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Chez Narcisse : 130 ans de bonne humeur au Val-d’Ajol

Le 09 mars 2021 par Cécile Jacquot
Un documentaire en immersion « Chez Narcisse » au Val-d'Ajol sur France 3 Grand-Est, jeudi 26 janvier à 23 h 45
© Genetikmonoeil/BPBO (archive photo)

130 ans d’existence, ça en fait des histoires à partager ! Et l’association Chez Narcisse a décidé d’en faire un livre, raconté par le public, les artistes, ou les membres du staff. Rencontre avec Victor Grosjean, gérant de l’établissement, qui nous parle de ce futur ouvrage, déjà en préparation.

100% Vosges : Racontez-nous l’histoire de Chez Narcisse. 

Victor Grosjean : En 1890, Alfred Collot, un maréchal-ferrant originaire de Haute Saône, vient s’installer au Val-d’Ajol et achète la ferme située au 9, Rue du Devau. À partir de 1892, il décide de servir des canons à ses clients pour les faire patienter. En 1933, son fils, Narcisse, reprend l’affaire. Il y construit un cinéma en 1939, jusqu’en 1961. Elle devient ensuite une salle de théâtre, de bal, de spectacle de marionnettes. À la mort de Narcisse, en 1985, son fils Norbert prend les reines et crée la salle de concert un an après. Il cède sa place à Stéphanie, qui laissera la sienne à ses enfants : ma sœur, mon frère et moi.

 

100% Vosges : À partir de quel moment le bar devient une salle de concert ? Et pourquoi ?

VG : C’est en 1986, après que Norbert ai repris l’activité de Narcisse, que la salle de concert est créée. Il prend les rênes avec sa fille, Stéphanie, alors âgée de 20 ans. Elle fait partie d’une troupe de théâtre locale et joue dans le village et aux alentours. Ensemble, ils montent une association et la MJC du village, “Chez Narcisse”. C’est un membre de l’association, Francis Gavoille, dit “Babouze”, qui a l’idée de proposer à ses amis un concert, pour utiliser le cinéma de la famille Collot, alors vide et inoccupé.

 

100% Vosges : Quels sont les artistes et les événements emblématiques de la salle ? 

VG : Le premier est en 1990. Les Sheriff sont venus jouer, et ça a été la première date où Narcisse dépasse les 50 entrées avec 350 personnes. Et surtout, c’est tout un public, les punks du Grand-Est, qui découvre et s’approprie la salle. En 2017, nous avons lancé la bière “Narcisse”, brassée par “Bon Poison”, un ami d’école, à Metz. Et en 2018, le festival “Le Pied Orange” a été lancé par l’association “Rock Live”, qui organise les concerts Chez Narcisse depuis 1986. Pour les artistes les plus “célèbres”, Shaka Ponk, Gojira, La Rue Ketanou, Les Ogres de Barback, Mass Hysteria… et plus encore !

 

100% Vosges : En 2016, vous fêtiez vos 120 ans, mais en 2022, vous fêtez vos 130 ans, comment ça se fait que la date ait été avancée ?

VG : Le confinement nous a replongé dans le tri de nos archives. Et nous avons retrouvé un carnet de comptabilité, daté de 1892. Initialement, nous pensions que la date de création était 1897, mais non. Désormais, c’est différent.

 

100% Vosges : Pour l’occasion, vous préparez un gros projet : un livre. Sous quel format sera ce livre ?

VG : À ce jour, le format sera de 18×24 centimètres, en couverture souple, type belle revue. Nous l’édition et le distribuons nous-mêmes. Et nous gérons le projet en partenariat avec “L’Atelier Java”, un médiateur culturel qui nous aide à tenir notre calendrier et nous apporte du savoir-faire. Le livre alternera entre la partie Narcisse-bistro, Narcisse-musique et des regards extérieurs. Nous avons intégré le jeune artiste illustrateur local Antoine Aizier. Il est arrivé à la deuxième place au concours international The Global Art Awards 2020 à Shanghai, dans la catégorie art visuel, et nous en sommes ravis ! Le lien particulier avec lui et qu’il habite notre rue, et que son père a été président de notre association dans les années 90. 

 

100% Vosges : Pour la création de ce livre, vous faites participer les personnes qui connaissent de près ou de loin « Chez Narcisse », pourquoi avoir fait ce choix ?

VG : Nous nous sommes posés autour d’une table en nous demandant ce qu’on ne voulait pas pour ce livre. Et nous ne voulions pas d’un récit autocentré, vu de l’intérieur, où nous allions “encore” raconter l’histoire du lieu, celle que notre public connaît déjà.

Pour aller plus loin, nous avons voulu donner la parole à celles et ceux sans qui le lieu ne serait rien, rien du tout. Leurs points de vue, leurs moments forts… qu’ils nous donnent des anecdotes, des citations de comptoir entendues qui, sur l’instant, les ont fait mourir de rire ! Des images, des rencontres…

Narcisse est un lieu de vie populaire ! Où les prix restent raisonnables, où nous programmons du punk, du rock, et tous les styles de musique ! Où notre famille n’a jamais voulu faire dans l’élitisme. Papi Narcisse était connu au village pour être communiste, et depuis longtemps, lui comme la famille a dérangé. En 1942, le curé du village a dénoncé les opinions politiques de Narcisse à la kommandantur allemande… Et il a échappé in extremis à la déportation grâce au médecin du village, qui l’a défendu. Tout cela pour dire que Narcisse est un lieu de vie, où l’humain est plus que jamais au centre.

Notre essence est dans le cœur et le sourire de notre public, c’est ce qui nous fait avancer, ce qui nous fait croire ! Le liant de ce lieu est son comptoir et son pouvoir. La rencontre, la création, la vie, l’échange… Ce livre permet aussi de garder un lien direct et d’intégrer concrètement le public, les artistes, le personnel ou encore les membres de l’association.

 

100% Vosges : Comment se déroulera la publication de ce livre ?  

VG : Le livre sera une autoédition. Nous n’aimons pas dépendre de qui que ce soit. Nous sommes indépendants, et aimons ce goût et cette saveur, au risque de “perdre des ventes”, même si ce n’est pas le but. Ce qui nous fait frissonner, est la modeste motivation d’imaginer un sourire s’esquisser sur la bouche de nos futur.e.s lectrices et lecteurs.

 

100% Vosges : 130 ans, c’est déjà un joli bout de chemin ! Comment envisagez-vous l’avenir de votre établissement ?

VG : Nous souhaitons reprendre le cours “normal” de la vie. L’avenir, à ce jour, est incertain. Nous souhaitons maintenir l’entreprise à flots pour rester vivants. Cependant, au rythme où nos gouvernants desserrent la visse et trouvent des solutions… Nous n’envisageons pas de concerts debout, en intérieur et sans masque, avant un avenir très lointain… Et nous n’envisageons pas vraiment de concerts assis… Notre métier est de créer du lien entre les gens, de valoriser notre patrimoine, notre culture, notre territoire ! Pas d’organiser dans l’unique finalité d’un chiffre d’affaires, ou dans l’unique but d’organiser.

 

100% Vosges : Enfin, quand vous regardez en arrière, le passé de « Chez Narcisse », quel effet ça vous fait ?

VG : À titre personnel, je me dis que ce bout de chemin et beau bout pour notre famille, pour le combat qu’à ce lieu. Je trouve que mes ancêtres ont agi noblement, avec leur conviction, leurs armes, dans des contextes générationnels différents. Aujourd’hui, nos métiers (bistrotier et organisateur de spectacle) ont évolué à vitesse grand V, et cette période nous a profondément bouleversé…

Je suis fier de ce passé, mais je m’efforce chaque jour de regarder devant. À l’avenir, je serai fier une fois que j’aurai modestement contribué à “structurer” d’avantages le lieu. Par-là, j’entends que, bien souvent, dans des petites entreprises comme la nôtre, le travail et la vision reposent sur une ou deux personnes. Je me dis qu’il faudrait que l’on structure ça de manière différente, pour voir encore plus loin, avec de bonnes bases.

 

Tout le monde peut témoigner jusqu’au 17 mars prochain. Vous pouvez le faire en ligne, via ce formulaire. Par téléphone au 03.29.66.53.59 ou directement Chez Narcisse, sur rendez-vous.
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