enfonce dans l’eau.

Quelle était votre journée type pendant cette traversée ?

S. B. – Mise en route à 2 heures du matin, en petit déjeunant 10 minutes. Je mettais 3 ou 4 heures pour trouver le bon rythme de cadence, après avoir appliqué le « routage » que nous avions établit la veille avec les équipes à terre. Il fallait trouver la bonne cohérence entre les 3 éléments : la mer, le bonhomme et le bateau. Ensuite, je ramais entre 10 et
15 h. J’enchaînais par le compte-rendu de la journée. Et je dormais, par période de 20-40 minutes et entre temps, je vérifiais mon axe, si je ne déviais pas. Le plus difficile à supporter, c’était la chaleur. Je ramais mieux la nuit. Au bout d’un moment, tu n’as plus besoin de voir la mer, tu la sens.

Cette traversée vous a-t-elle conforté dans votre projet Pacifique de 2021 ?

S. B. – On ne ressort pas indemne de ce truc-là. Je ne peux pas rester campé sur mes idées d’avant. Je vais proposer quelque chose de plus humain. On est davantage parti sur un départ en 2023. Et ce ne sera pas comme je l’avais imaginé en solo mais avec un équipage et nous relierons les îles du Pacifique pour sensibiliser sur le réchauffement climatique et la montée des eaux. Je communiquerai de façon plus concrète dans les prochaines semaines, après avoir débriefé avec mes équipes.

La pêche n’a plus de secrets pour vous désormais ?

S. B. – (rire) J’ai pêché quelques dorades mais ce n’était pas flamboyant donc non, je ne suis pas devenu un bon pêcheur pendant cette traversée. J’ai adoré nager autour du bateau. Je suis sorti une quinzaine de fois. En dessous du bateau, j’étais accompagné d’une trentaine de petits poissons rayés, ils ont disparu du jour au lendemain, certainement que l’eau est devenue trop chaude. J’ai croisé aussi un espadon pendant 2 jours et une grande masse noire qui était certainement un requin. Mais ma plus belle rencontre animale reste ce dauphin, le plus gros de l’espèce, qui est resté une journée avec moi. Il venait de plus en plus prêt et en fin de journée, il s’est frotté au bateau et je voyais son œil. C’était magique.

Avez-vous prévu de faire un livre, un film ?

S. B. – Oui, le livre a déjà été commencé dans le bateau et sera certainement un parallèle sur ce que j’ai vécu depuis 2009. Et, un film est aussi prévu avec les nombreuses vidéos que j’ai fait sur le bateau, avec les GoPro qui étaient installées. Par contre, Steph Brogniart reste Steph Brogniart avec les nouvelles technologies et j’ai fait une bonne boulette qui m’a supprimé les 8 premiers jours de traversée, en formatant malencontreusement les vidéos.

Finalement, le lac de Gérardmer aura été une bonne préparation ?

S. B. – Oui, il ne faut pas obligatoirement s’entraîner en mer pour être un bon marin. L’important, c’est d’avoir une vraie cause noble à défendre. Je pense à tous les membres de l’AS Gérardmer Aviron, qui m’ont beaucoup aidé, conseillé et soutenu, avant et pendant la traversée. Lorsque nous le pourrons, nous ferons une belle fête autour de la grosse « flaque » de la Perle des Vosges.

Comment va revenir le bateau ?

S. B. – Il devrait être de retour en métropole mi-mai. Transporté en cargo, c’est en Bretagne qu’il fait son retour. Il faudra aller le récupérer.

Et la famille Etarcos dans tout ça ?

S. B. – Et bien elle a parfaitement joué son rôle. Pendant la traversée, j’ai pu compter sur tout le monde et comme dans une famille nous sommes passés par tous les sentiments. Cette vie de famille était presque le plus important pour moi.

Pour finir, le Stéphane Brogniart traileur n’est plus d’actualité ?

S. B. – Bien sûr que si ! J’ai déjà établi mon programme de courses et défis physiques sur les 3 prochaines années et je donne d’ores et déjà rendez-vous à mes amis traileurs sur la Vallée des Lacs 2021, sur le 90 km. J’ai une idée dans la tête d’un trek marche et vol sur un très long parcours qui me titille pas mal. A suivre donc !

Menu
logo facebook logo instagram logo twitter logo linkedin