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Laurent Bléron : « la filière bois est en continuelle prospérité dans les Vosges »

Le 25 mai 2021 par Jordane Rommevaux
Le directeur de l'ENSTIB, Laurent Bléron, revient sur la progression de la filière bois.
© Jordane Rommevaux

Directeur de l’ENSTIB à Épinal depuis 4 ans, Laurent Bléron a poussé un « coup de gueule » sur les réseaux sociaux pour rétablir des vérités sur le bois, sa filière et éviter les amalgames. Vosgien d’adoption, il a accepté de clarifier son propos et de revenir pour nous sur ses fonctions, l’avenir de la filière et les prochains Défis. Rencontre.

Vous avez passé un « coup de gueule » sur les réseaux sociaux, il y a quelques semaines, concernant l’importance du bois dans nos vies. Quel message teniez-vous à faire passer ?

Laurent Bléron Il y a de nombreux reportages avec des amalgames et des raccourcis qui ont été faits ces derniers mois sur l’utilisation du bois en général. Le problème est que nous n’entendions qu’un son de cloche qui critiquait l’utilisation excessive du bois. Nous tenions à réagir pour expliquer que nous pouvons nous plaindre mais il faut comprendre et agir. C’est comme cela qu’est née l’idée de faire entendre un autre son de cloche et les besoins de notre filière.

Vous teniez surtout à clarifier les choses sur la « déforestation » avancée par certains ?

L. B. Oui, tout est parti de la reconstruction de Notre-Dame de Paris et l’utilisation des arbres français pour y parvenir. Dans certains discours, nous avions l’impression que l’intégralité de la forêt française allait être rasée. Ce qui est très loin de la vérité. Nous voulions redonner quelques chiffres et apporter quelques vérités.

Avez-vous eu l’impression que l’on ne vous a pas assez donné la parole, vous, acteurs de la filière bois ?

L. B. Oui mais je pense que la filière ne peut s’en prendre qu’à elle-même car elle n’est peut-être pas assez communicante. On voit malgré tout que notre message est passé puisqu’il y a plus de 50 000 vues et partages. Je pense que nous devons mieux communiquer dorénavant, pour sensibiliser le grand public de nos problématiques.

Justement, on a la sensation que dans les nouvelles constructions, le bois fait partie des choix de plus en plus prisés par les nouveaux propriétaires…

L. B. Oui, le bois est redevenu à la mode, le grand public aime revenir aux constructions en bois. Je pense qu’il y a une prise de conscience chez les gens sur l’importance et l’utilité du bois. Autre facteur important, c’est la réglementation thermique qui a fait que la construction bois se classe très bien puisqu’on sait faire des bâtiments bien isolés. Aujourd’hui, les promoteurs immobiliers choisissent la construction bois car c’est simple et rapide et ce n’est pas plus cher qu’un autre type d’habitat. Vous n’avez qu’à regarder les marchés publics récents, ils ont choisi la construction bois, à l’image de la Chambre d’Agriculture des Vosges, qui a un coût plus qu’honnête avec du bois et de la main d’œuvre locale. C’est un circuit court et c’est ce que nous recherchons de plus en plus.

Comment se porte la filière bois dans son ensemble ?

L. B. La filière est en continuelle prospérité. En termes d’emplois, nous nous postons idéalement. Il n’y a pas eu d’effet Covid sur l’emploi, c’est même l’inverse car il y a plus d’activité en général. Aujourd’hui, à la sortie de l’ENSTIB, il y a 10 jours d’attente pour trouver un emploi, ce qui prouve que la filière est porteuse.

Comment expliquez-vous ce succès des métiers du bois ?

L. B. – L’image du bois a beaucoup changé en 10 ans car le bois est devenu design. L’entreprise Burger située entre Colmar et Strasbourg fait des maisons en bois extrêmement design. Je pense aussi que les types de besoins en constructions ont changé. Il n’y aura plus de bâtiments de 30 étages dans les grosses villes même s’il est certain qu’il faudra certainement monter en verticalité pour ne pas continuer à empiéter sur les terres agricoles.

On remarque que même les bailleurs sociaux se tournent vers le bois pour les rénovations et constructions de nouveaux logements…

L. B. Oui, on a instrumenté des bâtiments de Vosgelis pour suivre leur consommation et comprendre comment vieillissent leurs bâtiments. Utiliser le bois, c’est aussi faire des économies d’énergie. Le Toit Vosgien à Saint-Dié-des-Vosges, par exemple, ces derniers bâtiments créés en bois doivent être à 2 euros/m2 de facture énergétique par an. Vous prenez un T3/T4 de 70 m2 multiplié par 2 et vous avez votre réponse. Ils économisent en gros un SMIC par an. C’est très parlant.

Épinal « cité des Images » mais aussi « cité du bois » avec l’ENSTIB, le Salon Habitat et Bois… Comment expliquez-vous qu’Épinal soit devenue la ville associée au bois ?

L. B. Nous sommes identifiés dans toute la région comme tel. Toute la recherche de bois française se fait entre Nancy et Épinal, c’est donc un pôle très important. Nous avons aussi la chance d’avoir de nombreuses entreprises qui utilisent cette ressource et nous possédons des forêts denses et de qualité. Nous avons tout un écosystème de formations : l’AFPIA Est-Nord de Liffol-le-Grand, le Lycée Malraux à Remiremont, Veritech à Nancy qui forme les forestiers, ou encore le Lycée agricole de Mirecourt. Pour être large, sur 80 km autour d’Épinal, nous avons tous les niveaux de formations, de métiers touchant de près ou de loin au bois. C’est un vecteur d’attractivité pour le territoire. Preuve en est par moi-même qui suis creusois d’origine et qui ai fait ma formation ici, avant de revenir en tant que professeur et aujourd’hui directeur. Autre preuve de cette attractivité qui bénéficie au territoire avec l’entreprise In’Bô, créée par 5 ingénieurs formés à l’ENSTIB et qui ne sont aucunement originaires des Vosges.

Le territoire, justement, vous soutient-il ?

L. B. Oui, il fait pas mal de chose : le bâtiment à côté du Xylolab, la couveuse à Les Voivres, tout un écosystème qui permet aux jeunes qui sortent de chez nous de développer leur activité facilement. Objectivement, que ce soit l’agglomération d’Épinal, le département ou la région, ils sont à l’écoute et répondent à nos besoins. Nous avons un outil industriel qu’il faut renouveler rapidement : machines, bâtiments… Ils sont à l’écoute et apportent leur soutien.

Justement, pouvez-vous me donner des exemples de réussite notable, à l’image d’In’Bô installé à Les Voivres, dont les dirigeants sont sortis des bancs de l’ENSTIB ?

L. B. – Jean-Luc Sandoz qui a participé à l’une des premières promotions de l’ENSTIB (1983, ndlr) et qui a aujourd’hui une réputation européenne dans son entreprise de construction franco-suisse, en matériau bois. Nous avons aussi des anciens de l’école qui ont tenu des rôles importants nationalement, dans les fédérations du bâtiment. Dans le domaine de la construction bois, les bureaux d’études sont par moitiés dirigés par d’anciens de l’ENSTIB. L’école a désormais une renommée nationale et lorsqu’un jeune veut travailler dans le bois, on l’oriente obligatoirement vers l’ENSTIB.

Votre « coup de gueule » portait aussi sur la capacité en bois de nos forêts françaises. Comment se portent-elles justement ?

L. B. Extrêmement bien puisqu’elles ont gagné 20 % de superficie en 30 ans. C’est pour cela que je voulais faire passer le message que ce ne sont pas les 4 chênes coupés pour Notre-Dame de Paris qui va tuer nos forêts. Il faut conserver cette politique de replantage, c’est indispensable. Quand on plante aujourd’hui, on récoltera dans 60 à 100 ans. Il faut aussi analyser l’avenir car on ne sait pas quel sera le climat dans 100 ans, avec le réchauffement climatique. La seule chose qui soit sûre c’est que nous n’aurons plus de hêtre. En France, nous avons des forêts composées à 2/3 de feuillus et 1/3 résineux, une image identique aux Vosges. Après, il y a une différence entre la plaine et la montagne.

Pour la reconstruction de la flèche de Notre-Dame de Paris, ce sont 4 chênes vosgiens qui ont été choisis. Pourquoi des chênes ?

L. B. Ils sont globalement plus résistants que les résineux. Les feuillus sont plus résistants mais ils sont plus lourds. En règle générale, on utilise des feuillus pour les poteaux mais pas en flexion car on augmente le poids de l’ouvrage. Dans le temps, un dicton vosgien disait « chêne debout, sapin de travers, peuvent porter l’univers » pour les anciennes fermes, ce qui explique bien l’importance des différents bois. Ils avaient tout compris (rire).

Les Défis du Bois sont confirmés, du 25 mai au 1er juin…

L. B. – Oui, même si nous n’avons pas encore la confirmation que le public pourra venir observer. En revanche, les Défis du bois auront bien lieu puisqu’ils constituent une unité d’enseignement de la formation. C’est une UE à valider donc si nos étudiants veulent être diplômés, il faut passer par là. à l’inverse de l’an dernier où nous avons dû annuler les Défis car, à partir de mars, les étudiants n’ont pu revenir, là nous avons eu une jauge d’étudiants à ne pas dépasser mais nous avons pu rependre un enseignement quasiment normal.

Pouvez-vous nous rappeler son principe ?

L. B. Ce sont dix équipes d’étudiants composées de 2 architectes, 2 ingénieurs, 1 compagnon du devoir. L’idée est de réaliser un projet en une semaine. Chacun a son domaine de compétence et il doit apporter son expertise au groupe pour réaliser le travail. C’est très enrichissant car pour les architectes, c’est un des rares moments dans leur carrière où ils pourront voir la réalisation de A à Z, de la conception jusqu’à la fabrication. Ça n’existe pas ailleurs.

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