Ping-pong verbal à Saint-Dié-des-Vosges entre Arditi et Russo
Etre ou ne pas être juif ? Telle est la question sous-entendue par le titre de la pièce de Jean-Claude Grumberg. Une comédie subtile qui écorne de nombreux préjugés sur la religion avec humour et finesse.
Une cage d’escalier dans un immeuble : deux voisins interprétés par un duo de choc, Pierre Arditi et Daniel Russo, se croisent régulièrement. L’un accoste l’autre : « vous êtes juif ? » Simple question : « Je m’en fous, c’est ma femme que ça travaille (…) elle voudrait savoir comment ça s’attrape. »
La femme de l’autre, qui n’est pas antisémite, surfe pourtant à l’aveuglette, d’abord sur les sites antisémites, puis sur ceux traitant de la Torah et du Talmud. Elle a lu que son voisin l’était et voudrait donc comprendre ce que cela signifie. « Sur internet, ils disent qui est juif et ils ne disent jamais rien sur ce que c’est que l’être. » Or entre voisins, c’est bien connu : on doit s’entraider et le second demande donc au premier de « le mettre au parfum ».
S’en suit une discussion ininterrompue sur la judaïté et ses définitions : peut-on être juif en France ? Juif français comme on est à la fois français et catholique, ou protestant, sans que personne s’interroge ? Peut-on être juif sans être sioniste ? Peut-on être juif sans pratiquer sa religion ? – ce que de nombreux chrétiens font. En mangeant du bœuf pas casher et du porc, malgré l’interdit ? A toutes ces questions, et à mille autres, Jean-Claude Grumberg tente de répondre.
Ce sont donc neuf saynètes truculentes au cours desquelles sont mis à mal poncifs, préjugés, idées fausses et reçues, notamment, via Internet. « La pièce qui est une comédie et non un plaidoyer politique est un véritable discours de paix et de tolérance » dans une époque un peu lourde. On rit beaucoup sur un sujet qui pourrait être scabreux mais qui est traité avec intelligence et ironie.
L’auteur, Jean-Claude Grumberg « écrivain juif et français ou français et juif », comme il se définit, ne fait que pointer les faiblesses de chacun, cherchant à comprendre, soulevant les contradictions, que l’on soit « juif » ou « non juif ». A propos de l’identité juive, il déclarait : « afin d’être aussi complet que possible, je signale à ceux que la question continuerait à tarauder qu’un professeur émérite d’Harvard a répertorié à ce jour 8612 façons de se dire juif.
Ne se reconnaissant dans aucune, il a déclaré à la presse qu’il poursuivait ses recherches. Je m’associe modestement mais de tout mon coeur, à sa quête ». Tout un programme ! « L’avantage de la pièce de Jean-Claude Grumberg, c’est qu’on éclaire le tunnel » affirme Pierre Arditi.
La mise en scène, très minimaliste, signée Charles Tordjman, se contente de mettre en valeur deux personnages servis par un tandem d’exception qui n’en fait pas des tonnes même si on les sent bien jubiler sur scène. Paru en 2013 sous le titre « pour en finir avec la question juive », la pièce a d’abord été jouée à Paris où elle a connu un vif succès.
L’être ou pas
Vendredi 3 novembre, 20 h 30
Espace Georges Sadoul, Saint-Dié-des-Vosges
Info : 03 29 56 14 09
Quelques mots sur les comédiens
Pierre Arditi a une carrière tellement remplie qu’il est impossible d’en dresser un inventaire. Depuis la fin des années 1960, il joue régulièrement au théâtre et à la télévision. Il excelle dans les rôles classiques mais aussi dans les registres plus légers. Il a obtenu de nombreux César pour sa filmographie et été plusieurs fois nommé au Molière.
Un peu moins connu du grand public que son confrère, la carrière de Daniel Russo n’a pourtant rien à lui envier. Immense acteur et comédien, on peut le voir au cinéma, au théâtre tout comme à la télévision.
Muriele Charlet-Dreyfus
