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Michel Heinrich : rencontre avec le député-maire d’Epinal

Le 04 février 2013 par Bruno Veillon

Michel Heinrich, député-maire d’Epinal s’est prêté au jeu de l’interview. L’occasion d’aborder avec lui les grands dossiers locaux (commerces, impôts, municipales…) et nationaux (mariage pour tous, rythmes scolaires…) qui l’attendent en 2013.

Une question d’actualité pour commencer, suite au procès des surirradiés, quelle est votre réaction au verdict ? 
J’attendais le résultat de ce verdict tout comme les patients qui ont été surirradiés et sont victimes. La justice a tranché et condamné exclusivement les trois patriciens, je pense qu’elle a fait son travail, bien sûr ça n’apporte aucune amélioration au niveau de la santé des personnes qui ont subit le préjudice, mais moralement cet acte fera réparation, sachant que les gens ont été indemnisés également en-dehors du procès par une autre procédure. 

Débutons donc nos questions sur la ville d’Epinal : le Projet de Rénovation Urbaine débuté en 2005 touche à sa fin. Qu’a t-il apporté à la ville ?
C’est un investissement global de 120 millions d’euros répartis entre l’OPH (Office public de l’habitat) et la ville d’Epinal. Il a permis de détruire 800 logements qui n’étaient plus adaptés, pour en construire 700 nouveaux mieux conçus, plus petits, sans grandes entrées communes et plus économes en énergie. Ça a permis de réorganiser l’urbanisme sur ce quartier, mettre en place une salle de spectacle, et un chauffage à biomasse. L’usager de l’OPH sur le Plateau de la Justice, par exemple, paye son chauffage 20 à 30% moins cher. Grâce à la charte d’insertion, les travaux ont fourni du travail aux habitants de ces quartiers puisqu’on leur a confié 8% des heures travaillées. Elle représente 304 personnes et 117 000 heures de travail, dont certaines sont embauchées en CDI actuellement.
Nous travaillons avec l’ANRU (Agence nationale pour la Rénovation Urbaine) pour que ces quartiers continuent à bien vivre, il y a aussi un programme de réussite éducative, et d’accompagnement des habitants dans le bon usage des logements. 
Pour la suite, on aura un aménagement de tous le secteur Avrinsart et la construction par l’OPH des immeubles qui restent à ériger sur le plateau de la Justice, on termine aussi les travaux du quartier de la Vierge et le secteur de la Quarante-Semaine.

Quels sont les autres grands travaux prévus à Epinal dans les années à venir ?
Celui qui me tient le plus à coeur, c’est la construction de l’hôpital Emile-Durkheim. Ce n’est pas la Ville qui finance l’hôpital, c’est l’ARS (Agence Régionale de Santé) et l’Etat. Il y a urgence à refaire ce bâtiment, les conditions dans certains services ne sont pas bonnes. Le travail y est difficile en raison de la conception du bâtiment. Aujourd’hui, on y  construit des parkings de 600 places. Nous allons dévoyer la rue Robert-Schumann dans les prochaines semaines et les travaux vont démarrer d’ici la fin de l’année pour trois ans. 
Il y a aussi les chantiers proprement “ville” (12 millions d’investissement dont 4 millions d’entretien du patrimoine) et la poursuite d’opération de façon ralentie compte-tenue de la diminution des dotations de l’Etat. On a notamment une troisième chaufferie pour les bâtiments publics de la ville (avec un réseau de chaleur qui fait déjà 19 km de long pour économiser le rejet de 19 000 tonnes de CO2 dans l’atmosphère), un établissement public de personnes âgées en remplacement de la résidence Notre-Dame près de la gare, le terrain de rugby de la Soba, le parc du château, achever les travaux de la tour chinoise. 
Les gros investissements sont la SMAC (Salle des musiques Actuelles) rue des Etats-Unis, entamée par le Syndicat Mixte à Vocation Culturelle Epinal-Thaon et qui va devenir un projet d’agglomération dans les prochains mois. 

Quelles sont les autres grandes enveloppes budgétaires d’Epinal en 2013 ?
Pour le reste on poursuit notre politique de cohésion sociale qui est le fondement même de notre politique. Que ce soit la politique culturelle, sportive et sociale qui constituent un tout, avec les centres sociaux, les MJC, mais aussi toutes les actions dans le domaine social à travers les chartes d’insertion, les bourses au permis de conduire, les ateliers pédagogiques etc… Aujourd’hui dans un contexte économique difficile où la population souffre, avec un revenu moyen par habitant inférieur de 15 à 20 % à la moyenne nationale, cela suppose un accompagnement de ces personnes. C’est la principale préoccupation du maire que je suis.

Vous évoquez l’action sportive de la ville, avez-vous choisi de privilégier certains sports en les finançant davantage ?
Notre politique n’est pas de faire le choix d’un sport pour la ville, c’est d’amener le plus grand nombre à la pratique sportive. Ce choix peut être contesté, critiquable, mais c’est d’avoir une offre extrêmement diversifié. Cependant, il faut quand même du sport de haut-niveau pour servir de locomotive. 

Justement, ça ne vous donne pas envie de privilégier certains clubs qui réussissent mieux que d’autres ?
C’est une question de moyens, on ne peut pas aller plus loin par rapport aux moyens dont on dispose. Nous avons toujours accompagné les clubs dans leur évolution. Chacun vous dira certainement qu’il n’a pas assez, mais nous on fait ce qu’on peut. On développe aussi à côté de cela une politique culturelle très forte avec des conservatoires, les festivals etc. 

La rénovation stade de la Colombière, c’est un projet ?
La pelouse est plutôt en bon état, aujourd’hui on a pas la possibilité de déménager le stade, il y aura certainement un jour des travaux à faire dans les vestiaires. On a travaillé sur l’éclairage avec plus ou moins de bonheur. Et puis, il y a un problème c’est l’athlétisme : compte-tenu du calendrier du foot, il n’y a pas de bonnes conditions d’entrainement, mais l’athlétisme mérite notre attention. S’il y a un investissement à faire dans les prochaines années c’est plutôt vers ce sport. 

Venons-en aux sujets qui fâchent. Certains commerçants se plaignent du problème de stationnement au centre-ville. Est-il en train de se vider ?
Si nous ne mettons pas en place un stationnement payant, il n’y aura plus assez de places du tout pour se garer ! C’est pareil dans toutes les villes de France. Je n’ai rien inventé. Comme partout ce type de stationnement progresse régulièrement. Certains commerçants offrent en échange des places aux clients d’autres ne le font pas. 

Dans un contexte difficile, je considère que le commerce spinalien se porte plutôt bien. Il suffit de se référer à l’étude de la CCI, Epinal capte 26 % de la dépense commerciale totale du département des Vosges. Les trois-quarts du chiffre d’affaires des ventes  hors alimentaire proviennent de l’extérieur d’Epinal. On résiste globalement bien. 

Je travaille aussi avec les commerçants à la mise en place d’un manager de centre-ville, avec la CCI et Epicentre, pour assurer une animation. Je peux également révéler que je vais mettre en oeuvre dès cette année une concertation avec les commerçants pour la rénovation de la rue des Petites Boucheries.

Les zones commerciales en périphérie d’Epinal ne détournent-elles pas les consommateurs du centre-ville ?
Les Terres Saint-Jean ont permis de réduire considérablement l’évasion commerciale et les produits qui y sont vendus ne sont pas concurrentiels avec ceux du centre-ville. Il y a cinq ans, je suis allé dans plusieurs grandes surfaces commerciales au sud de Nancy. Une personne sur deux me disait ” Bonjour monsieur le Maire ” ! C’était bon, mon opinion était faite ! 

Les municipales auront lieu en 2014, mais les débats débuteront à l’automne. Comment préparez-vous ce rendez-vous ?
Pour le moment, je ne me suis encore pas préparé, même si j’ai des idées sur les évolutions nécessaires pour Epinal dans les années à venir. 

Vous allez vous représenter ?
C’est toujours un peu tôt pour annoncer ce genre de choses. Je dirais que c’est très probable. Même si ma décision n’est pas officielle, je me place dans cette hypothèse.

Au bout de trois mandats, vous ne vous sentez pas fatigué ? 
De ma part, non. Mais si les électeurs trouvent que je suis fatigué, ils me le diront !

Quel bilan allez-vous défendre ?
La communauté d’agglomération, le développement économique avec la pépinière d’entreprises à travers le pôle éco-construction, le pôle image etc. L’amélioration du cadre de vie dans les quartiers, Saint-Michel avec la Plomberie, la BMI, le cinéma et la patinoire, et puis les entrées de ville. Des arguments, j’en ai. J’ai mené un programme qui est assez conforme aux engagements pris. Tout n’a pas été réalisé mais des projets qui n’étaient pas prévus l’ont été.

Communauté d’agglomération et région lorraine

La nouvelle communauté d’agglomération regroupe 38 communes dont Epinal. Quel est son rôle le plus important ?
L’objectif principal, c’est le développement économique avec un bassin d’emploi qui voit son chômage augmenter. On assiste à des fermetures et des entreprises réduisent leurs effectifs. L’agglomération a le gros avantage de mettre fin à la concurrence entre les territoires. Si une entreprise cherche à s’installer dans le secteur, on la positionnera au meilleur endroit pour elle, sans créer de rivalités d’une collectivité à l’autre. 
C’est aussi une mutualisation d’équipements sportifs, culturels. Mais attention, il ne s’agit pas de faire payer ses équipements du jour au lendemain aux autres communes.

Cela permettra t-il aussi de réduire le coût d’accès à certains équipements ?
Si ça ne fait pas baisser les tarifs, ça évitera les augmentations, par exemple pour l’accès aux piscines. 

Vous avez également lié un pacte financier au sein de la communauté pour ne pas augmenter les impôts locaux.
Ce pacte financier garantit que si les impôts communaux augmentent les impôts communautaires baissent. Au final, le taux global (commune et agglomération) doit toujours être égal à 2012. Moi ça fait 20 ans que je n’ai pas touché aux taux d’Epinal. 

Prenons un peu de recul, par rapport à la situation d’Epinal dans le Sillon Lorrain. On a parfois l’impression qu’Epinal reste difficile d’accès par la route ou le train.
On réfléchit à une liaison Epinal-Metz sans rupture de charge, au niveau de la route c’est plutôt entre Metz et Nancy que le bas blesse. Mais c’est un problème global que nous analysons. 

Nous mutualisons aussi les structures : dans le cas de la SMAC on va travailler en réseau avec d’autres salles lorraines, les quatre conservatoires travaillent ensemble pour proposer des formations et des concerts. L’école supérieur d’art a fusionné avec Metz, ce qui donne une très bonne offre de formations. 

Un maire… député

La récente proposition du ministre de l’éducation Vincent Peillon sur les rythmes scolaires a soulevé beaucoup de réactions. Quel est votre avis ? Allez vous demander une dérogation comme d’autres maires ?
Je ne sais pas encore ce qu’on va faire, j’ai été très favorable aux aménagements de rythme. J’avais été très hostile quand Xavier Darcos avait ramené la semaine à quatre jours. Avec la proposition de Vincent Peillon, les enfants auront cinq matinées de classe, j’y suis favorable, et l’après-midi des activités (organisées par la ville, ndlr). Mais pour celles-ci, nous n’aurons pas le temps de les emmener, il faudra les garder dans l’école, on sera obligé de pratiquer ou dans la cour ou dans la salle de classe. 
Ça va représenter un coût de l’ordre de 120 000 euros par an, la difficulté c’est de trouver 80 ou 100 personnes qui travaillent trois-quarts d’heure un jour sur deux pour assurer ces activités, c’est un vrai problème pour les collectivités, il nous faut beaucoup d’intervenants pour très peu de temps. A se demander vraiment si les gens qui ont pensé cela se sont mis deux minutes dans la peau des collectivités. Je me demande si on ne s’achemine pas vers un report en 2014.

Le mariage pour tous, la PMA (Procréation médicalement assistée) et la GPA (Gestation pour autrui) : vous avez clairement exprimé votre refus dans un long article sur votre page facebook. Vous faites à cette occasion un lien avec l’eugénisme, pouvez-vous nous expliquer ? 
La PMA est réservée aujourd’hui aux couples stériles, pour une raison médicale. Si la loi est votée, la PMA ne sera plus considérée comme le traitement d’une stérilité mais une façon de fabriquer un enfant sans faire l’amour. On arrivera à des dérives. On va pouvoir choisir son enfant sur catalogue, on définira le type de personne qu’on veut. Si on a besoin d’un basketteur de 3 mètres, on pourrait le faire. C’est une dérive que je condamne. C’est en ce sens que je parle d’eugénisme. 
Pour la GPA, ce qu’il y a derrière en réalité, c’est la marchandisation du corps de la femme pour des femmes qui font cela par nécessité, parce qu’elles n’ont plus d’emploi par exemple. 

Contrairement à certains de vos homologues de la droite dure, vous avez néanmoins indiqué que vous célébrerez les mariages entre personnes du même sexe si la loi était adoptée. Vous êtes un peu droite soft ?
Moi je ne suis pas droite soft, je suis droite sociale si vous voulez. Je suis républicain avant tout, quand la loi est votée, elle est votée. Je suis officier d’état civil, j’ai une délégation de l’Etat pour procéder au mariage. Si nous les élus nous n’appliquons pas la loi ou si je n’applique que les lois qui m’intéressent ou qui me plaisent… Les maires qui ne célèbreront pas ont tort.

Vous vous êtes déclaré en faveur des salles de consommation de drogue, encore une façon de vous démarquer à droite. Où en est ce dossier ?
J’ai lancé le débat en 1997, les salles de consommation de drogue c’est pour toucher des gens qui ne voient pas de soignants, qui sont dangereux pour eux-mêmes et pour leur entourage. C’est les amener à une bonne pratique puis un traitement de substitution. Marisole Touraine (ministre de la Santé) s’est dite favorable à cette mesure. 

Enfin le cumul des mandats fait aussi partie des débats actuels et vous êtes directement concerné. Si vous deviez choisir l’un ou l’autre, que feriez-vous ?
Avoir une fonction locale et nationale apporte beaucoup aux députés, c’est un avantage en France. Surtout avec la technostructure des ministères. Je suis pour le cumul des mandats, ce qui ne veut pas dire cumul des rémunérations.

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